Un ami m’envoie un CD-ROM. Dessus, un vrac de photos numériques, de poésies, de fichiers musicaux. Les photos sont vraiment bien, je veux les faire circuler. Mail au copain :“Tu sais pas où je peux joindre le photographe ? Je voudrais lui demander si je peux envoyer ses images à quelques potes.”Réponse par retour : “Pas la peine, elles sont en licence Art Libre. Tu les copies, tu les expédies, t’en fais ce que tu veux…”Je n’avais jamais entendu parler de licence Art Libre auparavant. Alors, je cherche. Coup de bol, elle aussi est sur le CD. Je lis vite fait. Droit de copie et droit de distribution :” Pour mettre votre ?”uvre à disposition du plus grand nombre. Pour la laisser diffuser librement. “Comme pour les logiciels libres, parfait. J’expédie à mes copains. Retour de mail : ” Elles sont bien ces images. J’aimerais bien en retravailler quelques-unes pour les mettre sur mon site. Tu crois que j’ai le droit ? “Là, je me décide à lire en détail la licence proposée par le groupe Copyleft Attitude. En toutes lettres :“Avec cette licence Art Libre, l’autorisation est donnée de transformer librement les ?”uvres dans le respect des droits de l’auteur. […] Pour lui permettre d’évoluer en autorisant sa transformation par d’autres. Pour pouvoir vous-même utiliser les ressources d’une ?”uvre quand celle-ci est sous licence Art Libre : la copier, la diffuser ou la transformer librement.”Feu vert total donc.Vous rendez-vous compte du changement ? Jusqu’ici, on a toujours considéré que lorsqu’un artiste avait terminé son travail, personne n’avait plus à y toucher. D’accord, on voit mal un quelconque barbouilleur venir rajouter des oreilles de Mickey aux personnages des fresques de Michel Ange. Mais dans la licence Art Libre, on ne pense plus papier, peinture, pierre ou bois, on pense séries de bits et copie instantanée.Dans le monde numérique je ne perds pas ce que je donne. Si j’envoie un fichier sur le réseau, je garde le fichier original. Certains destinataires le modifient et voilà qu’apparaissent des versions dérivées, enrichies, transformées, intégrées à des ensembles. C’est un peu comme la musique : le compositeur écrit le morceau, et des milliers d’interprètes en font une autre création à chaque fois qu’ils le jouent. Ça ne supprime pas la partition. Sauf qu’avec la licence Art Libre, la base n’est plus une partition mais n’importe quelle création reproductible (1).Personnellement, j’adore manipuler les textes. Assembler un article de journal avec un poème et un extrait de manuel technique ; remplacer automatiquement des mots par d’autres dans une nouvelle ; et autres amusements poétiques. Avec un PC, c’est un jeu d’enfant. Pas seulement pour les textes, pour la musique et les images aussi. Tout le monde peut coller des moustaches à la Joconde, ou lui mettre un chapeau, ou lui faire chanter le blues.Ce qui manquait, c’était un cadre juridique qui autorise ces pratiques. La licence Art Libre nous le donne. Mieux, et toujours en conformité avec le modèle du logiciel libre, toute ?”uvre composée à partir de ressources en licence Art Libre doit adopter la même licence de diffusion. Un bel effet boule de neige en perspective !Moi, j’espère que la boule va grossir vite. Mais bon, prenez votre temps !(1) Pour ceux que la question intéresse, se reporter à l’article de Walter Benjamin L’?’uvre d’art à l’époque de sa reproduction technique. La licence art libre, et quelques ?”uvres licenciées, sur le site de Copyleft Attitude.
Deux textes passionnants sur l’anticopyright et ce qu’il apporte aux créateurs : Utopie du plagiat, Hypertextualité et Production culturelle Electronique ; Post Scriptum : les avantages financiers de l’anticopyrightProchaine chronique le jeudi 23 novembre
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