Les travailleurs étrangers seront-ils bientôt éliminés des projets en technologies de l’information (IT) du Pentagone ? Les décisionnaires du ministère américain de la Défense étudient sérieusement la question.Comme, d’ailleurs, la plupart des ministères américains depuis les attentats du 11 septembre 2001. Le Pentagone aimerait renforcer la sécurité de ses informations en éliminant l’apport des immigrés sur les dossiers dits ” sensibles”.Tandis que les représentants de la Navy envisagent de les exclure de tout type de projet. Jusqu’à présent, les sociétés sous-traitantes employant des étrangers avaient accès aux dossiers ” sensibles”, mais n’avaient pas le droit de travailler sur des projets ” classés”, trop confidentiels.Ce qui leur laissait la possibilité de réaliser les fiches de paie du ministère, de créer des logiciels pour le gouvernement, de contrôler ses fournitures ou d’assurer la maintenance de ses systèmes de messagerie… Le Pentagone s’est laissé 90 jours pour décider si les sous-traitants employant des étrangers seront désormais bannis de ces activités. ” Toute personne, ou société contractante, employée sur des projets spécifiques IT non classés sera soumise à une enquête appropriée”, a expliqué à la presse Peter Nelson, directeur assistant de la sécurité du personnel au ministère.Ce souci de sécurité, agité par le ministère de la Défense, rappelle les inquiétudes passées du General Accounting Office (GAO). Cette agence gouvernementale avait relevé, en 1999, qu’on laissait des Chinois, des Ukrainiens, des Pakistanais…travailler sur le bug de l’an 2000 pour le compte de la FAA (Federal Aviation Administration).En tout, soulignait le GAO, les informaticiens non-autochtones auraient planché, en 1999, sur 85 contrats, avec le ministère de la Santé, l’Agriculture, les Affaires Étrangères, et précisant qu’il eut été préférable de confier ces tâches à des citoyens américains. ” Dans un monde parfait, mieux vaudrait en effet confier la gestion de l’IT à des Américains, note Dan Kuehl, professeur de la National Defense University à Washington. Mais notre monde n’est pas parfait et ce souci crée un cauchemar bureaucratique. Nous n’avons pas assez de troupes pour faire le travail.”
Un ailleurs si proche
La nature même des projets informatiques contraint les sociétés du secteur à échanger sans cesse des informations avec l’étranger. ” Tous les jours, Microsoft envoie un morceau de logiciel à l’autre bout du monde pour le retravailler”, rappelle le professeur Kuehl. Tandis qu’en Californie, Annalee Saxenian, de l’université de Berkeley (Californie), rappelle l’apport croissant des salariés étrangers dans les entreprises de la Silicon Valley.Toutes, affirme-t-elle, recrutent 10 à 40 % de leurs effectifs en dehors des États-Unis. Et si l’on en croit les statistiques de la National Science Foundation, depuis une décennie, 46 % des doctorats en sciences informatiques des universités d’outre-Atlantique ont été décernés à des étudiants étrangers.Dans ces conditions, difficile d’assurer un label made by Americans pour les développements IT. ” Nous sommes très inquiets”, explique Jeff Lande, vice-président de l’Information Technology Association of America (ITAA), qui réclame ” une audience publique” sur le sujet.Comme lui, les professionnels insistent sur le manque d’autochtones pour réaliser le travail et tentent de réorienter les pontes du Pentagone vers d’autres cibles. ” Nous devrions suivre les conseils de Richard Clarke”, suggère-t-on à l’ITAA.Le gourou des technologies de l’information et de la communication nommé par le président George Bush ne croit pas aux vertus du renvoi des spécialistes étrangers. ” Cest une mauvaise politique”, a-t-il dit. Il lui semble plus efficace de renforcer la protection même des systèmes informatiques.
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