Habitués à des débats consensuels sur les promesses de la télé numérique, les participants au sommet de la TV interactive se sont offert les frissons d’une polémique autour des moteurs d’interactivité pour terminaux numériques.En effet, tous les fabricants et éditeurs d’applications s’accordent sur les protocles de communication de la TV numérique : le DSM-CC Object Carousel pour la diffusion des programmes par satellite, câble ou voie terrestre et IP pour la voie de retour.En revanche, deux courants technologiques se concurrencent pour la partie applicative des services interactifs : les uns défendent une approche Java, les autres militent pour HTML, le standard du Web.Au-delà du débat purement technique sur les avantages respectifs de ces technologies se dessinent des approches culturelles et économiques différentes du marché de la TV numérique.
La généalogie complexe des plates-formes d’interactivité
Plus que le traitement ou la diffusion du signal, la révolution de la TV numérique se trouve dans les services interactifs qui y sont associés. En la matière, aucun standard ne s’est vraiment imposé puisque le terrain commence à peine à être défriché.Ainsi, au début des années 90, les deux précurseurs de la TV numérique ont adopté deux technologies propriétaires différentes pour leurs terminaux numériques. Canal+ a choisi une solution développée par Media Highway, et TPS est devenu le client et pygmalion d’une toute jeune société, OpenTV.Afin d’éviter la multiplication de plates-formes propriétaires, le DVB (Digital Video Broadcasting Project)?” un consortium international constitué d’industriels de la télévision, du logiciel et de représentants des gouvernements de plus de 35 pays ?” décide en 1995 de rendre ces terminaux interopérables en définissant des API ouvertes aux développeurs d’applications interactives. Le résultat de ces travaux est la norme MHP ( Multimedia Home Platform), basée sur une machine virtuelle Java, baptisée PersonalJava.” A cette époque, la technologie Java était plébiscitée par tous et particulièrement par les constructeurs d’équipements électroniques : Philips, Sony, Panasonic, etc., se souvient Jean-Pierre Evain, ingénieur au département technique de l’ Union européenne de radio-télévision. Le langage HTML ne pouvait être une solution de compromis car personne ne s’y intéressait. “
Une normalisation inachevée
La donne change rapidement avec l’arrivée de nouveaux acteurs issus de l’industrie informatique comme Microsoft ou Liberate, voire de start-up comme Netgem. Ces sociétés à forte culture Internet et télécoms parient sur la technologie Web pour fournir de l’interactivité à la TV numérique. Poursuivant son effort de normalisation, le DVB enrichit donc en juin dernier sa norme MHP d’une option HTML ?” le DVB HTML ?” pour faire une place aux nouveaux entrants.La situation finale est un peu confuse : deux technologies différentes se retrouvent implémentées dans la même norme, MHP. Cet échec d’unification traduit en fait un clivage culturel avec, d’un côté, les acteurs traditionnels de la télé et de l’électronique attachés à l’excellence de leurs produits et inscrits dans une logique industrielle et, de l’autre, des entreprises à culture Internet soucieuses du time to market et d’un rapide retour sur investissement.
L’argument économique emportera-t-il la décision ?
” Au cours de la prochaine décennie, le vecteur de numérisation sera la télé gratuite. Le coût des terminaux et la rapidité de développement sont les conditions de sa réussite “, résume ainsi Patrice Fryson, responsable marketing chez Netgem, adepte du DVB HTML.Même son de cloche du côté de Microsoft et de Thomson. ” Les applications Java sont plus difficiles à développer et à modifier que le code HTML. De plus, on trouve plus facilement des développeurs HTML que Java “, estime ainsi Sean Hayes, président du DVB HTML Group pour Microsoft.” Il n’y a pas de consensus autour de Java à l’inverse de HTML qui représente la convergence Web-télévision “, tranche Gérard Mozelle, responsable du développement des standards pour Thomson.Sur-représentées lors de ce sommet de la TV interactive, les entreprises à culture Internet espèrent imposer DVB HTML auprès des éditeurs d’applications interactives et des fabricants de terminaux afin de vendre leurs middlewares auprès des diffuseurs de programmes. Quitte à proposer aux téléspectateurs une interactivité au rabais. ” Java permet de développer des applications plus complexes donc plus intéressantes “, concède ainsi Gérard Mozelle, sans s’éterniser sur la question.Avant de tenter une synthèse : “Les deux technologies devraient coexister longtemps, ajoute ainsi Gérard Mozelle. Le DVB HTML sera adopté pour les set-top box d’entrée de gamme, et Java sera réservé aux terminaux à plus forte valeur ajoutée.”
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