Sorti depuis plus de deux ans et demi, Starcraft (puis Starcraft : Brood War, plus tard) continue à alimenter les tournois du monde entier. Mais le jeu s’essoufle ; faute de nouvelles stratégies, les joueurs doivent manier souris et raccourcis-clavier de plus en plus vite pour écraser leurs adversaires. Et effectivement, parmi les 850 joueurs présents à la LAN Arena, les parties de Starcraft semblent représenter une minorité. Jean-Ferdinand est étudiant en électronique. Il a 18 ans et a commencé à jouer à Starcraft dès le début. Aujourd’hui, au sein de l’équipe GG (Good Game), il est l’un des meilleurs joueurs français. Il nous confirme que, malgré l’appellation “stratégie temps réel”, il y a désormais une grosse part d’action dans les matchs de haut niveau.”En fait, il y a un an et demi, on pouvait encore dire que c’était vraiment de la stratégie. Maintenant, on peut produire en même temps que l’on gère une attaque… on produit tout le temps en fait. Au fur et à mesure des années, le style de jeu a changé et la production d’unités en masse est devenue un élément fondamental. C’est toujours de la stratégie mais l’aspect réflexes + rapidité est devenu beaucoup plus important. En fait, Starcraft, c’est désormais une production de troupes plus une gestion. Pourquoi ce changement de style ? Parce qu’au bout de deux ans, un joueur expérimenté connaît toutes les unités et toutes les stratégies liées à ces unités par coeur. A mon avis, là, le jeu, il n’est pas en train de mourir mais presque. Je pense que dans un an, il ne sera plus là parce qu’on arrive au maximum. Et quand on ne peut plus progresser dans un jeu, ça ne sert plus à grand chose. Starcraft est en train de mourir ? (il réfléchit) En France, en tout cas, il est vraiment en train de mourir, ça c’est sûr. On n’a plus beaucoup de joueurs dans la communauté Brood War. En tout, en France, je pense qu’on doit être dans les 300. Avant, on était facilement plus de 1000. Une partie des joueurs a suivi Blizzard et s’est lancée sur Diablo 2, d’autres sont passés sur Everquest, Asheron’s Call… D’autres encore se sont mis à Counter-Strike ou à Quake 3. Ils ont changé de jeu parce qu’ils en avaient marre de Starcraft. Ils arrivent au top de leurs performances, en fait… Oui, soit ils arrivent au maximum de leurs possibilités, soit ils se rendent compte qu’ils n’ont pas le “don” et ils abandonnent. Nous, on dit que pour être vraiment bon joueur, il faut avoir un don. Prends par exemple des joueurs qui jouent autant que nous et qui n’arrivent plus à progresser, qui se font battre tout le temps… pour nous, ils n’ont pas le don. Ce n’est pas une question de cerveau ou d’intelligence. Il leur manque quelque chose, c’est tout. En général, ces joueurs là finissent par s’en rendre compte et c’est à ce moment-là qu’ils abandonnent. On a perdu pas mal de gens à cause de ça, aussi. Depuis qu’on a lancé l’équipe GG, ça s’est beaucoup professionnalisé. On gagne quasiment tous les tournois donc il y a de moins en moins de joueurs. Ils se disent : ouais, c’est encore les GG qui vont gagner (rires). Peut-être qu’ils arrivent à leur limite de réflexes ? Au niveau des meilleurs, il est clair que c’est principalement une histoire de rapidité et de réflexes. Avant, les raccourcis-clavier étaient surtout utilisés pour faire des unités, etc. On utilisait surtout la souris. Maintenant, les meilleurs joueurs utilisent principalement le clavier et les fonctionnalités de groupes. La main gauche est rivée sur le clavier et elle est toujours en mouvement. La souris, un peu moins. Le gameplay en tournoi n’est quasiment axé que sur la production en ce moment. Pour l’instant, il n’y a pas de meilleure technique que la production massive de troupes. Ce qu’il faudrait, ce sont de nouvelles unités, pour que l’on puisse élaborer de nouvelles stratégies et découvrir d’autres choses. Blizzard sort bien des patchs de temps en temps mais il n’y a pas assez de changements. On voit bien que certaines unités ont changé, qu’elles deviennent moins fortes ou plus rapides… mais ça ne fait pas une grosse différence. On est arrivé à la limite des possibilités stratégiques du jeu, en fait ? Exactement. C’est pour cela que je ne vais sûrement pas tarder à arrêter après ce LAN. Enfin, pas complètement arrêter, je vais continuer les gros tournois. En fait, je suis parti en Corée il y a quatre mois, en gagnant en tournoi, et c’était tellement bien que j’ai envie d’y retourner tout le temps ! Les gens, le pays, l’accueil de star qu’on a eu… Là-bas, Starcraft, c’est presque un sport national. On jouait dans une sorte d’amphitéâtre, tout en bas sur un pupitre. Au dessus de nous, il y avait deux grands écrans et un coréen qui commentait en direct ! Moi, maintenant, je continue Starcraft juste pour ça, juste pour repartir en Corée. Arriver à partir à l’étranger gratuitement, grâce au jeu, je trouve ça génial. Et gagner des lots, pourquoi pas. Il y a quand même 25.000 dollars pour le premier et ça va jusqu’à 4.000 dollars pour le quatrième. Tu penses avoir des chances ici ? Petites. Parce que vu les étrangers qui sont là… c’est pas des rigolos (rires).Sur son conseil, nous sommes allés voir Slayer, un petit prodige norvégien de 16 ans, vainqueur de l’un des plus grands tournois coréens. Effectivement, c’est très impressionnant. La main gauche pianote en permanence tandis que les déplacements de la souris sont maîtrisés de manière redoutable. Brièvement interviewé, le jeune champion nous confie ne pas être tout à fait d’accord avec la théorie de Jean-Ferdinand. Pour lui, il reste encore des stratégies à explorer et des parties à jouer. Mais tous s’accordent à peu près autour d’un fait : l’arrivée de Warcraft 3 (d’ici un an, on espère) marquera probablement la fin de Starcraft. Photo : Jean-Ferdinand, camouflé en joueur de Counter-Strike
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