Une bataille judiciaire entre prestataires techniques, un projet de loi en attente d’être voté, une décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qui tombe mal. Par cette conjugaison d’éléments,
l’automatisation de la lutte des ayants droit contre la piraterie sur le peer to peer, longtemps brandie comme l’arme définitive, n’est aujourd’hui plus mise en ?”uvre par personne.En théorie, elle permet l’envoi automatique à des internautes téléchargeant illégalement, de messages d’avertissement puis de constats d’infraction. Mais, en pratique, seul le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell), qui
défend les intérêts du secteur du jeu vidéo, a pu mettre en ?”uvre un tel procédé. La Cnil lui en avait donné
l’autorisation au mois d’avril. Mais le Sell a tout arrêté en juillet, après l’envoi automatique de 300 000 messages de prévention à des internautes téléchargeant
illégalement des jeux vidéo. Jean-Claude Larue, délégué général de l’organisation, situe la baisse des téléchargements entre 30 et 40 % suite à cette campagne de quelques mois.
Différends entre prestataires
Problème : le Sell a voulu
changer de prestataire technique è cause de différends avec celui qu’il avait choisi, CoPeer Right Agency. Pour cela, il devait demander une nouvelle autorisation à la Cnil et
présenter un nouveau dossier. Le même qu’avant, mais avec pour prestataire AdVestigo à la place de CoPeer Right Agency.Or, ce dernier a décidé de poursuivre en justice son concurrent pour contrefaçon, sur foi d’un brevet déposé mais pas encore délivré par l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle). Une première audience a eu lieu en
novembre, la prochaine est prévue pour décembre. Mais CoPeer Right Agency comme AdVestigo tablent sur une décision pour fin 2006. Dans ces conditions, le Sell a préféré jeter l’éponge. ‘ On a signifié à la Cnil qu’on retirait
notre dossier ‘, annonce Jean-Claude Larue, sans envisager pour l’instant une nouvelle campagne de prévention.Pour l’industrie de la musique, c’est plus simple : la Cnil lui a
refusé le mois dernier l’autorisation d’utiliser des logiciels automatisant l’envoi de messages et les relevés d’infraction aux droits d’auteur sur les réseaux. Une stratégie en deux
étapes appelée ‘ riposte graduée ‘, dont la mise en ?”uvre par ce secteur n’a pas plu à la Cnil. Plutôt que de revoir son dossier, l’industrie du disque table sur autre chose : ‘ On attend le
vote de la loi sur les droits d’auteur [prévu pour fin décembre, NDLR], explique Marc Guez, directeur général gérant de la SCPP, car il y a le projet d’y intégrer l’approche graduée. Si c’est voté, il y aura probablement à
nouveau des demandes à faire à la Cnil : ce qu’elle a refusé il y a quelques temps, elle pourra peut-être l’accepter. ‘ Le
ministre de la Culture lui-même, lors d’une rencontre avec Alex Türk, président de la Cnil, a évoqué fin octobre l’idée de faire évoluer le cadre légal actuel pour rendre possible la
riposte graduée.
Prévention et poursuites continuent
Enfin, le secteur du cinéma planche lui aussi sur la question. L’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) a commencé à
discuter avec les fournisseurs d’accès à Internet et AdVestigo. Mais elle serait actuellement dans la même position d’attente que l’industrie du disque.Si la loi est votée en décembre ou janvier, il faudra encore attendre les décrets d’application, puis leur entrée en vigueur. Ensuite seulement les ayants droit pourront, si nécessaire, commencer à déposer des demandes d’autorisation à
la Cnil. La surveillance automatique des réseaux n’est donc pas pour bientôt. Tellement crainte et décriée par les internautes, elle n’aura finalement été effective que quelques mois, et encore, seulement pour des messages d’avertissement, pas pour
constater des infractions aux droits d’auteur en vue de poursuites judiciaires. ‘ Mais on n’abandonne pas l’idée de faire de la prévention ‘, précise Marc Guez.Et la mise en veille des campagnes automatisée n’empêche absolument pas des relevés d’infraction manuels, ni les poursuites judiciaires déjà lancées de suivre leur cours. Le 15 novembre, un internaute écopait à
Bayonne de 750 euros d’amende pour mise à disposition de fichiers. Le lendemain, un autre était condamné à Châteauroux à deux mois d’emprisonnement avec sursis et plus de
17 000 euros de dommages et intérêts.
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