Qui pense ‘ cycles ‘ en électronique pense ‘ semiconducteurs ‘. Logique : les croissances et les décroissances de ce secteur peuvent parfois se compter en dizaines de pourcents.
Mais ces fameux cycles, bien qu’initiés en premier lieu par des sur ou sous-investissements, résultent en fait aussi des cycles des industries électroniques consommatrices, ces derniers dépendant à leur tour ?” et de plus en
plus ?” d’une économie mondiale elle-même cyclique.L’équation globale apparaît ainsi très complexe. Elle est pourtant en train de se simplifier considérablement. Autrefois en effet, l’électronique mondiale produisait avant tout du matériel de type professionnel :
informatique de bureau, infrastructures télécoms, matériel militaire ou industriel. L’électronique liée au grand public ne représentait que moins de 20 % de l’ensemble de l’électronique mondiale. Les cycles de nos
industries étaient donc alors plus liés à ceux des investissements industriels qu’à la consommation.Aujourd’hui, la consommation des ménages prend le dessus dans la production mondiale de l’électronique, aussi bien pour l’achat des PC que des radiotéléphones, des automobiles, et bien sûr du matériel grand public.
Résultat : les cycles de l’industrie électronique se synchronisent progressivement sur ceux de l’économie mondiale, très liée à la consommation des ménages.Cette dernière pourrait même désormais avoir des répercussions directes et visibles sur l’industrie du semiconducteur ?” ce qui n’était que très peu le cas autrefois. Bien sûr, quelques pourcents de fluctuations
sur l’économie mondiale apparaissent a priori négligeables face aux dizaines de pourcents des cycles du semiconducteur. Mais lorsque l’on est en phase de légère pénurie de composants, une phase de surdemande par
exemple peut très bien faire s’envoler les prix (et réciproquement), enclenchant ou renforçant le cycle en cours.
Une économie florissante, et pour longtemps
Quel est le phénomène majeur marquant l’économie mondiale actuellement ? Sans aucun doute possible, l’arrivée de 350 millions de Chinois et de 150 millions d’Indiens à un niveau de richesse leur
permettant de s’acheter autre chose que nourriture et logement. Pour l’industrie mondiale, c’est, en cinq ans, 50 % de consommateurs en plus.Rien d’étonnant, donc, à ce que la croissance annuelle de l’économie soit, depuis trois ans, de plus de 5 % et non de 3 %. Logiquement, le phénomène devrait se poursuivre durant longtemps car les économies
indiennes et chinoises croissent respectivement de 7 % à 8 % et de 10 % à 11 %. Sans autre perspective de retournement durable qu’une improbable guerre.Certes, une bulle financière devrait éclater en Chine avant cinq ans ; mais ce type de phénomène ne dure qu’un an. Certes, la bulle immobilière américaine devrait aussi éclater à court terme ; mais cela ne sera pas une
catastrophe car les taux d’intérêt devraient rester relativement bas (tirée par les délocalisations, l’inflation mondiale reste contenue, normalement de façon durable).Dans ce contexte, l’industrie électronique ne peut que se frotter les mains. Car les populations qui ont un toit et qui mangent à leur faim ne rêvent que de s’acheter un radiotéléphone, un récepteur TV… et une
voiture.Certains feront remarquer que 40 % de l’industrie électronique mondiale, à savoir celle qui produit du matériel informatique, est devenue une industrie mature, donc à faible croissance. En quantités, il est vrai,
l’industrie des PC ne croît plus que de 12 % par an environ et non de 17 %. Mais quid de l’industrie des téléviseurs à écran plat, qui n’existait pas il y a trois ans ? Un milliard de téléviseurs HD Ready seront à
produire d’ici 2015 et un autre milliard full HD entre 2008 et 2020. Il ne s’agit pas là de prévisions studieuses, mais de simple bon sens.Le phénomène est donc au moins aussi important que l’envol de l’industrie du PC vers 1986. Les prévisionnistes, relativement pessimistes actuellement, sont sans doute trop imprégnés d’une vision américaine de notre
industrie. La révolution numérique n’en est qu’à ses débuts. Le téléphone mobile de demain par exemple, chacun le découvre tous les jours, n’aura rien à voir avec le téléphone d’aujourd’hui ; il y a donc
toutes les chances pour que 2 milliards d’hommes changent plusieurs fois de mobile avant que cette industrie ne soit mature… dans plus de dix ans. Entre-temps, un petit téléviseur plat portable de 17 cm de diagonale
arrivera probablement dans la plupart des foyers sinon dans les voitures.Rien d’étonnant, donc, à ce que l’électronique mondiale ne croisse plus à un rythme annuel de 3,5 à 5,5 % en dollars mais à un rythme de 6 à 8 % (au moins 13 % en quantités, seule cette dernière croissance
étant à retenir pour le nombre de composants à produire). Bien entendu, cette lame de fond aura tôt ou tard des répercussions sur les cycles du semiconducteur, marqués par des hauts et des bas tous les cinq ans environ. A court terme en tout cas, le
haut est toujours à venir : sous la pression du monde de la finance, cette industrie investit guère plus qu’en 2000 alors qu’il faut produire 30 % de pièces en plus qu’à cette époque pour satisfaire la
demande !* Rédacteur en chef d’ Electronique International
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