Quel artiste n’a pas rêvé d’art total ? D’une ?”uvre associant toutes les disciplines et tous les courants, sorte de cosmogonie esthétique qui, par son ampleur et son ambition, embrasserait le réel dans sa totalité ? Robert Rauschenberg a eu cette inclination.
Une synthèse toute personnelle
De l’abstraction à l’art pauvre, en passant par le pop-art, de la peinture à la photo, des collages à la sculpture et aux ready-made, ce représentant de l’École de New York (biographie, en anglais, sur www.guggenheimcollection.org, tapez “rauschenberg”, puis cliquez sur “biography”) a tout expérimenté, tout digéré, pour produire sa synthèse : les “combines”, collision d’images et de matières, de pays et de gens, de lumières et de bruits (voir une sélection de “tableaux” sur www.artchive.com/ftp_site.htm, choisir “Rauschenberg” dans le menu de gauche). C’était à la fin des années cinquante, et c’était déjà une forme de testament. Quoi qu’en dise le Musée Maillol, qui consacre à l’artiste une exposition sur ses ?”uvres récentes (présentation ?” trop ?” succincte sur www.museemaillol.com/ecmam/index.htm), Robert Rauschenberg n’a pas réinventé son style depuis. L’homme a tâté de l’art technologique, collecté photos, objets et articles de journaux, et utilisé tous les supports imaginables (toile, métal, verre, polystratifié, etc.) pour faire ce qu’il avait appris de sa mère, qui mélangeait les bouts de tissus pour créer des “chemises-collages” : un patchwork de matières, de genres et de techniques.Seule nouveauté remarquable dans les ?”uvres récentes, et elle n’est pas mineure : une mise en perspective historique de ces petits riens dont Rauschenberg s’évertue à faire du beau. Ainsi, Urban Bourbon, Night Shade, Borealis, et surtout Aracadian Retreats, les dernières séries de Rauschenberg, peuvent être vues telles des fresques d’inspiration aristotélicienne. Sur des supports inédits (aluminium et bronze), elles mélangent et figent, via sérigraphie et force couches d’acrylique et d’acide, des rêves antiques et des réalités quotidiennes, des lieux et des cultures, le passé et le présent. Même synthèse spatio-temporelle dans Synapsis Shuffle, monumentale “composition” réalisée en 2000 (une partie est exposée au Musée Maillol ; on peut en voir des reproductions, hélas bien floues, sur www.new-york-art.com/e/ whitney-Rauschenberg.htm), qui regarde vers l’avenir et interroge le rôle de l’artiste : témoin ou démiurge ?En imposant que les panneaux soient accrochés, pour toute nouvelle exposition, dans un ordre différent, établi selon les règles du hasard par des personnalités extérieures, Rauschenberg ne surfe pas seulement sur la vague éculée du happening et celle, plus moderne, de l’interactivité, mais réclame qu’on ne prenne pas le travail de l’artiste pour un instantané irréversible, mais pour un processus en devenir, à l’image du monde réel. Une désacralisation de l’art en somme. Une de plus.
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