“L’an passé on ne pouvait pas faire un pas sur la Croisette sans tomber sur une publicité pour des sites internet. Depuis, la plupart ont disparu.” Comme beaucoup de professionnels, Didier Sapault, directeur général de TF1 Production, filiale de distribution internationale et de coproduction de la chaîne, est revenu des débats autour des perspectives de développement de la diffusion de films sur internet.La 54e édition du Festival international du film de Cannes, ouverte mercredi 9 mai, se déroule loin du conflit qui a opposé pendant plusieurs semaines, aux États-Unis, les majors aux scénaristes qui réclamaient une réévaluation de leur contrat tenant compte des recettes à venir de l’exploitation des films sur internet.En Europe, et plus particulièrement en France, producteurs, distributeurs et diffuseurs en sont plutôt au stade de la réflexion, en attendant de savoir si la diffusion de longs métrages sur le net peut réellement constituer un marché. Des jalons sont posés au moins sur le terrain juridique. Depuis un an et demi, tous les contrats signés entre producteurs et distributeurs incluent l’exploitation internet. “Il s’agit d’abord d’une protection juridique qui, pour l’instant, n’a aucune implication concrète. Les montants n’ont pas augmenté et je n’ai pas de demande”, précise encore Didier Sapault. Constat identique du côté de l’Union des producteurs de films (UPF) : “Aujourd’hui, internet ne constitue ni une source de financement ni une source de revenu”, explique Clara Mériaux-Delbarre, déléguée générale du syndicat.
Un créneau de sortie
La raison est essentiellement technique. Peu de foyers sont encore dotés d’équipements de réception et de diffusion à haut débit permettant de télécharger des fichiers de 250 mégaoctets. Un peu plus de 200 000 personnes dans l’Hexagone sont raccordées à l’internet rapide et un peu plus de 4 millions de foyers dans le monde.Dans trois ans, selon le cabinet Forrester Research, ce seront quelque 76 millions de foyers qui surferont à grande vitesse. Tous les espoirs sont donc permis. Encore faut-il, d’ici à là, organiser les relations entre les intervenants de la chaîne et codifier l’exploitation des droits. En d’autres termes, intégrer le canal internet dans une chronologie de diffusion.Aujourd’hui, un film est d’abord diffusé en salle pour être, 6 mois plus tard, distribué dans les réseaux de location de vidéo. Dans les trois mois suivants, arrive l’exploitation en pay-per-view pour les chaînes de paiement à la séance (câble et satellite). Les longs métrages peuvent ensuite être diffusés sur des chaînes cryptées payantes, comme Canal Plus, un an après leur sortie en salle et, enfin, sur les chaînes hertziennes. Les discussions n’en sont qu’à leurs prémices. Ce point n’en est pas moins crucial. À quel moment, en effet, intégrer la distribution sur internet dans la chaîne d’exploitation ? Au bout de neuf mois, comme pour le pay-per-view TV ? Les chaînes hertziennes et Canal Plus, premiers bailleurs de fonds du cinéma français, prendraient alors le risque de perdre de leur attrait et de leurs recettes. Les producteurs risqueraient, eux, à plus long terme, de perdre une part importante de leurs sources de financement.Compte tenu du faible succès, en terme d’audience, des sites de vidéo à la demande, le débat risque de rester ouvert longtemps. Pourtant, les sites de distribution comme Liberafilm ou Net Ciné explorent des pistes.Pour Liberafilm, la logique est d’offrir aux internautes du monde entier, moyennant paiement à l’acte, des films qu’ils ne pourraient voir ailleurs. Le site propose ainsi des cycles ” découverte “. Récemment étaient programmés quatre films de Robert Guédiguian : Dernier été, Rouge midi, Dieu vomit les tièdes et Ki Lo Sa ? “Nous abordons internet comme un moyen de diffusion complémentaire aux réseaux traditionnels”, souligne le cofondateur du site, Stéphane Dottelonde. Aujourd’hui, l’audience reste quasi confidentielle. Au mieux, 30 000 connexions mensuelles et d’une cinquantaine de transactions payées (en moyenne 3 euros, soit près de 20 francs pour un film téléchargé et conservé 24 heures). Dès lors, il devient difficile de vivre de cette activité, surtout lorsque ces mêmes diffuseurs reversent 50 % de leurs recettes aux ayants droit. Net Ciné à l’origine disposait d’un investisseur de choix puisque Pathé avait déboursé quelque 35 000 euros dans cette start-up de la diffusion online. Pathé s’est retiré récemment. Il devenait délicat pour les deux partenaires de cacher une association qui rendrait difficile les négociations avec d’autres détenteurs de catalogues.
Le loueur numérique du coin
Aujourd’hui, Net Ciné ambitionne, à l’image des loueurs de vidéo, d’être le “loueur de fichiers numériques du coin”, pour reprendre l’expression du fondateur du site, Loïc Ader. Là encore, l’équation économique n’est pas évidente. Net Ciné perçoit 40 % des ventes générées, dont la moitié revient à l’opérateur qui loue la bande passante. Les 60 % restant reviennent au gestionnaire de droits. En l’occurrence Movie System, une société qui veut maximiser les débouchés commerciaux du cinéma sur le net. Maxime Japy, son cofondateur, travaille essentiellement sur l’exploitation de fonds de catalogues ou de films à public restreint en attendant, peut-être, d’obtenir des droits sur des films à audience plus large.
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