Passer au contenu

Le business très juteux des sites de rencontres

Bon nombre de relations amoureuses débutent désormais sur Internet. Pour le plus grand bonheur des sites de rencontres. Et pour leur plus grand profit.

Selon l’Insee, la France compterait actuellement plus de 15 millions de célibataires, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans. Une statistique ? Non, un véritable eldorado ! En dévoilant ces chiffres, en septembre
dernier, l’Institut national de la statistique et des études économiques a fait saliver quantité d’entrepreneurs, toujours en quête de nouveaux marchés à conquérir…De fait, les rayons des supermarchés regorgent déjà de plats en portion individuelle pour gourmets solitaires, tandis que les agences de voyages multiplient les offres de vacances ‘ en solo ‘. Et, bien sûr,
Internet n’échappe pas au phénomène. Le Web est même l’un des premiers secteurs à avoir saisi les énormes potentialités de ce nouveau marché. En misant sur le produit le plus recherché par les célibataires : l’amour.Résultat, depuis quelques années, les sites de rencontres pullulent sur la Toile. On connaît presque tous, parmi ses relations, un couple noué par modem interposé…

Les célibataires, une population au pouvoir d’achat très séduisant…

Sur quoi repose ce succès ? Tout d’abord, sur l’engouement des célibataires. Selon Pascal Ladrellier, sociologue à l’université de Dijon et auteur de Le C?”ur net, célibat et amour sur le Web (aux éditions Belin),
‘ en France, près de la moitié des célibataires se seraient déjà connectés à l’un de ces services ‘.
Et comme, en règle générale, ils n’hésitent pas à multiplier leurs chances de conquêtes en allant chercher
l’âme s?”ur sur plusieurs sites, les chiffres sont éloquents.En France, pour les quatre géants du secteur, Meetic, Netclub, Parship et Match, le nombre d’utilisateurs inscrits s’établit respectivement à 7,4, 2,5 et 1,4 million(s). D’autres, comme Amoureux, SeRencontrer ou ABcoeur tournent
autour du million. Un constat d’autant plus satisfaisant pour leurs éditeurs que, comme le confie Laurent Dehin, responsable du site RencontresAzur, ‘ cette population dispose d’un pouvoir d’achat
considérable ‘.
Une donnée fondamentale. Car si ces sites ont relégué les vieilles agences matrimoniales au rang d’antiquités, ils en conservent l’un des principes de fonctionnement : pour regarder, c’est gratuit, mais pour
‘ toucher ‘, il faut payer ! Tous, ou presque, utilisent la même méthode : appâter le célibataire en mal d’amour en le laissant accéder librement aux profils des autres utilisateurs. Et lui faire payer les autres
services, comme la prise de contact, l’envoi ou la lecture de messages, le dialogue en direct, etc.Sur la plupart des sites, l’inscription est effectivement gratuite et rapide, comme annoncé sur la page d’accueil. Mais l’internaute doit ensuite dégainer sa carte bancaire pour envoyer un e-mail ou entamer un
chat avec une conquête potentielle. Les tarifs ? Sans être exorbitants, ils ne sont pas négligeables : entre 20 et 60 euros par mois.Pour Meetic, par exemple, le forfait mensuel, qui permet de dialoguer de façon illimitée avec les autres membres (par e-mail ou par chat) s’élève à 20 euros. Chez NetClub, l’internaute doit choisir entre un
forfait Silver (25 euros par mois) ou Gold (33 euros par mois), ce dernier ne lui donnant qu’un droit supplémentaire : l’accès au service de ‘ chat ‘.Certains sites démarrent avec des formules gratuites, le temps de se faire connaître et de développer leur base de membres, puis ils passent à des modèles payants. C’est le cas par exemple de PointsCommuns, basé sur des rencontres par
affinités culturelles. Meetic a fait plus fort. Après avoir longtemps proposé gratuitement ses services aux femmes (un système largement appliqué dans les boîtes de nuit), pour augmenter sa base de contacts rapidement et attirer un maximum d’hommes
en mal d’affection, il fait désormais payer tout le monde.Comme si cela ne suffisait pas, les sites de rencontres n’hésitent pas à facturer, en plus du forfait, des options supplémentaires. Sur Meetic, par exemple, il est possible d’obtenir une publication plus rapide de sa photo moyennant
l’envoi d’un SMS surtaxé (1,5 euro). Même chose chez Match ou Net-Club, ce dernier proposant également, en option payante, un service de messagerie vocale (0,34 euro/min) ou un chat par SMS (0,35 euro plus le prix du SMS).Quant à Parship, il facture 59 euros l’envoi d’un rapport de personnalité, savant mélange de profil psychologique et de conseils sur la recherche de partenaires. Bref, tous les moyens sont bons pour soutirer quelques euros aux
soupirants virtuels.

