Dans les grands halls un peu vides du Centre des conventions de Las Vegas, la voix sur IP était omniprésente, en particulier chez les fournisseurs de réseaux locaux. La téléphonie sur IP est en train de modifier de fond en comble le paysage des réseaux, et, en premier lieu, celui des opérateurs, qui passent de la commutation de circuits à la commutation de paquets.Le nouvel Alcatel 7770 ; le TSR, d’Avici ; le Teraplex 20, de Pluris ; l’Optera, de Nortel ; le NSX64000, de Lucent ; le M160, de Juniper ; et les 12016, de Cisco, se battent sur le marché des routeurs Terabit, qui, à terme, devraient remplacer en partie les très gros commutateurs de classes 4 et 5 des opérateurs téléphoniques.À côté de ces nouveaux appareils, dans des sous-réseaux, se multiplient les serveurs d’appels, les Gateway media controllers, une sorte de vulgaires serveurs Intel sous Unix ou NT, qui complètent les fonctions d’administration d’appels jusque-là concentrées dans les gros centraux. La plupart des vendeurs citent comme objectifs commerciaux (aux États-Unis) les cent quarante-quatre centraux EES d’AT&T, qui sont capables d’administrer chacun plus de un million d’appels. Dans ce cadre, Juniper, le nouveau concurrent de Cisco, lançait à Las Vegas une nouvelle version de son logiciel Junos, qui exploite au mieux les réseaux virtuels privés (VPN) avec le routage MPLS, et propose de meilleurs services d’accès dédiés.
Les entreprises, prochaines cibles de la VoIP
Ce sont les entreprises qui, à terme, bénéficieront non seulement du matériel, mais aussi des évolutions des offres voix des opérateurs. Avec, à la clé, des économies substantielles sur l’exploitation (GartnerGroup parle de 700 $ par poste, prix des serveurs vocaux et des passerelles inclus – soit la moyenne actuelle du prix des téléphones classiques, PABX inclus), sur les communications téléphoniques, et un accès aisé à une palette de nouveaux outils comme les messageries unifiées.En France, les opérateurs européens, tels KPNQwest, Global Crossing ou Carrier, associent déjà à leurs offres de liaisons VPN celle de VoIP (voix sur protocole IP) sur liens spécialisés. Aux États-Unis, WorldCom, Sprint et Equant, au sein de Global One, offrent des temps de réponse toujours inférieurs à 120 ms, même pour les communications transatlantiques. Pour les entreprises, il ne leur ” restera ” qu’à équiper d’extensions IP leurs PABX existants ou à s’offrir des PABX-IP, appelés de plus en plus serveurs vocaux, et des téléphones Ethernet, qui restent encore peu normalisés. Ainsi, l’alimentation électrique des postes, qui peut s’effectuer via l’une des paires inutilisées du câble Ethernet, reste à finaliser par l’IETF.La firme israélienne PowerDsine, qui vend en OEM à Ericsson, proposait sur le salon ses commutateurs Ethernet autoalimentés fonctionnant sur une des huit paires de cuivre de câblage Ethernet de catégorie 5. En outre, les protocoles de signalisation demeurent partagés entre les différents standards SIP, H.323, MGCP et, dans une moindre mesure, Megaco et Stimulus. SIP est néanmoins largement dominant en Europe, bien que H.323 dispose déjà d’ouverture vers les flux vidéo.Cisco bénéficie d’une longueur d’avance avec son Catalyst et ses postes téléphoniques d’origine Celsius. Chez Nortel, la nouveauté venait de la gamme Network Succession et, en particulier, le PABX tout IP, Communication Server 1000, capable de gérer les flux audio, vidéo et données. Considéré comme particulièrement en avance par trois groupes d’analystes (GartnerGroup, IDC et Frost & Sullivan), l’équipementier canadien se présente comme le nouveau leader dans la voix sur IP. Il aura à affronter deux nouvelles associations qui viennent marcher sur ses plates-bandes, du moins aux États-Unis : Enterasys (ex-Cabletron), associé à Siemens et HP, qui vient de signer un partenariat avec Mitel Networks, un acteur peu connu en France qui devrait bientôt apparaître en Europe sous le nom de March, avec, à sa tête, l’ex-p.-d.g. de Newbridge.Chez Avaya, la nouvelle gamme PBX-IP 600 dispose de nouveaux terminaux et de logiciels, en particulier le Softphone, qui transforme un PC en terminal vocal. Chez Vegastream, D-Link, 3M et Commatch, l’objectif est d’offrir des passerelles VoIP permettant d’intégrer des réseaux téléphoniques existants ou, au contraire, de raccorder un réseau local de téléphone IP sur le réseau téléphonique classique.
Un analyseur de voix avec système expert
Lors d’une conférence sur VoIP, Edwin Mier, qui a réalisé dans son laboratoire les premiers tests en grandeur nature de réseaux VoIP avec Alcatel, Avaya, Cisco, Mitel, Nec, Shoreline et Sphere Vertical, incitait à la prudence : “Il faut toujours prévoir des passerelles vers le monde téléphonique classique, les solutions IP pures ayant des temps de réponse variant de 17 à 125 ms dans le meilleur des cas.” Au-dessus de 100 ms d’attente, on est en droit de se poser des questions sur l’intérêt des systèmes.Chez les fabricants d’analyseurs de trafic, l’offre de mesure des temps de réponse, de dérive de la gigue, de la perte de données et des fraudes se multiplie. Outre Spirent, Acterna et Agilent, la filiale de Network Associates introduisait, lors d’Interop, son premier analyseur de voix (Marque Sniffer), comportant un système expert pour l’analyse de la qualité des transmissions vocales sur IP. L’appareil est en mesure de décoder les principaux protocoles et de déterminer les causes des délais. L’analyse de la voix sur le sans-fil est aussi dans les projets de la firme.Chez Telchimy, une sonde permanente permet de suivre l’état du réseau voix. Installée au centre du réseau, elle mesure, comme son concurrent, perte de paquets, délai de transmission et bruit. Pour les professionnels des composants, la conversion analogique-digitale, c’est en fait l’algorithme de codage de la voix en mode G.723 ou G.729A qui serait déterminant. Selon le mode de compression, les données pourraient perdre leurs caractéristiques dynamiques, ce qui limiterait le niveau de détection de la voix et la suppression d’écho.Dans tous les cas, les délais sont considérés comme rédhibitoires. Pour Telchimy, les retards sont identifiés dès 100 ms et intolérables à plus de 200 ms. Les temps de réponse sur le Net restent, de toute façon, imprévisibles.
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