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Le cinéma fait sa révolution

L’image et le son haute définition envahissent les salles obscures et révolutionnent une industrie centenaire. Voyage au coeur du cinéma numérique.

D’ici la fin 2010, les dix cinémas parisiens du groupe MK2 seront équipés en numérique. Cette technologie repose sur l’utilisation de projecteurs DLP, capables d’afficher des images en haute définition, en deux ou trois dimensions. Pour quelque temps encore, les projecteurs numériques cohabitent avec les projecteurs 35 mm. Mais ces derniers finiront par disparaître. Cent vingt ans après son invention par William K. L. Dickson, la pellicule cède la place au disque dur. Et le métier de projectionniste suit cette mutation. La programmation de toutes les séances d’une journée, voire de la semaine d’exploitation, s’effectue via une console numérique.Les opérateurs créent des listes de lecture avec la même facilité que nous réalisons les nôtres sur un baladeur MP3 ou via un lecteur multimédia. Rien d’étonnant au final, puisque les technologies sont désormais très proches. Reste que cet équipement coûte cher, très cher. Le projecteur et son serveur valent à eux seuls près de 60 000 euros auxquels il faut ajouter la bibliothèque centrale, et bien sûr tous les travaux d’installation. Rares sont les cinémas qui peuvent financer un tel investissement. C’est là qu’interviennent les tiers investisseurs, et notamment Ymagis, la société qui équipe les cinémas MK2 en numérique.

Dans les coulisses des MK2

Le principe est simple. Réaliser une copie numérique d’un long-métrage coûte environ dix fois moins cher qu’une copie sur bobine 35 mm. Ymagis a donc convaincu la plupart des grands distributeurs, tels que Disney, Universal, Fox ou Paramount, de leur reverser une partie des économies réalisées, sous forme de droit de passage (frais de copie virtuelle). Ymagis utilise ces fonds pour financer tout ou une partie des installations numériques et en assurer la maintenance. L’exploitant reste libre de choisir le type de matériel qu’il souhaite déployer dans ses salles. Découvrons deux des MK2 déjà équipés en numérique. Le plus grand d’entre eux, le MK2 Bibliothèque et ses 14 salles, puis celui de Gambetta, le seul cinéma du XXe arrondissement, classé monument historique et reconnaissable à sa façade Art déco. Visite dans l’envers du décor d’une industrie en pleine mutation…

Le projecteur DLP

Bien que les projecteurs numériques, ici un NEC, utilisent la technologie DLP, leur fonctionnement diffère de celui des vidéoprojecteurs home cinéma. Ici, pas de roue chromatique composée de filtres de couleurs, et donc pas d’effet arc-en-ciel à craindre. Le projecteur intègre trois puces DMD (Digital Micromirror Device), chacune gérant l’une des trois couleurs primaires (rouge, vert, bleu). Celles-ci sont ensuite combinées pour créer l’image projetée. La définition d’affichage atteint 2 048 points par 1 080 (norme 2K). Les projecteurs numériques peuvent afficher 144 images/s et ainsi projeter du contenu en 3D que les spectateurs verront avec les lunettes actives.

La fin de la bobine

Le cinéma numérique révolutionne le travail des projectionnistes, sonnant la fin des bobines de 35 mm. Dans les salles numériques des MK2, elles ne servent plus qu’à projeter certaines publicités et bandes-annonces. Le film est stocké sur un disque dur pouvant atteindre 2 To, en fonction du type d’œuvre. Un film en 2D occupe en moyenne 120 Go. L’intérêt du numérique est aussi économique : une copie ne coûte que quelques dizaines d’euros (contre 1 200 euros en 35 mm) et la qualité de diffusion reste constante durant toute la durée d’exploitation, ce qui n’est pas le cas des films sur bobine.

Environnement protégé

Le serveur Doremi, situé sous le projecteur, est composé de plusieurs disques durs en Raid 5 pouvant accueillir trois ou quatre longs métrages. En cas de défaillance d’un disque, les autres prennent le relais. En cas de coupure de courant, le projecteur s’arrête mais l’onduleur continue d’alimenter le serveur et l’opérateur relancera le film à l’endroit précis où la projection s’est interrompue. La programmation s’effectue via l’écran tactile. L’opérateur crée en début de journée une playlist comprenant bandes-annonces, publicités et longs métrages. Dès le lancement du film, le serveur décompresse et décrypte les données en temps réel, via une clé numérique (KDM) qui regroupe les données indispensables à la lecture du fichier.

Le pupitre de commande

Au MK2 Bibliothèque, deux projectionnistes assurent la gestion des 14 salles du complexe. Par l’intermédiaire du logiciel TMS, ils pilotent tous les serveurs des projecteurs, numériques ou 35 mm. Sur simple requête, ils peuvent reprogrammer la playlist, retarder le début d’une séance ou suspendre un programme. Sauf incident, ce n’est que le mardi soir, à la veille du changement de programmation, qu’ils se rendent dans les cabines, pour changer les bobines des films en 35 mm. En cas d’incident sur un projecteur, Ymagis, qui fournit toute l’infrastructure numérique, peut intervenir à distance pour effectuer un diagnostic de panne, voire pour corriger le problème.

Le son sans concession

La diffusion du son en 5.1 est assurée par une triple amplification analogique. Trois canaux sont dédiés respectivement à la restitution des aigus, des médiums et des graves. Le son sort en numérique depuis le serveur et passe par un convertisseur numérique/analogique, avant d’être dirigé vers les amplificateurs de puissance. Contrairement au son Dolby ou au DTS (Digital Theater System), le son numérique n’est pas compressé. La qualité est comparable à celle d’un CD-audio.

100 films dans le serveur

La bibliothèque centrale ou LMS (Library Management System) du MK2 Bibliothèque dispose de 16 disques de 2 To qui peuvent stocker 100 films fournis par Ymagis, le tiers investisseur qui fabrique et diffuse les copies numériques, encodées au format JPeg 2000. Les bandes-annonces et les publicités sont transférées par ADSL. La KDM est en général livrée sur une clé USB. Le transfert des données vers les serveurs des projecteurs s’effectue par réseau Fast Ethernet 100 Mbit/s ou par fibre optique pour les salles les plus éloignées. La bibliothèque intègre aussi un TMS (Theatre Management System) qui permet de réaliser la programmation dans toutes les salles du complexe, et contrôle la bonne adéquation entre les copies et les KDM.

Les bornes acoustiques

Les billetteries automatiques des MK2 fonctionnent à l’aide d’une interface tactile acoustique. Cette technologie, issue des recherches du CNRS, offre l’avantage de la simplicité. Deux capteurs piézoélectriques enregistrent les ondes acoustiques qui se propagent sur la dalle de verre, lorsqu’elle est tapée à l’aide du doigt, d’un stylet ou de n’importe quel autre petit objet. Les ondes sont converties en coordonnées X et Y qui donnent lieu à une signature spécifique. Celle-ci est comparée aux signatures stockées dans une base de données, de manière à déterminer la position exacte du point d’impact. Cette technologie révolutionnaire offre l’avantage de pouvoir être adaptée à n’importe quelle surface de verre, sans qu’aucun traitement ou revêtement soit nécessaire.

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Philippe Fontaine