Passer au contenu

Le consortium Objectweb veut placer l’open source sur le plan industriel

Créé en 1999 par Bull, France Télécom R&D et l’Inria, le consortium Objectweb s’attache à construire une plate-forme middleware standard et complète en source libre.

Le règne des éditeurs de logiciels n’a jamais empêché constructeurs et grands utilisateurs de mener des recherches sur des sujets considérés comme stratégiques, tel le middleware. C’est à partir de ces démarches qu’est né le
consortium Objectweb, en 1999, dans la dynamique du succès qui soustend le mouvement du logiciel libre. ‘ Notre objectif est de faire passer l’open source à une vitesse industrielle, explique Christophe Ney, directeur récemment élu du consortium. Nous expérimentons une nouvelle forme de
contractualisation de la relation client-fournisseur, fondée sur la coopération plutôt que sur l’emprise. ‘
Par plate-forme middleware, le consortium entend une infrastructure logicielle complète, située entre les applications et les ressources de bas niveau, comme un système d’exploitation ou une machine virtuelle Java, sur un éventail de
plates-formes allant du téléphone portable aux grands systèmes. ‘ Dans certains cas, il peut aussi être nécessaire d’intervenir au plus près du matériel ‘, indique Christophe Ney.Mais, par-delà les questions techniques, c’est surtout l’approche collégiale de la gestion des projets qui est caractéristique. Dans le monde de l’entreprise, l’adoption du libre n’est pas toujours évidente. Les questions portant sur
le choix de la licence et les engagements qui en découlent, la pérennité des produits ou la disponibilité de services de support technique ou à valeur ajoutée constituent les freins les plus courants. Il est donc nécessaire d’associer les
utilisateurs à la démarche, dès les phases amont des spécifications.

Une mutualisation de la recherche

A l’origine, Objectweb est né du constat qu’il n’y avait pas, en Europe, de communauté d’édition de logiciels de type serveurs. France Télécom R&D (ex-Cnet) et Bull ont donc décidé de mettre en commun les équipes de recherche
autour de l’ORB Jonathan, d’origine France Télécom, et du conteneur d’EJB Jonas, conçu par Bull à partir d’un moniteur transactionnel maison. Aucun de ces deux projets n’avait d’avenir commercial.En effet, France Télécom n’était pas éditeur, et Bull ne disposait pas des moyens de concurrencer sur leur terrain les poids lourds du logiciel d’infrastructure, tels que BEA ou IBM. Aujourd’hui, Objectweb regroupe une quarantaine de
projets basés sur les standards du marché, Corba ou J2EE, à la fois pour l’interaction entre les objets et pour l’accès aux données.L’architecture .Net de Microsoft n’est pas encore prise en compte. Mais, selon Alexandre Lefebvre, ingénieur R&D chez France Télécom, ‘ c’est une réflexion en cours. Nous étudions en particulier les
implémentations libres de la CLR ‘.
Ce n’est pas avec le faible montant des cotisations que les projets se réalisent, mais par une mutualisation des efforts.Dans les faits, chaque membre apporte des ressources humaines et des contributions en nature. Bull consacre à Objectweb une vingtaine d’ingénieurs, des développeurs travaillant sur Jonas, mais aussi des chefs de projet, ainsi que
plusieurs personnes chargées de la promotion du consortium.Même ordre de grandeur chez France Télécom R&D, avec des chercheurs dédiés à la définition des spécifications des composants de la plate-forme. ‘ La démarche de France Télécom est caractéristique de
l’attitude des grands utilisateurs, comme le CEA ou Thales, ou même de l’Administration,
explique Christophe Ney. Leur souci majeur est la pérennité et la maîtrise de leur système d’information, avec, pour problématique
principale, celle de ne pas passer sous l’emprise d’éditeurs de logiciels pour leur infrastructure informatique ­ une situation dans laquelle ils se trouvent dans certains cas. Mais c’est aussi la problématique des utilisateurs en général, de même
que celle du gouvernement français quand il préconise l’utilisation du logiciel libre pour ses propres besoins, sachant que la maîtrise de l’infrastructure logicielle est l’une des clés de cette indépendance. ‘
L’Inria, de son côté, outre l’ensemble des chercheurs intéressés, dispose d’un budget spécifique pour Objectweb et fournit trois personnes pour la gestion quotidienne, celle des relations entre les projets et avec les membres.

Une approche industrielle du projet

L’orientation infrastructure d’entreprise prise par Objectweb influe naturellement sur le type de code produit et sur le profil des contributeurs potentiels. Les équipes des fondateurs s’inscrivent au sein de démarches existantes et
importent leurs problématiques particulières. ‘ Même si l’on part des mêmes spécifications pour Java, par exemple, la base de code de Jonas peut apparaître plus complexe que celle d’autres implémentations, reconnaît Christophe Ney. Nous
allons nous poser d’emblée des questions comme celle de la montée en charge. Et la résolution de ces problèmes implique une complexité accrue. ‘
Du coup, le niveau technique nécessaire pour contribuer devient plus élevé. Par exemple, le projet de plate-forme Grid ProActive implique un niveau de qualification proche de la recherche, moins fréquent dans la communauté du logiciel
libre. ‘ Dans beaucoup de projets open source, les notions de clustering sont rarement prises en compte parce qu’elles sont difficiles à maîtriser, explique Christophe Ney. C’est pourtant l’un des
prochains axes principaux pour les questions de montée en charge, de sécurité, de reprise sur pannes, ou de distribution/réplication. ‘
Mais si le collège d’architectes construit la vision architecturale, d’autres projets qui n’en faisaient pas partie à l’origine sont cooptés et adaptés pour la rejoindre. ‘ Nous sommes en train de bâtir une
cathédrale, mais il nous faut aussi un bazar ‘
, plaisante Christophe Ney.

Une réponse à la mainmise américaine

Force est de constater l’absence dramatique des acteurs européens dans le domaine du logiciel d’infrastructure. BEA, IBM et Oracle règnent presque sans partage sur un secteur clé des systèmes d’information. Si la démarche d’Objectweb
s’est initialement concentrée sur les questions techniques, le consortium entend désormais jouer un rôle de fédération et de mutualisation des efforts de R&D français et européens pour promouvoir une alternative aux offres commerciales
propriétaires américaines. ‘ Sur Jonas, notre concurrence n’est pas JBoss, mais plutôt Weblogic et Websphere ‘, précise Christophe Ney. A terme, l’existence de ce type d’offre, gratuite et accessible, obligera les
éditeurs à repenser leur modèle économique en s’éloignant d’une proposition purement technique pour s’orienter vers une valeur ajoutée métier. ‘ Dans ce cadre, explique Christophe Ney, l’open source apparaît comme une émanation d’une économie du bien commun, avec une relation client-fournisseur différente. Nous avons d’ailleurs un rôle
de tiers de confiance à jouer dans ce concert pour garantir la pérennité et la qualité des solutions. ‘

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Philippe Davy