Entre les incubateurs et les technopoles, l’État a multiplié les initiatives pour favoriser l’émergence de sociétés innovantes. Or, dans son équation, il a oublié un paramètre de taille : le financement. Pour preuve, l’Europe et la France n’investissent que 0,4 % de leur PIB dans les entreprises innovantes, quand les États-Unis y consacrent 1,2 %.Par conséquent, “les sociétés en création n’arrivent pas à lever de l’argent. En 2002, il n’y a toujours pas de fonds d’amorçage dans notre région”, déplore Corinne Bourbet, chargée de la communication de Rennes-Atalante. C’est oublier l’existence de la Société Financière Lorient Développement, un fonds d’amorçage d’1,2 million d’euros. Mais il ne peut éponger tous les dossiers émanant de la région. Corinne Bourbet met le doigt sur une défaillance du système. Entre les laboratoires, dont émergent les sociétés innovantes, et Carlyle ou Apax Partners (actionnaires du Nouvel Hebdo), un maillon manque : l’amorçage.“Investir de très petits montants n’intéresse pas les capital-risqueurs. Instruire un dossier de 50 000 euros ou de plusieurs millions prend autant de temps : il mobilise autant d’énergie de la part des associés”, commente Joël Pain, président du directoire du fonds d’amorçage Up & Up, doté de 3 millions d’euros.Ainsi, dans une étude sur le sujet, la CDC-PME (bras financier de la Caisse des dépôts) révèle que la moyenne pondérée des frais de gestion dans les fonds d’amorçage s’élève à 3,33 % contre 2,5 % pour le capital-risque. Ces derniers, amenés à intervenir ultérieurement, prennent des dossiers mieux ficelés, avec moins d’expertise.D’autres expliquent que l’amorçage et le capital-risque sont antinomiques : au risque inhérent à toute création d’entreprise, s’ajoute la durée de l’investissement. Les financiers de la première heure ne peuvent donc espérer une sortie ?” et un éventuel retour sur investissement ?” qu’à huit ou dix ans.Or, de nombreux capital-risqueurs refusent de s’engager pour une telle durée, sur un hypothétique projet industriel. La recherche de fonds est un véritable chemin de croix. Dominique Retali, PDG de Globalsys, société développant des systèmes de communication sans fil pour les avions, est en quête d’1,5 million d’euros depuis 8 mois.“Nous nous sommes tout d’abord tournés vers les capital-riqueurs, mais notre secteur trop spécifique ne semblait pas les intéresser. Aujourd’hui, nous pensons faire appel aux industriels ou nous implanter dans le sud, pour bénéficier des structures de développement régional. Notre avenir passe par les acteurs publics.”La création d’entreprise ne relèverait-elle plus d’une initiative privée ? Force est de le reconnaître. La CDC-PME gère aujourd’hui, par exemple, 167 millions d’euros, exclusivement dédiés à l’amorçage. Elle a financé six fonds nationaux thématiques(1) et dix fonds régionaux(2). “Il n’y a pas assez d’argent, ni d’acteurs. Et les rares acteurs économiques ne prennent pas leurs responsabilités, laissant à l’État le bon soin de réguler la situation”, regrette Jean-Michel Barbier, directeur de Techfund Capital Europe, le fonds qui, en 12 mois d’existence, a financé quatre projets technologiques sur quelque 300 dossiers examinés.Pour combler l’inertie des privés, la CDC-PME a accru son effort : alors que l’Association française pour l’investissement en capital-risque (AFICR) notait une chute de 41 % des investissements dans les jeunes pousses en 2001, les montants investis par la CDC progressaient de 5 % pour atteindre 12,3 millions d’euros. Il plane néanmoins une ombre au tableau : le nombre des réinvestissements. Il est passé de 15,7 à 31 % en deux ans.
Frilosité face aux marchés
Face à l’atonie des marchés, les capital-risqueurs rechignent à prendre le relais pour les deuxièmes tours de table. “Lors de la création du Fonds d’amorçage de Midi-Pyrénées (FAM), le conseil régional avait fixé notre plafond d’intervention à 38 000 euros pour une entreprise de l’agglomération toulousaine, et à 76 000 euros pour une société hors agglomération. Ces sommes ne permettaient pas aux équipes de développer leur business plan. Nous les avons poussées à 120 000 et 150 000 euros”, explique Michèle Mouney, responsable du FAM.Tout ceci n’est guère de bonne augure pour 2003. L’État sera amené à soutenir les fonds d’amorçage. Et ces derniers devront intensifier leurs investissements, mais aussi soutenir les sociétés de leur portefeuille plus longtemps… du moins tant que le capital-risque se fera frileux !(1) Les fonds thématiques sont Emertec, Bioam, I-Source, C-Source, T-Source, I-Source2.
(2) La CDC a participé à dix fonds régionaux qui sont : Secant, Genopole 1er Jour, Premiers Pas SA, Primaveris, FAM, Sophia Euro Lab, Le Lanceur, Cap Décisif, Inovam et Amorçage Rhônes-Alpes.
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