Les députés ont adopté, mercredi 13 mai, la loi dite « Avia ». Ce texte, porté depuis plus d’un an par la députée LREM Laetitia Avia, rend obligatoire le retrait en 24 heures des propos manifestement discriminatoires ou injurieux, ou faisant l’apologie de crimes contre l’humanité. Pour ceux-ci, le délai est réduit à une heure. Contreversé, ce texte a donc toutefois été voté.
Cependant, la veille du vote, « l’élue qui incarne le combat contre toutes les discriminations » s’est retrouvée au coeur d’une violente polémique.
Cinq ex-collaborateurs « horrifiés »
Une enquête de Mediapart intitulée « Laetitia Avia, la députée LREM qui horrifie ses assistants » a révélé que ses pratiques au travail étaient en totale contradiction avec les valeurs défendues dans ce texte contre les propos haineux sur Internet.
« Avec de nombreux documents à l’appui, [d’anciens collaborateurs de la député] ont accepté de parler, de raconter les coulisses et les méthodes de la porte-parole d’En marche. William, Sophie, Charlotte, Nicolas et Benoît, la trentaine pour la plupart, reprochent à Laetitia Avia des humiliations au quotidien », écrit David Perrotin dans les colonnes du site d’investigation.
« Avia, c’est un système qui vous broie »
Aucun des témoins interrogés par Mediapart n’a entrepris de démarche en justice. Mais, les cinq ex-collaborateurs de Laetitia Avia rapportent l’avoir entendue avoir des propos à connotation sexiste, raciste et homophobe. Ils ont tenté d’alerter l’encadrement de l’Assemblée nationale sur ce « problème de fond », sans succès. Ils se sont donc résolus à parler à Mediapart.
« J’ai tenté de passer à autre chose et il m’a fallu du temps pour me reconstruire, explique-t-elle. Mais de voir qu’elle va faire voter sa loi sur la cyberhaine, qu’elle se positionne sur tous les sujets anti-discrimination, j’ai dû mal à le supporter », explique Sophie qui pense qu’il y aurait « un fossé entre les valeurs qu’elle défend publiquement et ce [qu’elle a] constaté en travaillant à ses côtés ».
« Avia, c’est un système qui vous broie », résume William qui rapporte qu’en à peine trois ans, six personnes ont déjà quitté son équipe et une autre s’apprête à le faire. Un indice de mauvaises conditions de travail, selon lui.
« Tu es un faux Chinois »
Outre les témoignages, des documents qu’a pu consulter Mediapart – et accessibles sur leur site – sont sans appel. Via la messagerie Telegram, dans un message envoyé sur la boucle avec toute son équipe, l’élue écrit : « Tu es un faux Chinois, tu ne maîtrises pas Mac », à propos d’un de ses collaborateur d’origine asiatique faisant référence au cliché raciste selon lequel les Asiatiques auraient des compétences en informatique.
Cet ancien assistant n’a pas voulu témoigner, mais il aurait été son « bouc-émissaire ». Dans une note vocale du 12 août 2017, Laetitia demande :
« Alexandre* étant vraiment, malgré ses origines, pas le meilleur sur les sujets informatiques, je vais transférer ces sujets-là à Nathalie*. Donc Nathalie*, maintenant, c’est vraiment une de tes priorités de ta rentrée, c’est ma e-réputation. […] Le site internet, je veux qu’on avance. Et Wikipédia. Wikipédia, il y a plusieurs choses à faire. Il faut prendre le contrôle sur cette page. Il ne suffit pas juste de supprimer le paragraphe sur Le Canard enchaîné, il faut le réécrire de toute façon et le sourcer quand on le réécrit. »
La députée semblait vouloir « nettoyer » son image après un article du Canard enchaîné, daté du 5 juillet 2017, l’accusant d’avoir mordu un chauffeur de taxi. Des accusations qu’elle avait également rejetées via un post sur sa page Facebook.
« L’amendement PD »
Preuves à l’appui Mediapart écrit :
« Le 31 janvier, elle va jusqu’à créer une conversation baptisée “Biiiiitch Talking” illustrée par une image d’un tableau à craie sur lequel est écrit “GOOD BYE !” pour se moquer d’un de ses salariés dont elle venait se séparer. Elle y poste notamment un gif la représentant lui donner un violent coup de pied aux fesses. »
Mediapart révèle qu’en avril 2018, juste après avoir voté un amendement en faveur des réfugiés LGBT, Laetitia Avia avait écrit : « On a voté l’amendement des PD », sans le moindre smiley pour nuancer son propos.
Du sexisme, aussi. Les cinq témoins se rappellent que la députée insultait régulièrement les députées qu’elle n’aimait pas de « pute » ou se moquait de leur physique.
« Une gamine de 4e B »
« Parfois, elle se moque du physique de certaines militantes de sa circonscription, mais aussi de membres de l’équipe quand ils ne sont pas là. L’un est trop gros, l’autre s’habille mal », se souvient Benoît. « Avia, c’est une gamine de 4e B au collège qui n’a pas grandi et pour qui la vie est une cour de récré. Mais ça peut faire très mal quand c’est vous qui êtes ciblé. Et ce n’est pas digne, ni d’une supérieure hiérarchique, ni d’une représentante de la nation. »
Invitée à répondre, la députée « conteste ces allégations mensongères », rapporte Mediapart.
« Je suis une députée exigeante envers mes collaborateurs, car ils sont bien payés mais je suis hyper souple sur les horaires. Je suis très peu présente au bureau, donc oui nous échangeons beaucoup par Telegram », concède seulement Laetitia Avia qui s’adresse désormais au site d’investigation au travers de son avocat.
À la suite de la publication de l’enquête, le secrétaire d’État au Numérique Cédric O qui « travaille avec elle » sur cette loi est monté au créneau.
« Laisser penser qu’elle puisse être raciste ou homophobe est un non-sens absolu », a-t-il plaidé.
Effectivement, en public, la députée tweete régulièrement en faveur des droits LGBT ou encore contre le racisme et a corédigé un rapport sur le harcèlement de rue. Laetitia Avia serait-elle une nouvelle incarnation du « faites ce que je dis pas ce que je fais » ?
Source : Mediapart
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