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L’e-book va-t-il tuer le livre?
21 juin 2000 à 22:00
Son écran a grosso modo la même taille qu’un livre ordinaire, mais son boîtier de 900 grammes peut stocker jusqu’à 15000 pages!
Il se connecte directement sur le Net, peut contenir agenda, dictionnaires, logiciels de dessin ou de traitement de texte… Vedette du dernier Salon du livre de Paris, l’e-book va-t-il sonner le glas du livre papier ? Sept personnalités du monde de la presse, de l’édition, de la librairie ou d’Internet répondent.
Forum : Marie Gobin (journaliste): “Un gadget ne peut sonner le glas du livre” L’e-book est un outil cher, lourd, et encore mal adapté aux habitudes de lecture du public. Le discours politiquement correct sur sa nécessaire généralisation dans les écoles (on parle beaucoup d’alléger de cette façon le cartable de l’écolier) et dans les foyers (sous couvert d’une ” démocratisation de la lecture “) a d’ailleurs quelque chose d’inquiétant.
Je pense que, loin d’affranchir le lecteur, la numérisation des textes augmentera, en réalité, sa dépendance à l’égard de la technologie. Obsolètes au bout d’un an, les livres électroniques sont équipés de logiciels en constante évolution : de quoi pressurer le consommateur cible qui sommeille en chaque lecteur, non ?
Cette dépendance économique ressemble étrangement à celle qui assujettit les propriétaires d’ordinateurs aux fabricants de matériels et de logiciels informatiques. De là à y trouver un dessein commun… Avouez, en tout cas, que nous sommes très loin de ce ” support universel accessible à tous ” que personnifie le livre depuis des siècles et des siècles.
Marie Gobin, journaliste à Lire et France Culture
Forum : Bertrand Picard (Fnac) : “Oui, les éditeurs papier ont des raisons de trembler” A mon avis, l’e-book va faire une percée. Un an et demi après le lancement du premier modèle en France, une nouvelle génération de livres électroniques arrive : plus ergonomiques que leurs ancêtres, ils offrent un meilleur confort de lecture (écran large, fond blanc, possibilité d’agrandir les caractères en conservant la justification du texte, etc.).
Mieux : ils sont équipés d’un modem et peuvent être connectés à Internet via une simple prise téléphonique. Ces éléments vont forcément bouleverser les habitudes de lecture. Ils ne signeront peut-être pas la mort du livre papier, mais remettront sûrement en cause sa suprématie dans certains domaines.
Exemple : le livre à gros caractères. Les éditeurs traditionnels ont toujours négligé ce marché, réservant aux malvoyants un choix restreint de titres. Grave erreur !
A la Fnac, nous constatons que le public des grands lecteurs ?” qui constitue pourtant le coeur de cible des éditeurs traditionnels ?” vieillit irrémédiablement.
Ce phénomène commence d’ailleurs à inquiéter les éditeurs de livres de poche, car les petits caractères deviennent inaccessibles à ceux dont la vue baisse. Quelle aubaine, pour eux, de lire enfin les nouveautés sans prendre une loupe !
Seul bémol : le prix actuel de l’e-book ?” autour de 4 000 francs ?” lui interdit pour le moment d’exister vraiment. Les éditeurs ont donc quelques années pour trouver la parade. Ou se reconvertir en éditeurs multimédia.
Bertrand Picard, directeur du livre à la Fnac : [email protected]
Forum : Alexandre Jardin (écrivain): “Peut-être… s’il raconte les histoires différemment” Pour le livre papier, l’e-book n’est au fond qu’un candidat de plus sur le marché global du divertissement. Aujourd’hui, l’honnête homme écoute la radio, regarde la télévision, lit des livres, se branche sur Internet, achète des CD, va au cinéma ou s’éclate sur des jeux vidéo. Demain, l’e-book entrera dans la danse et sera en compétition avec l’ensemble de ces supports culturels. En retour, il sera concurrencé par eux… S’il veut se faire une place au soleil, il faudra qu’il offre au lecteur autre chose qu’un fac-similé de livre pour quarante fois plus cher. Que proposera-t-il de plus ? Des images ? Des sons ? La biographie de l’auteur ?
J’ai l’intuition que ce n’est pas suffisant. L’e-book ne se généralisera que s’il raconte les histoires d’une autre manière qu’un livre traditionnel. Regardez le cinéma : il a quitté son statut de curiosité pour amateur éclairé lorsqu’il s’est mis à conter des aventures avec son propre langage. Mais si l’e-book réussit, le livre papier deviendra le signe distinctif d’une classe sociale restreinte, enfermée dans sa bulle et déconnectée des modes d’expression modernes.
Alexandre Jardin, écrivain
Forum : Agnès Touraine (Havas) : “Le papier ne mourra pas, il cohabitera avec le livre numérique” Il ne faut pas confondre livre numérique et e-book. Ce dernier n’est qu’une plate-forme technologique qui transforme un texte papier en fichier informatique. Il en existe bien d’autres : l’ordinateur, l’agenda électronique, le téléphone WAP, le CD-ROM, etc.
