Japon 2009 : la fin d’une ère
L’année 2009 aura été celle du bilan pour le marché du jeu au Japon, avec une industrie exsangue forcée de se remettre publiquement en question et d’envisager ouvertement les modalités de sa nécessaire mutation.
Depuis le pic historique du marché intérieur japonais, en 2006, l’industrie a dû faire face à bien des désillusions. On est certes loin de l’année 2008, marquée par un recul global de près de 15 %, mais la situation n’a rien de réjouissant. La baisse aura été de 6,9 % au total, soit – 13 % pour le hardware et – 1,8 % pour le software.
Sur le plan des consoles, la PSP et la Wii, avec respectivement 13 et 9,5 millions de consoles vendues, sont en net recul. La next-gen est en progression, avec 1,2 million de PS3 vendues (pour un parc total de 4,4 millions) et 330 000 Xbox 360 (pour 1,2 million au total). Malgré les efforts de Microsoft, la 360 reste marginale sur le sol japonais, et la sortie de Natal fin 2010 sera sans doute la dernière occasion de vaincre les réticences des joueurs de l’Archipel. Quant à la DS, soutenue par les ventes de DSi et de DSi LL, (DSi XL en Europe), elle continue de squatter la première place, avec plus de 4 millions d’exemplaires écoulés, pour un total de plus de 29 millions de consoles.
Grands crus, petite cuvée
Moins importante, la baisse des ventes de jeux n’en est pas moins significative dans une année riche en mégahits très prometteurs, comme les deux bombes de Square Enix Dragon Quest IX, sur DS, qui remporte haut la main la première place avec plus de 4 millions d’exemplaires vendus, et Final Fantasy XIII (FFXIII), en cinquième position, avec 1,7 million d’exemplaires écoulés en quelques jours. Le cœur du top 5 reste le fief de Nintendo avec des titres comme le dernier remake de Pokémon (3,3 millions), Super New Mario Bros Wii (2,5 millions) et Friend Collection (2,3 millions).
Même les marchés de niche (comme le jeu érotique), qui, cumulés, représentent une portion importante (et la quasi-totalité dans le cas du jeu pour PC) du marché, sont saturés malgré une demande en baisse et ont été durement touchés.
L’envers du décor
Mais ces chiffres, qui rendent parfaitement compte d’une troisième année de baisse consécutive, ne disent pas grand-chose sur une autre question autrement plus cruciale, qui préoccupe les stratèges japonais : la perte de rayonnement des développeurs et éditeurs nippons au niveau mondial. Le sujet, longtemps resté tabou, a été abordé frontalement pour la première fois par plusieurs acteurs majeurs de l’industrie.
Le cri de désespoir de Keiji Inafune de Capcom devant la débâcle du Tokyo Game Show 2009 – « Le Japon est mort ! » – a sonné le point d’orgue d’une décennie de relâchement créatif de la part des développeurs nippons. Yoichi Wada, le PDG de Square Enix, dont la société a pris acte de ce déclin en faisant l’acquisition d’Eidos et en se recentrant sur le marché occidental, réagissait récemment dans les pages du magazine Edge. Il y dénonçait le défaitisme d’Inafune mais était bien forcé d’admettre que l’industrie japonaise traverse une crise bien réelle. Elle se trouve en fait à la croisée des chemins.
Evoluer ou mourir
Square Enix met désormais l’accent sur la nécessité d’innover et annonce sans ambages que FFXIII sera le dernier opus « classique » de la saga, l’équipe de développement étant appelée à se recentrer sur « des formes de jeu de nouvelle génération ». Le géant Nintendo lui-même, en la personne de son PDG, Satoru Iwata, déclarait récemment que la production sur Wii avait abouti à une impasse créative et qu’il était grand temps de se réinventer. C’est ce que certains dénoncent sous l’appellation « effet Wii ».
Une tendance qui concerne l’ensemble de l’industrie vidéoludique et qui affecte lourdement la qualité de la production. Une tendance renforcée par la population des utilisateurs de la Wii, qui récompense des jeux médiocres tout en ignorant des produits plus courageux et novateurs. Du coup, les studios nivellent leur engagement par le bas. C’est par exemple le cas de Sega, qui annonçait par la bouche d’un de ses représentants américains qu’on ne le reprendrait plus à développer des jeux pour un public d’adultes sur la Wii. Cette tendance dangereuse s’estompera-t-elle en 2010 ?
La période d’austérité qui s’annonce permettra-t-elle au Japon de reprendre une position de leader et un statut unique sur la scène mondiale ? Quand on voit que l’arme secrète annoncée par Nintendo pour relancer la machine en 2010 n’est autre que le Vitality Sensor pour la Wii, on est en droit de se poser la question… et de s’inquiéter.
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