Le moral des boursicoteurs, c’est bien connu, épouse la courbe de leurs actions. Que dire de celui des professionnels de l’analyse, dont les recommandations ont été inlassablement mises en échec, cette année, par les contre-pieds des “ technos” ?La plupart des spécialistes des TMT (technologies, médias, télécoms) n’ont pris que progressivement conscience de l’ampleur de la correction qui allait suivre le boom d’internet en Bourse. Pour ne connaître ensuite ?” et seulement pour les meilleurs ?” que la maigre satisfaction de prévoir les mauvaises nouvelles à venir.S’ils n’ont pas eu à affronter critiques et procès à l’américaine, le crédit des “ technos” français a vivement pâti de la crise, et leur statut a perdu du lustre. “ Un certain nombre de jeunes analystes, recrutés au moment du boom, ont pu sans doute faire insuffisamment preuve d’esprit critique. Au-delà du dé-savantage passager, cette jeunesse est le reflet du dynamisme de la place de Paris“, nuance Bernard Coupez, le président de la Sfaf, la Société française des analystes financiers, qui regroupe la majorité des professionnels de la place. Au quotidien, toutefois, la déprime boursière n’a pas que des effets psychologiques. “J’avais une vingtaine de valeurs à suivre il y a dix-huit mois. Aujourd’hui, entre les disparitions et les rachats, il m’en reste douze. De toute façon, elles n’intéressent plus grand-monde“, lâche, désabusé, un responsable des “small caps“, ces petites capitalisations du Nouveau Marché, lessivées par le krach. “On m’a surnommé “profiterolles”, à cause des “profit warning” massifs sur mes secteurs“, soupire cet autre professionnel.Si la perte de prestige est déplaisante, l’anémie de clientèle est plus grave. Les demandes d’analyses sectorielles et d’évaluations de capitalisations moyennes se sont réduites. D’autant que le marché des études reste dominé par les grandes maisons anglo-saxonnes, qui allient une vision pointue des technologies et des sociétés à une couverture internationale. Les “reco” (recommandations), qui font vraiment bouger les titres de l’ex-nouvelle économie, de France Telecom à Fi System, sont le plus souvent rédigées à Londres, voire à New-York ou Denver. Or, selon les relevés de la Sfaf, la population des spécialistes des TMT a fortement gonflé depuis trois ans. Les groupes de réflexion sectoriels sur les SSII, les médias et les télécoms-internet comptent aujourd’hui une centaine de membres. En ajoutant à ce chiffre les quelque 150 analystes TMT non inscrits, la Sfaf évalue à 250 le nombre de professionnels couvrant l’univers des nouvelles technologies, sur un total de 1 500 membres.
Des postes menacés
Faut-il s’attendre à des réaffectations au sein des départements d’analyse, voire à une vague de restructurations ? “Ces postes sont directement menacés. Avec l’appel d’air artificiel créé par la bulle spéculative, les banques se retrouvent avec une armée d’analystes sur un secteur où il y a moins de transactions. Les spécialistes de “l’ancienne économie” ont en revanche de nouveau le vent en poupe“, commente Xavier Logeais, en charge du secteur financier au cabinet de recrutement Michael Page. À New York, mais aussi à la City, les plans sociaux sont déjà là.A Londres, Merrill Lynch serait sur le point d’annoncer la suppression de 15 % de ses effectifs, soit 400 postes. Les branches télécoms et technologies seraient les plus touchées, avec une saignée de 40 % des effectifs. À Paris, on ne constate qu’un gel des embauches. “Depuis le premier trimestre, les recrutements se faisaient au compte gouttes. Ils se sont arrêtés le 11 septembre“, poursuit Xavier Logeais.
Le rebond se fait attendre
Un dégraissage larvé s’opère toutefois, les stages et CDD ne se transformant plus en postes fixes, les partants n’étant pas remplacés. Quant aux habituelles bonifications de fin d’année, elles pourraient se révéler plus minces. Pas de quoi nourrir le rebond boursier tant attendu. D’ici là, la profession pourrait s’engager dans une vaste réflexion. Déontologie, rigueur, prudence sont les couleurs de ce premier vernis. “ La Sfaf est attachée à l’autodiscipline. Il faut favoriser l’indépendance intellectuelle des analystes et des professionnels de la finance. Les conclusions de la commission déontologie de la Sfaf devraient paraître au début de l’année prochaine“, affirme Bernard Coupez. On saura alors si, à partir des ravages subis par la profession ces deux dernières années, de véritables leçons auront été tirées.
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