Des coûts en euros et des ventes en dollars : elles sont nombreuses les usines françaises à subir ce diktat inhérent à leur activité. Or, en un peu plus de deux ans, le cours de l’euro s’est réévalué de 50 % par
rapport au dollar. Abaissant d’autant la compétitivité de nos usines et accélérant les délocalisations en zone dollar.Nous avons déjà constaté dans ces colonnes que les chefs d’entreprises étaient quasi impuissants face à cette situation. Tout au plus pouvaient-ils en profiter pour investir ou racheter des sociétés en zone dollar ou encore
rembourser leurs emprunts en dollars et réemprunter en euros. Mais personne n’ose trop se risquer à ce jeu bien que la chance d’y gagner soit en ce moment supérieure à celle d’y perdre.Nous avons relu beaucoup d’opinions émises depuis deux ans sur l’évolution probable du dollar et toutes se sont révélées basées sur des raisonnements plus ou moins faux : en fait, la plupart du temps, des bouts de
raisonnements justes sont masqués dans la réalité par des mouvements de fond qui s’avèrent avoir un poids plus important sur l’évolution des cours que celui des raisonnements évoqués.Nous ne prétendons pas, dans notre ‘ petit ‘ secteur de l’électronique, avoir une vision plus juste que celle des spécialistes sur ce sujet. Nous sommes sûrs, en essayant d’estimer
l’évolution du cours du dollar, que nous n’aurons que peut-être raison, qui plus est soit trop tôt, soit trop tard. Il nous est toutefois impossible de ne pas avoir au moins une opinion sur la probabilité de ce qui va se passer à moyen
terme à ce propos. Trop d’investissements – et trop d’emplois – en dépendent.
Des évolutions concrètes sont à prendre en compte
Rappelons donc pourquoi le dollar s’est écroulé. A l’origine du mouvement, chacun s’en souvient, la FED américaine a tellement abaissé son taux directeur (jusqu’à 0,5 % par an) que les investisseurs
n’ont plus voulu prêter leur argent aux Etats-Unis : ce placement leur rapportait moins que le taux de l’inflation américaine. Il y avait mieux à faire ailleurs, en particulier en Europe, où les taux d’intérêt court terme
ne sont jamais descendus en dessous de 2 %.Moins de demandes en dollars, plus de demandes en euros, la finance est la finance, l’euro a monté vis-à-vis du dollar. Ce voyant, et en se disant que l’augmentation du déficit américain ne risquait pas de tarir la demande
de dollars – donc de ralentir sa chute -, les banques centrales de nombreux pays dans le monde ont décidé de rééquilibrer leurs réserves monétaires, et donc d’échanger leurs dollars contre des euros (a posteriori, elles ont eu
raison puisque l’euro a monté).Or les sommes en jeu ont été énormes. Tellement énormes que ce basculement aussi a fait monter l’euro : la montée de l’euro a alimenté la montée de l’euro. Aujourd’hui, ce rééquilibrage semble
achevé : impensable pour les banques centrales de faire passer leurs réserves en dollars en dessous d’un certain seuil, sauf à spéculer, ce qui n’est pas trop leur genre.Ce facteur de montée de l’euro est donc a priori en voie de disparition. Mais le deuxième facteur est aussi en voie de disparition : les taux d’intérêt court terme des emprunts en euros sont toujours inférieurs à
2,5 % (et devraient le rester à moyen terme) alors que les mêmes en dollars sont en train de passer au-dessus de 2,5 %.Mieux, la FED a fait comprendre que l’inflation risquait de s’accélérer aux Etats-Unis et que la seule solution pour contrer ce phénomène était d’augmenter les taux d’intérêt. Du coup, il va redevenir plus
intéressant d’acheter des dollars plutôt que des euros pour placer ses liquidités au taux le plus favorable. Ce qui aura tendance à faire remonter le dollar.Avant de crier victoire, force est toutefois de se poser la question : y a-t-il un autre facteur encore plus important qui ferait que le dollar ne pourra pas remonter ? Peut-être. Les taux d’intérêt des emprunts à long
terme ont par exemple parfois plus d’importance sur le cours du dollar que les taux de court terme. Et ceux-là ne répondent qu’à la loi de l’offre et de la demande : prévision fiable impossible.Autre exemple, le déficit américain fait peur, et qui dit déficit anormal sous-entend historiquement fonctionnement à plein régime de la planche à billets et dévaluation. Mais une dévaluation ne se décrète directement ou indirectement
que très difficilement en économie ouverte : en l’occurrence, elle pourrait être provoquée par un consensus de grands investisseurs qui clameraient à tout va qu’elle va se produire : cela ferait fuir les
‘ petits ‘ investisseurs et le dollar pourrait alors effectivement s’écrouler par manque de confiance.Mais comment juger de la probabilité d’un tel scénario (même le milieu bancaire n’y croit pas) ? Nous sommes donc condamnés à vivre, certes plus confiants, mais toujours dans le doute.* Directeur de la rédaction d’Electronique International HebdoProchaine chronique jeudi 10 février
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