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Le Conseil d’État approuve la conservation des données de connexion… en posant quelques limites

La haute juridiction estime que la sécurité nationale justifie de contraindre les opérateurs télécoms à conserver les métadonnées de leurs abonnés de façon généralisée. Une défaite pour les associations qui l’avaient saisi.  

Le Conseil d’État vient de rendre son avis sur l’obligation faite aux opérateurs télécoms de conserver durant un an les données de connexion de leurs abonnés et leur exploitation par les services de renseignement. Il juge que le droit français ne contredit pas la réglementation européenne en justifiant cette contrainte par la menace pesant sur la sécurité nationale. Il estime que la lutte contre la criminalité grave est également un motif recevable.

Six mois pour se mettre en conformité

Toutefois, il apporte quelques limites. Il ordonne notamment au gouvernement de « réévaluer régulièrement » ce contexte de « menace sur la sécurité nationale ». Et surtout, il impose de « subordonner l’exploitation de ces données par les services de renseignement à l’autorisation d’une autorité indépendante », comme on peut le lire dans le communiqué de presse du Conseil d’État. L’avis consultatif rendu par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) n’est donc pas suffisant. Le Conseil d’État laisse un délai de six mois au Premier ministre pour se mettre en conformité.

Les données de connexion en question peuvent concerner aussi bien les noms, prénoms, adresses IP, que la localisation ou les heures et dates des appels de tout un chacun. Plusieurs associations, dont la Quadrature du net et FDN (French Data Network), mais aussi l’opérateur Free avaient saisi le Conseil d’État pour examiner la conformité des règles françaises, car elles les estiment contraires au droit européen. Ils sont à l’origine de six ans de procédure acharnée.

Quelles conséquences pour l’Europe ?

Il est vrai que la Cour de Justice de l’Union Européenne a été régulièrement saisie sur ces questions et qu’elle s’est toujours prononcée en défaveur de ce qui était fait en France. Elle a tout de même concédé en 2020 qu’une conservation généralisée était possible, mais seulement si elle était limitée dans le temps et au strict nécessaire pour la sécurité nationale, et uniquement de façon ciblée pour la criminalité grave.

Le Conseil d’État se retrouve donc en contradiction avec le droit européen. Mais la France n’est pas la seule dans cette situation, qui concerne aussi l’Allemagne ou l’Italie.

Pour la Quadrature du Net, la décision du Conseil d’Etat est une défaite qui va conforter durablement une surveillance de masse. Les nuances introduites par la juridiction sont qualifiées de « correctifs superficiels ». L’association dénonce plusieurs points.

Le premier est l’interprétation qui est faite de la notion de « sécurité nationale » et qui peut englober, au-delà du terrorisme, l’espionnage économique, le trafic de stupéfiants ou l’organisation de manifestations non-déclarées. « Ainsi, il peut conclure que la sécurité nationale est systématiquement menacée, justifiant le contournement permanent des garanties protégeant les libertés fondamentales et ce même en dehors des périodes officielles d’état d’urgence, soumises à un contrôle démocratique (aussi théorique soit-il) », peut-on lire dans le communiqué de presse de la Quadrature du Net.

Le second est le fait que la France se conforte dans une position contraire à la réglementation européenne. « Quelle légitimité a dorénavant la France pour parler au nom d’une Union européenne dont elle foule aux pieds les principes et les juridictions ? », se demande l’association. On peut aussi désormais craindre que  cette décision n’encourage d’autres pays à prendre des libertés avec les textes européens.

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Amélie CHARNAY