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Le Cned entre dans l’arène marchande

Le Centre national d’éducation à distance entre sur le marché de la formation en ligne. Outre l’accompagnement scolaire et universitaire, il vise surtout la formation professionnelle. L’entrée de l’acteur historique dans l’arène du e-learning pourrait bousculer un marché déjà en pleine structuration.

Qu’arrive-t-il quand un poids lourds de l’éducation entre sur la scène du e-learning ? Il prend immédiatement des parts de marché.Or, le Centre national d’éducation à distance (Cned), qui existe depuis plus de cinquante ans, prépare depuis deux ans déjà son offensive en la matière. Cet établissement sous tutelle du ministère de l’Education nationale dispose d’un budget annuel de 1 milliard de francs. Il forme à distance, chaque année, près de 350 000 personnes.Historiquement, la mission du Cned consiste à donner, à moindre coût, les moyens de passer son bac à distance, mais aussi de préparer des concours administratifs ou des diplômes universitaires. Tous les secteurs de l’éducation sont concernés : du primaire à la terminale, mais également le supérieur ou la formation professionnelle.Pour ses développements futurs, le Cned s’investit sur ces marchés sur un mode plus commercial : accompagnement scolaire en partenariat avec Bordas, accompagnement universitaire, mais également formation profesisonnelle.

100 % des contenus numérisés, donc réutilisables

Ainsi, dans le cadre de sa ” politique de modernisation “, l’institution est en passe de numériser la totalité de ses 3 000 formations. ” Aujourd’hui, 50 % de nos cours sont déjà numérisés. D’ici à un ou deux ans, la totalité sera disponible en format électronique. Mais numérisation n’implique pas e-learning. Cela veut juste dire qu’il nous est désormais possible de réutiliser les briques de savoir sur des supports différents “, explique Guy Aubert, recteur du Cned.A l’instar de toute société privée productrice de contenus, le Cned joue donc la carte de la réutilisation des contenus pédagogiques multisupports, le papier étant peu à peu transformé en support de référence, et Internet permettant, entre autres, de faire des exercices.Guy Aubert met cependant en garde les férus du tout-e-learning : ” Ceux qui croient qu’il suffit de mettre des contenus à la disposition des élèves sur Internet se trompent. L’enseignement fait forcément appel au contact entre un professeur et un élève, que ce soit par mail, par téléphone ou dans une classe.” D’ailleurs, seulement 25 % des formations du Cned font appel au e-learning, et les modules 100 % en ligne se font rares.” Il existe quelques exceptions, telles que le diplôme universitaire d’imagerie médico-légale. Ce diplôme vise un public averti, disséminé dans tout le pays, et qui travaille. La formation en ligne est, dans ce cas précis, adaptée à leurs besoins. ” Le recteur estime d’ailleurs qu’il est encore fort difficile de demander à des particuliers de suivre des cours en ligne, le prix des connexions et la qualité de ces dernières n’étant pas encore au rendez-vous pour un service de qualité.

Un discours de chef d’entreprise

Le Cned se positionne pourtant comme partenaire officiel de quinze des soixante-dix-sept campus numériques financés par le ministère de l’Education nationale, et dispose également de trois campus maison, dont un dédié à la formation aux textiles.Pour les partenariats, le recteur tient un discours de chef d’entreprise : ” Nous avons sélectionné nos partenaires en fonction de leurs ambitions nationales et internationales, mais également au regard de la viabilité de leurs business plan. Comme dans toutes les aventures, il y aura beaucoup de partants, mais peu de gagnants. “L’institution apporte aux projets partenaires son savoir-faire en ingénierie pédagogique, mais également un centre d’appels suffisant pour absorber 14 000 appels par jour en période de pointe, ainsi que des serveurs loués à France Télécom. Quel sera son bénéfice ? Le recteur n’entend pas donner de chiffres, mais précise que derrière le développement de Deug ou de licences, ” les contenus écrits par les professeurs d’université pourront être utilisés pour la formation professionnelle “.

Cap sur la formation professionnelle

Et lorsqu’il s’agit d’aborder ce marché en particulier, Guy Aubert s’enthousiasme : ” La formation professionnelle représente en France un volume d’affaires de 150 milliards de francs, et un chiffre d’affaires de 50 milliards de francs pour les centres de formation. Or, le secteur public ne représente que
14 % de cette somme. Vous imaginez la marge de progession qui s’offre à nous ? C’est là qu’on va gagner de l’argent, notamment avec les campus numériques. “Le Cned forme déjà les personnels de la SNCF, de la police et des armées. Il est également en train de mettre en place une structure de téléformation des agents de l’Etat. Si le recteur assure que l’institution ” n’abandonnera pas la formation individuelle ni sa mission de service public “, il entend désormais prendre la route du commerce à grande rentabilité avec les grands comptes privés. L’avenir nous dira si ces nouvelles orientations permettront au service public de gagner en qualité et en accessibilité pour les personnes les plus démunies ou si, au contraire, le Cned choisira les voies du profit.

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Mélusine Harlé