“Le malheur, c’est simple comme un coup de Bourse. “ Lancé en septembre dernier, après le krach consécutif aux attentats américains, le tract parodique de SUD, deuxième syndicat de France Telecom, est plus que jamais d’actualité. Le titre de l’opérateur a accéléré sa chute, sapant les fondations de sa politique d’actionnariat grand public.Chez Vivendi Universal, où la Bourse a été largement valorisée par Jean-Marie Messier, on a assisté à une première : le rejet par la Société générale, le gestionnaire du fonds, du dernier plan d’épargne d’entreprise !L’offre faite aux salariés, à 46 euros, n’est plus viable : le titre a plongé de 30 % en quelques séances, pour atteindre les 30 euros. Les sommes recueillies n’ont pas été investies en titres, et attendent un nouveau plan. Chez Alcatel, l’action oscille autour des 13 euros, et approche dangereusement de son niveau en 1987 lors de la privatisation du groupe (10 euros).Ces trois groupes, emblématiques des privatisations des années 1980 et 1990, ont aussi joué à plein de récents systèmes d’incitation à l’épargne, ambitionnant d’encourager le capitalisme populaire et l’actionnariat salarié.Les entreprises peuvent procéder à des hausses de capital réservées aux salariés, avec une décote exonérée d’impôt sur le revenu de 20 % par rapport au cours de marché pour les plans d’épargne d’entreprise (PEE), de 30 % pour les plans partenariaux d’épargne salariale volontaire (PPESV).La loi Fabius y a ajouté de nouveaux encouragements et des dispositions visant à renforcer le pouvoir des salariés-épargnants. Tout juste dans l’enfance, ce capitalisme social à la française vit une épreuve qu’illustre bien l’infortune de ces trois géants de la cote.
Tous capitalistes !
Le sujet le plus spectaculaire est sans doute France Telecom. D’abord par son importance. Michel Bon avait fait de l’introduction en Bourse l’un des piliers de sa stratégie, et le vecteur essentiel de la communication externe et interne du groupe. Le résultat fut à la hauteur : 4 millions de petits porteurs, dont 140 000 salariés, ces derniers ayant investi en moyenne 9 100 euros. Ils détiennent 3,2 % du capital, et sont représentés au Conseil du groupe par deux administrateurs.“Salariés, actionnaires et clients : trois raisons de les aimer”, déclarait Michel Bon écartant d’emblée l’outil des stock-options. Cette trinité a au moins une bonne raison de se sentir mal-aimée aujourd’hui : le 30 avril, le cours de l’opérateur est passé sous son niveau d’introduction en Bourse, 27,75 euros, établi lors de son inscription sur le Premier marché en novembre 1997.Certes, les salariés avaient bénéficié d’un rabais (20,05 euros), mais le bénéfice, au sortir de 60 mois de blocage, est maigre, surtout lorsque l’on évoque le plus haut du titre, 219 euros, le 2 mars 2000. Le problème est d’autant plus aigu que le premier plan arrive à échéance le 2 juillet.“Les actionnaires de ce premier plan ne sont pas perdants. Et d’après nos sondages, les salariés vont garder leurs titres à 80 %. Nous espérons un geste le 28 juin”, avoue Monique Desheraud, présidente de l’Association des actionnaires salariés de France Telecom et directrice de la communication interne du groupe.Le geste attendu, le 28 juin, jour de l’assemblée générale, est bien sûr une nouvelle hausse de capital réservée à un prix attractif. Ce qui ne garantit pourtant pas la bonne affaire, comme l’ont constaté les salariés d’Alcatel.
Ces patrons qui abondent
Après un plan de stock-options en 2001 attribué à un cours de 50 euros, l’équipementier avait décidé d’avancer en décembre le plan prévu pour 2002. Le cours d’attribution, établi à 20,8 euros, était alors plus qu’attractif. Aujourd’hui, le titre dépasse à peine les 13 euros…Outre les stock-options, Alcatel mène une active politique d’incitation à l’épargne d’entreprise. Les salariés peuvent souscrire à des titres Alcatel au cours du jour, avec un abondement de l’entreprise. Une formule en vogue parmi les TMT. Les salariés ne détiennent pourtant jusqu’ici que 1,4 % du capital. “Un certain nombre de sociétés du groupe ont revu leur abondement à la hausse, face aux conditions actuelles des marchés”, note-t-on.Nouveaux plans et abondements supérieurs suffiront-ils à adoucir les déceptions ? La question n’est pas anodine, au moment où pourrait rebondir le débat sur le financement des retraites. “Les offres faites aux salariés ont jusqu’ici exagérément incité à souscrire en titres de l’entreprise. Un peu plus de diversité et une communication plus prudente seraient judicieuses”, avance Olivier de Fontenay, membre du directoire de Novacy, la filiale d’épargne salariale de Generali.
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