Aujourd’hui, rien ne permet de prédire que l’e-book sortira vainqueur de la mise en concurrence de tous ces supports. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que la révolution numérique est en marche. Havas (éditeur de Newbiz) ?” premier éditeur français de littérature générale, de livres pratiques et de contenus éducatifs, professionnels et universitaires ?” ne ratera pas le coche.
Notre objectif est de préserver le contenu de notre fonds éditorial en maîtrisant l’ensemble des techniques de numérisation : dès l’an prochain, 8 000 nouveautés et une sélection de 60 000 références pourront être consultées à partir de nos sites Internet.
Elles seront téléchargeables au format Open eBook, compatible avec tous les ordinateurs et les livres électroniques équipés du logiciel gratuit Microsoft Reader. Partenaire de l’américain e-Ink, Havas croit aussi beaucoup en l’avenir du livre à encre électronique. Il se présentera sous la forme d’un cahier d’une dizaine de pages robustes et flexibles, où viendront s’afficher des textes, des images animées, des sons et de la vidéo. Ce support numérique universel, à glisser dans son sac, devrait voir le jour dans trois ans. D’ici là, bonne chance à l’e-book…
Agnès Touraine, directeur général adjoint de Havas, en charge des activités édition et multimédia grand public : [email protected]
Forum : Alain Rey (chroniqueur): “Dans dix ans, peut-être…” Format, typographie, mise en page… Les livres ont mis des siècles à s’affiner avant de devenir ce qu’ils sont aujourd’hui : des objets presque parfaits. L’e-book devra lui aussi s’améliorer.
En attendant, il se passera une bonne dizaine d’années avant que l’économie du livre papier soit menacée par celle du livre virtuel ?” dont l’e-book n’est sans doute qu’une forme transitoire.
Mais qu’est-ce qu’une décennie quand on sait que le livre recopié (des ateliers copiaient jusqu’à 1000 exemplaires d’un même ouvrage) ne disparut qu’un bon siècle après Gutenberg ? Pas grand-chose, avouons-le.
Alain Rey, chroniqueur à France Inter, au Magazine littéraire et conseiller éditorial aux dictionnaires Le Robert.
Forum : Joël Bauer (Cytale): “Un complément, pas un concurrent du livre” La preuve ? L’objectif de Cytale ?” la première entreprise française à se positionner sur le marché du livre électronique ?” est avant tout de séduire un public de lecteurs qui ne lit plus : les 2 millions de personnes âgées qui n’arrivent plus à décrypter les petits caractères des livres imprimés ; ou les expatriés qui, loin de chez eux, n’ont pas accès aux quotidiens ou aux nouveautés de l’été.
Puis, lorsque nous aurons touché ces derniers, d’autres demandeurs apparaîtront naturellement. Je pense en particulier aux professionnels nomades (avocats d’affaires, visiteurs médicaux…) qui ne peuvent se déplacer sans une documentation volumineuse ; ou encore aux écoliers, dont les futurs ” cartables électroniques ” permettront d’éviter bien des scolioses.
Et, peut-être, un jour, fort de son succès sur ces quelques segments du marché, l’e-book s’affranchira-t-il totalement du monde de l’édition traditionnelle. Il proposera des oeuvres multimédia inédites. Alors, seulement, on pourra parler d’une véritable révolution.
Joël Bauer, directeur du marketing de Cytale : [email protected]
Forum : Laurent Sorbier (Spray): “Pas avant qu’une norme universelle ne soit adoptée” J’ai le sentiment que tous les acteurs du livre électronique (le français Cytale ou les américains Adobe, Xerox et Microsoft) sont en train de reproduire les dysfonctionnements qui ont entravé, il y a une quinzaine d’années, l’expansion de la vidéo analogique : aucun d’entre eux ne semble se soucier d’adopter, pour sa machine, un standard universel qui la rende accessible à tous les catalogues.
Peut-on imaginer investir dans un boîtier de plusieurs milliers de francs en sachant qu’il pourra lire le catalogue Havas (éditeur de Newbiz) et Le Monde Informatique , mais pas le catalogue Hachette ni le quotidien Le Monde ? Non, bien sûr.
Et pourtant, certains l’ont fait : le format Softbook n’est pas compatible avec le format Rocket eBook, qui, lui-même, ne peut lire les formats PDF ou Open eBook, etc.
Résultat : à moins qu’un des fabricants ne mange les autres, la norme universelle n’est pas pour demain. Et c’est bien dommage. Car j’ai l’intuition qu’un support comme l’e-book aurait toutes les chances de s’imposer comme un véhicule majeur du savoir.
Surtout à l’école ou à l’université : disposer en temps réel de textes introuvables, les compulser, les annoter et les faire disparaître dune pression sur un bouton paraît prodigieux.
Laurent Sorbier, vice-président de Spray : [email protected]
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