Meetic : 20 millions d’inscrits en Europe pour 35,8 millions de chiffre d’affaires

La facturation des services de rencontre n’a rien de scandaleux. Elle constitue même une réelle garantie, en éloignant les plaisantins, les pervers et autres touristes sexuels qui rôdent sur le Net (et dans certains services de
chat) à la recherche d’innocentes victimes…Mais elle est surtout extrêmement profitable aux entreprises qui animent ces sites. Un simple coup d’?”il sur le parcours de Meetic, numéro 1 français et européen du domaine, suffit pour s’en convaincre. En à peine quatre ans,
la petite start-up née à Boulogne-Billancourt s’est hissée parmi les géants du Web, passant de 80 000 clients, en France, à plus de 20 millions, en Europe.Quant à son chiffre d’affaires, au premier semestre 2006, il était en hausse de 92 %, atteignant les 35,8 millions d’euros, contre 18,6 millions l’année précédente. Une progression fulgurante qui a même permis à la
société de faire son entrée en bourse dans le courant de l’année 2005.Le succès de Meetic et des autres géants de la rencontre en ligne, comme Match ou Parship, a bien évidemment aiguisé les appétits. Parmi tous les concurrents, de tailles diverses, qui tentent de s’approprier une part du gâteau, on
trouve beaucoup de sites généralistes. Mais depuis quelque temps, on voit aussi se développer des sites spécialisés, s’adressant à un public dont le profil (culturel, ethnique, sociologique, etc.) est bien spécifique.Désormais, on peut donc chercher l’âme s?”ur sur des sites communautaires, réservés à ceux qui partagent la même confession religieuse, la même couleur de peau ou les mêmes sensibilités politiques, qui vivent à la campagne, qui
possèdent des animaux domestiques, qui apprécient les sports ou encore qui souffrent d’un handicap (voir encadrés).‘ Pour le moment, il y a un effet de masse : les très grands sites se sont emparés de la quasi-totalité du marché. Pour assurer leur développement, les nouveaux entrants n’ont donc pas d’autre solution que
d’exploiter des niches très particulières ‘,
explique Frédérique Ploton, auteur du Guide des rencontres sur Internet (publié aux éditions Fourmi.com).

Sites de rencontres communautaires : à chacun sa part de Ghetto !

Une segmentation payante ? Pas si sûr… Car en jouant la carte du communautarisme, ces nouveaux sites ne sont pas certains de faire le plein d’inscrits, gage de rentabilité. ‘ Ils reproduisent les
barrières sociales de la vie réelle alors que l’une des raisons du succès des sites de rencontres réside dans le fait qu’ils permettent justement de s’en affranchir : des gens ont la possibilité de se rencontrer alors que cela n’aurait jamais
pu arriver dans la vie réelle
, explique Frédérique Ploton. De plus, en restreignant leur base de clients potentiels, ils risquent de ne jamais atteindre leur seuil de rentabilité. ‘La tâche de ces petits nouveaux sera d’autant plus complexe que Meetic pourrait leur couper l’herbe sous le pied… En témoignent les deux nouveaux sites spécialisés que le géant français vient d’ouvrir sur la base d’une
segmentation générationnelle : Superlol, destiné aux adolescents, et Ulteem, plutôt réservé aux seniors. Dans l’univers de la rencontre, on ne se fait décidément pas de cadeau…

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Benjamin Peyrel