Ils étaient neuf, ils ne seront peut-être bientôt plus que deux. C’est un fait, la boucle locale radio (BLR) en France a pris un énorme retard. Seuls 1 500 clients entreprises l’ont adoptée dans l’hexagone, au lieu des 250 000 prévus par les analystes (source : Ovum 1998).Pourtant, le marché est en pleine ébullition et se concentre à coups de rachats. L’euphorie des candidats à la BLR deux ans auparavant est aujourd’hui bien lointaine. À l’issue d’un ” concours de beauté “, l’ART a attribué 54 licences réparties sur le territoire, dont deux licences nationales, remportées par Fortel et FirstMark, et deux licences par région remportées par sept autres opérateurs (voir carte). Toutefois, en avril dernier, aucun des neuf opérateurs ne semblait avoir tenu ses engagements pour les licences, notamment en terme de couverture. Seuls quatre d’entre eux, bien qu’ils n’aient pas atteint leurs objectifs, tirent plus ou moins bien leur épingle du jeu.Mais c’est LDCOM qui, en coulisse, reste le grand gagnant, en tirant parti des déboires des opérateurs affaiblis par la crise. Ainsi, début 2001, l’actionnaire majoritaire de Fortel (le câblo-opérateur UPC), détenteur d’une licence nationale, était déjà en quête d’un repreneur : une aubaine pour l’opérateur d’infrastructure LDCOM, qui saisit l’occasion de s’imposer sur le marché de la BLR. Déjà actionnaire de BLR Services, pourvu de 11 licences régionales, LDCOM a ainsi récupéré 50 % du capital de Fortel (rebaptisé Squadran) et sa précieuse licence nationale, sans avoir eu à suivre la procédure classique d’attribution… Et ce, avec la bénédiction de l’ART. Mais celle-ci avait-elle le choix ? ” Pourquoi l’ART aurait-elle refusé qu’un opérateur en bonne santé financière prenne les choses en main ? “, argumente Chantal Villeneuve, porte-parole de LDCOM. Fort de sa couverture sur tout l’Hexagone, l’opérateur n’avait plus besoin des licences régionales. C’est donc volontiers qu’il les a restituées à la demande de l’ART. Du même coup, BLR Services a disparu et ses clients ont été pris en charge par Squadran.
La technique du coucou
Mais la boulimie de LDCOM ne fait que commencer : en janvier dernier, il rachète Belgacom France, dont la maison mère veut se délester. “Avec 6 000 clients, services filaires et non filaires confondus, et une plate-forme de BLR opérationnelle, Belgacom France avait de quoi séduire…”, explique-t-on chez LDCOM. De plus, Belgacom avait misé sur des services BLR haut de gamme et sur une clientèle d’entreprises, contrairement à Squadran axé sur la revente de BLR aux opérateurs.Une fois son infrastructure récupérée, LDCOM n’a plus l’utilité des neuf licences de Belgacom France, et a déjà proposé de les restituer. Une autre proie, et de taille, est aujourd’hui dans sa ligne de mire : FirstMark, numéro un de la BLR tant en termes de clients que de déploiement, devrait passer sous sa coupe dans les semaines à venir. Un rapprochement d’autant plus intéressant que FirstMark dispose d’une double casquette BLR/DSL et d’une cible directe d’entreprises. Mais LDCOM devra rendre cette deuxième licence nationale, qui devrait être remise en jeu.Malgré une évidente fringale, LDCOM se défend de tout désir de monopole : “La BLR n’est qu’une petite part du marché de l’accès. Regardez plutôt du côté de France Télécom…”. Toutefois, il devra compter avec Altitude Telecom, le “petit Normand”, qui a créé la surprise en exploitant au mieux ses deux licences régionales. Grâce à son expérience de FAI et à son indépendance, il a les moyens de s’étendre : en rachetant Broadnet le mois dernier, il récupère 15 licences régionales, dont une en Île-de-France. Reste à savoir si l’ART lui ordonnera de les restituer. “Si elles sont remises en course, nous nous porterons certainement candidats pour tenter de les réacquérir, au moins celle de l’Île-de-France”, espère Jean-Paul Rivière, PDG d’Altitude.Avec 250 clients BLR sur la seule Normandie, Altitude est un opérateur heureux. Une situation que lui envient Landtel, XTS Network Caraïbes, XTS Network Océan Indien et Broadnet, récemment mis en demeure par l’ART pour non-respect de leurs engagements : peu de déploiement, pas ou peu de clients, voire redressement judiciaire. C’est le cas de Landtel, injoignable en fin de semaine dernière et qui dans un article paru dans Les Echos, lundi 17 juin, accuse le régulateur de l’avoir conduit à la faillite.Face à la menace de l’ART, d’autres essaient de s’en sortir, tel XTS Telecom, malgré les déboires techniques ou financiers, qui ont considérablement ralenti ses efforts. Dans ce contexte, reste à savoir si un semblant de concurrence pourra être maintenu sur le marché de la BLR. Tout repose sur les prochaines décisions de l’ART, qui seront rendues publiques début juillet.
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