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L’adoption prudente de la formation en ligne par les écoles d’ingénieurs

Les écoles d’ingénieurs prennent le temps de réfléchir pour intégrer des cours en ligne en formation initiale.

Dans “e-learning”, il y a…“learning “. Rien d’étonnant, donc, à ce que les écoles d’ingénieurs s’y mettent. Pourtant, dans ces établissements, la formation en ligne ne coule pas de source. Alors qu’il a beaucoup été question des projets des entreprises, bon nombre d’écoles ?” et non des moindres (Eisti, Esigelec, Mines de Paris) ?” n’en sont qu’au début de leurs expériences en formation en ligne, quand ce n’est pas au stade de la réflexion. Paradoxe ? Pas vraiment. Dans les entreprises, la formation en ligne participe d’une vision stratégique ?” capitalisation des compétences, souplesse d’organisation, gain de temps, voire de coûts ?” moins évidente pour des écoles. Si ce n’est en formation continue, où, marché concurrentiel oblige, il faut savoir se différencier.Mais, en formation initiale, pourquoi déployer un dispositif d’enseignement en ligne quand le public concerné ?” les étudiants ?” est captif ? Si certains projets démarrent actuellement, il ne s’agit pas là d’un retard sur le monde de l’entreprise. Les intérêts ne sont tout simplement pas les mêmes. Et ils ont nécessité, ici plutôt que là, un temps de réflexion plus long.

” Il faut penser avant tout à la pédagogie “

“Etre une école d’ingénieurs et travailler sur les nouvelles technologies n’implique pas nécessairement de faire de la formation en ligne, insiste Gilles Freyssinet, directeur du Préau, cellule de veille de la chambre de commerce de Paris sur les nouvelles technologies appliquées à l’éducation. Il faut penser à la pédagogie avant tout.” Cela veut dire que si l’établissement dispose d’un l’outil et qu’il s’est assuré de son bon fonctionnement, il lui faut encore savoir comment l’intégrer durablement dans ses pratiques pédagogiques. Encore au début de cette année, l’Esigelec, à Rouen, ne savait pas vraiment comment utiliser son système, testé en 2001.La réflexion doit aussi prendre en compte l’éternel frein de l’investissement, plus difficile à supporter pour une école que pour une entreprise. Le directeur de l’EPF évalue ainsi son contenu en ligne ?” équivalant à quarante heures d’apprentissage ?” à 152 450 euros. “Nous n’avions pas les moyens d’avoir un produit multimédia interactif. Cela aurait coûté trop cher en développement”, renchérit Christine Rouèche, responsable du département TIC à l’Esigelec. D’où la mise en place de séquences vidéo synchronisées avec des diapositives Powerpoint. Idem à Supinfo.Comme la réflexion des écoles porte essentiellement sur la pédagogie et l’organisation des enseignements autour de ce nouveau support, le choix de l’outil n’est, de toute façon, pas l’enjeu. Si l’Eisti utilise Campus Virtuel, d’Archimed, elle n’en a pas pour autant rédigé de cahier des charges.Toutefois, des projets sont en train de trouver leur place dans les enseignements. Ils ont pour objectif, dans la plupart des cas, de changer la teneur de l’intervention des enseignants en classe. “Il y a actuellement un gaspillage redoutable d’efficacité et de temps en cours magistraux présenciels”, affirme Alick Mouriesse, président de Supinfo, dont la plate-forme maison doit, à terme, intégrer tous les cours magistraux. La formation en ligne permet de décharger les intervenants des cours répétitifs et lourds à enseigner, délivrant les fondamentaux. “En salle, les professeurs vont davantage se pencher sur des problèmes précis et sur les projets.”Dans cette optique, l’enseignement en ligne devient une base de connaissances consultable à l’envi après la séance en salle de cours, voire avant. C’est cette seconde pratique que veut privilégier l’Eisti. “Quand les étudiants arrivent en salle, ils ont une partie des cours en tête. La séance commence alors par des questions/réponses, détaille Hervé de Milleville, enseignant et chercheur. Il s’agit d’utiliser à fond les compétences des professeurs.”

Le but est surtout de motiver les étudiants

Le volet pratique des enseignements peut prendre plus d’envergure. Si l’Esigelec n’a aujourd’hui qu’un cours de deuxième année de dix heures en ligne, elle pense déjà à une véritable pédagogie par projet. “On peut envisager des projets de grande ampleur, selon Christine Rouèche, qui nécessitent des connaissances avant que le cours en salle ne commence, un mois plus tard.”Le projet Eden3 regroupe six écoles de Rhône-Alpes et Auvergne(*), avec le moins de contraintes possibles et pilotées par l’école d’ingénieurs de l’université de Saint-Etienne (Istase). Ce projet a déjà permis de revoir le déroulement des stages de dernière année. “Normalement, il y avait cinq mois d’enseignement, puis cinq mois de stages, explique Jacques Fayolle, en charge du projet à l’Istase. Maintenant, il y aura six semaines de cours présenciels, puis un stage de neuf à dix mois, avec une journée libre par semaine pour suivre la formation à distance.” Ces initiatives relèvent encore d’une phase expérimentale. Les uns et les autres l’admettent volontiers. Le but étant moins de développer du contenu à la chaîne que de motiver les étudiants et surtout les professeurs, appelés à retravailler eux-mêmes leurs cours pour les mettre en ligne. Ce qui n’empêche pas l’ambition. En partant d’un système de formation en ligne pour un étudiant handicapé, Supinfo dispose aujourd’hui d’un outil maison mêlant plate-forme de cours, base de contacts, gestion et suivi d’étudiants et d’intervenants.

Partager et diffuser le savoir à distance

Cependant, les perspectives qui se révèlent les plus intéressantes pour ces établissements résident dans la mise en commun de contenus et d’outils. “Cela nécessite un tel investissement qu’il est inutile qu’un autre s’y lance tout seul, affirme Alain Jeneveau, directeur de l’EPF et président de la commission formation de la Conférence des grandes écoles. A partir du moment où nous avons fait une avancée, on voudrait en faire profiter les autres.” De fait, des collaborations existent déjà.“Le projet Eden3 est un système relativement souple, explique Jacques Fayolle à l’Istase. Nous n’avons pas créé un nouveau diplôme exprès. Chaque école conserve le sien. L’étudiant suit les modules imposés pour l’obtention de son diplôme et peut en choisir d’autres.” La nouveauté vient de ce que l’Istase doit gérer un catalogue de cours plus important que d’habitude, puisqu’il intègre des contenus issus des autres établissements.L’Isen, à Lille, a des partenaires tout trouvés : les autres écoles de son réseau, l’Isem, à Toulon, et l’Iseb, à Brest. La copie des transparents de certains cours est déjà en ligne, ainsi que la correction des devoirs de TP. Un effort de modularisation a commencé. Avec l’équipement des étudiants en PC portables, l’an prochain, le projet devrait prendre tout son sens. A terme, prévoit le directeur de l’Isen, Andréas Kaiser, “le but est de rendre le contenu accessible aux anciens et de permettre une diffusion de connaissances à distance “. Une grande idée vendue aux débuts d’internet, que les écoles, elles, n’ont pas oubliée.(*) Le Cust (Clermont Ferrand), l’Esia (Annecy), l’Esigec (Chambéry), l’ISTG (Grenoble) et l’Istil (Lyon).

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Arnaud Devillard