L’éclatement de la bulle internet et la série noire des dépôts de bilans des start up e-business n’ont pas paralysé l’innovation technologique. Bien au contraire, les projets innovants continuent de se développer. Les hautes technologies ont toujours le vent en poupe et le monde du capital-risque français ne fait pas la sourde oreille. La période est au rééquilibrage des fonds et aux nouveaux investissements. C’est du moins les tendances qui se dégagent, en France, des principales rencontres du capital-risque et de l’innovation des six derniers mois.Témoin, le septième rendez-vous semestriel européen du financement des technologies de l’information, Capital-IT 2002. Les investisseurs y ont montré leur vif intérêt pour les projets innovants dans trois secteurs porteurs que sont les logiciels, les technologies liées au vocal et à la mobilité, ainsi que les sciences de la vie. C’est le bon côté de l’éclatement de la bulle internet : les projets à financer sont plus solides et plus matures, les levées de fonds demandées sont moins importantes, les introductions en bourse sauvages sont oubliées et les modèles économiques se calquent sur les schémas de l’économie traditionnelle.
Les projets trop ambitieux en croissance sont éliminés
Second baromètre, Start-West 2002, la rencontre du capital et de l’innovation, a eu lieu fin mai, à Rennes. Elle a attiré, pour la première fois, des investisseurs et des porteurs de projets étrangers. Britanniques, Irlandais, Espagnols et Portugais étaient ainsi venus participer à ce rendez-vous régional. De quoi devenir plus optimiste en ce qui concerne les projets issus de l’Hexagone.A cette dernière édition de Start-West, la tendance était la même qu’aux rencontres de Capital-IT. Les projets qui ont séduit les investisseurs proviennent des secteurs des télécommunications et du multimédia, des logiciels, de la biotechnologie, des services informatiques et des sciences de l’environnement. Malgré un contexte économique difficile, la quarantaine de dossiers sélectionnés cette année appartiennent aux secteurs de la haute technologie industrielle et des biotechnologies. Aujourd’hui, ces entreprises, plus mûres, ont besoin de nouveaux financements et s’engagent à créer des emplois qualifiés.“Il existe une quarantaine de structures de capital-risque en France et les principaux investisseurs étaient présents à notre rendez-vous, précise Pierre Tiers, président de Nantes Atlantique Place Financière. Les projets sélectionnés dénotent une plus grande maturité et une plus grande solidité en matière de modèle économique”. Place au critères d’évaluation traditionnels : “Les projets trop ambitieux prévoyant des taux de croissance à deux chiffres, en tout cas surdimensionnés, sont écartés d’office. Et ce, même si le dénominateur commun des projets retenus est sans conteste l’innovation, ajoute-t-il. Le souhait principal des investisseurs est que l’entreprise innovatrice soit fructueuse en trois ans, avec des objectifs de rentabilité prévus sur quatre à cinq ans et un taux pour celle-ci compris entre 30 à 40 %, hors secteur des biotechnologies”.Précision de Jean-François Balducchi, président de France Technopole Entreprise Innovation : “L’objectif de ces rencontres du capital et de l’innovation est de faire entrer en Bourse les sociétés créatrices et d’étendre leur développement aux niveaux français et européen. Aujourd’hui, 25 % des projets sont hors du territoire du Grand-Ouest et leurs porteurs sont nationaux ou internationaux, même si les problèmes de décentralisation et de frilosité des investisseurs ne sont pas tous règlés”. Cette démarche s’inscrit dans la problématique plus globale de la consolidation des réseaux d’innovation.
Du neuf dans les réseaux de partenaires
Les entreprises innovantes ont, depuis quelques années déjà, plusieurs réseaux de partenaires, d’investisseurs et d’accompagnateurs à leur disposition. Aux côtés des grands acteurs et organismes ?” comme l’Anvar et les Centres d’innovation et de transfert technologique (ou Critt créés en 1984, à l’initiative du ministère de la Recherche) ?”, se multiplient des associations qui favorisent le rapprochement entre investisseurs et entrepreneurs. Au niveau européen, le European Business Angels Networks issu du réseau américain Businessangels.com. Il a pour mission de développer des antennes dans différents pays. En France, “cela bouge bien en termes de structures d’investissement. Elles mettent des réseaux de technopoles et d’incubateurs à disposition des investisseurs. Elles poussent ainsi l’émergence de nouveaux produits et de projets innovants, souligne le président de France Technopole. Cela rassure aussi les investisseurs qui y voient une réelle optimisation de la prise de risque et un très fort changement culturel dans l’Hexagone, notamment dans les milieux universitaires. Start-West est un bon exemple de cette tendance”.L’association française Finance et Technologie, créée fin 1998, compte parmi ses membres Business Angels. Elle représente un réseau d’investisseurs en amorçage et regroupe des partenaires de poids, tels que les Critt, la Caisse des dépôts et consignation, et des grands comptes comme EDF qui s’intéressent aux technopoles en région. Par l’intermédiaire de son entité, EDF Capital-Investissement, le groupe français vient de décider d’étendre son action au niveau régional, notamment à Grenoble.L’association Finance et Technologie a ainsi aidé plus d’une centaine de projets, en 2001, et aurait permis de lever quelques 7,6 millions d’euros. “Nous sommes la seule initiative privée française spécialisée dans le capital d’amorçage. A ce stade de financement, ce sont surtout les business angels (investisseurs privés) qui interviennent et qui n’hésitent pas à faire part de leur expérience, explique Bruno Duval, président de l’association. Nous accompagnons les créateurs, nous vérifions si les investisseurs connaissent les domaines couverts par les projets, nous générons des implantations locales, mais nous ne sommes pas un incubateur”. Il déplore, toutefois, l’écart qui demeure entre la France et les Etats-Unis en matière d’investissements privés : “Ici, un business angel va investir en moyenne entre 15 250 et 91 500 euros, alors que le montant sera dix fois plus élevé outre Atlantique”.
Fini les premiers tours de table ?
Si le défaitisme a laissé la place à la lucidité et à l’économie traditionnelle, la frilosité du milieu du capital-risque demeure toutefois en France. Selon l’indicateur de Chausson Finance, le capital-risque retrouve en 2001 son niveau de 1999, le montant moyen investi pour une entreprise est en recul de 20 % (soit 1,3 million d’euros), et la priorité est aux refinancements et non aux premiers tours de table. Cette tendance serait corroborée par la dernière étude paneuropéenne de Pricewaterhouse Coopers (réalisée pour le compte de l’association européenne d’investisseurs privés EVCA). Selon cette dernière, les fonds investis ont baissé de 31% en 2001 par rapport à 2000. Cette chute est particulièrement sensible dans le secteur des hautes technologies où les fonds ont diminué de 37% en 2001. Ce qui, en termes d’investissements, situe la France au troisième niveau européen derrière l’Angleterre et l’Allemagne.Si les investisseurs sont encore prudents, voire frileux en France, les start up ont, elles aussi, leurs points faibles, en particulier sur le plan des ressources humaines. Un aspect négligé bien souvent dans leur stratégie d’origine. Selon Eric Morgain, associé consultant chez Deloitte & Touche, 40 % des échecs des jeunes entrepreneurs sont dus à des problèmes liés à la mauvaise gestion des ressources humaines. Le président de Nantes Atlantique Place Financière, Pierre Tiers, confirme : “Le projet a beau être brillant, l’absence de compétences en management aboutira à l’échec. La complémentarité dans une équipe est quelque chose d’ important. Un chercheur n’est pas forcément un bon directeur marketing ni même un bon dirigeant”.
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