Le plus grand moteur de recherche au monde est devenu la nouvelle icône de la Silicon Valley. La preuve qu’il est encore possible d’innover, de se faire plaisir et de gagner de l’argent. Beaucoup d’argent. Larry Page, Sergey Brin et Eric Schmidt ont accepté de répondre à nos questions.
01net. : D’où vient l’origine du mot Google ? Larry Page : Il provient du terme mathématique googol, qui désigne le nombre composé du chiffre 1 suivi de 100 zéros. La création de ce terme est un peu bizarre. C’est le jeune neveu (âgé de huit ans, NDLR) du mathématicien américain Edward Kasner qui l’a inventé, à la demande de son oncle. On a choisi Google tout simplement parce qu’il représente un très très grand nombre, un peu comme la quantité d’informations sur Internet.Comment avez-vous débuté ?Larry Page : Début 1997, nous étions encore étudiants en doctorat à l’université de Stanford (Palo Alto) et on travaillait sur un moteur de recherche qui analysait les liens qui pointent vers un site Web donné (baptisé BackRub, ce dernier est devenu la base de la technologie PageRank, utilisée aujourd’hui par la compagnie, NDLR). On a ensuite acheté pour 20 000 dollars de disques durs, dans le but de stocker la moitié du Web. On a installé le tout dans ma chambre universitaire.A cette époque, vous commenciez déjà à avoir du succès. Avez-vous alors pensé à créer votre start-up ?Larry Page : Non, pas vraiment. On était installé de manière confortable à Stanford, et on n’était pas décidé à quitter cet environnement. On a alors demandé à David Filo (le fondateur de Yahoo!, lui aussi ancien étudiant de Stanford, NDLR) s’il serait intéressé par notre technologie, mais il nous a simplement conseillé de monter une société. Après, on a fait le tour des moteurs de recherche de l’époque (Altavista, Excite…) pour leur proposer également de nous racheter. Mais aucun n’était intéressé, car ils étaient contents d’être, au moins à 80 %, aussi performants que leurs concurrents.Beaucoup pensent que le centre de données de Google utilise des équipements de dernier cri. Est-ce vrai ?Larry Page : Non, on utilise les PC les moins chers que l’on trouve sur le marché, et on y installe le Linux de RedHat. Et quand une machine tombe en panne, on essaie même pas de la réparer, on achète un nouveau PC que l’on ajoute au réseau. Pour faire fonctionner le tout, on a développé une architecture que l’on appelle RAIC (Redundant Array of Inexpensive Computers ?” pour ensemble redondant de PC pas chers), similaire à la technologie RAID pour les disques durs. RAIC distribue les tâches vers le premier PC disponible et gère la balance de charges pour tous les serveurs du centre de données.Sur quels projets technologiques travaillez-vous actuellement ?Sergey Brin : On passe beaucoup de temps à optimiser notre algorithme de recherche, afin d’améliorer les temps de réponse. On étudie aussi la possibilité d’indexer d’autres types de documents, comme la voix par exemple, dans un projet avec BMW. Mais on reste persuadé que le texte dominera, car c’est le format le plus efficace. Ainsi, notre service de recherche d’images repose sur le texte associé à ces images. On peut aussi bien faire une recherche sur de la vidéo, en exploitant ce même principe, mais pour des raisons de copyright, on ne le propose pas encore. Enfin, une équipe d’une douzaine de chercheurs planchent aussi sur des techniques qui lanceraient une recherche avant même la demande de l’utilisateur. D’un clic on passera alors à zéro clic !On dit Google rentable, est-ce exact ? Et comment faites-vous ?Eric Schmidt (PDG) : Absolument. Nous gagnons de l’argent. Nous avons aujourd’hui trois sources de revenus : la publicité (à travers nos services premier et self-service), les services externes de recherche (pour une centaine de sites Internet) et une version de ce service pour entreprises, avec la commercialisation de la GoogleBox.Malgré une gestion très spartiate de l’entreprise, Google a engagé un chef cuisinier à plein-temps pour nourrir gratuitement ses employés. Comment expliquez-vous cette contradiction ?Sergey Brin : Il n’y a pas du tout de contradiction. Au contraire, cela permet d’améliorer la productivité de chaque employé. Nos locaux sont situés dans les environs de MountainView sans aucun restaurant à proximité. Les employés sont alors obligés de prendre leur voiture et de se battre avec les autres salariés des environs, pour avoir une place de restaurant . Et il faut compter au moins une ou deux heures de perdu, alors que l’on peut tout aussi bien manger au Googleplex (le quartier général de Google), rencontrer d’autres salariés, etc.Quels sont vos plans pour l’Europe et la France ?Eric Schmidt : On va certainement ouvrir en Europe un centre de données pour accélérer les temps de réponse. On utilisera le même modèle, reposant sur des PC pas cher (RAIC), que celui utilisé par nos deux sites américains. Sinon, on prépare activement notre implantation en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie. En France, on a déjà signé pour les locaux et engagé un responsable chargé du territoire. On devrait très prochainement ouvrir officiellement le bureau. (NDLR : Google publie déjà sur son site des offres d’emplois pour ces futurs sites européens, notamment en France).Prévoyez-vous une prochaine introduction en Bourse de l’entreprise ?Eric Schmidt : Au risque de décevoir beaucoup de gens, je crois que l’on n’en a pas vraiment besoin. La raison essentielle d’une entrée en Bourse est de lever des fonds. Or, nous gagnons de l’argent et on peut financer nos investissements sur nos fonds propres. Donc pas d’introduction pour le moment.
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