Depuis Lao-Tseu et Clausewitz, on aurait pu penser que la stratégie ?” militaire ou économique c’est pareil ?” avait fait des progrès. Hélas, il faut se rendre à l’évidence : aujourd’hui, plus l’objectif est rustique, plus il est populaire. Et tous ces dirigeants interviewés comme des stars, de nous l’expliquer en long et en large. Ils oublient qu’à la télé, on préfère les rondeurs de Laetitia Casta à celles de J2M. Leur idée ? Être plus gros que le voisin ! Fallait quand même y penser ! Chacun veut être numéro 1 mondial sur un créneau porteur (on dit “non cyclique“) et rapporteur de grosses marges (“créateur de valeur“).La grenouille aspire au b?”uf, le b?”uf au dinosaure et le dinosaure croit que la comète ne tombera que sur les petits copains d’à côté. Donc je vends un peu, j’achète beaucoup, je m’endette, mais c’est pas grave, je grossis jusqu’à ce que je puisse enfin déclarer aux analystes ébahis : ça y est, je suis numéro un ! Si, en plus, je peux annoncer un bon plan de licenciements (pardon de “ synergies“), ça fera monter la Bourse.Au passage, un conseil : si votre actionnaire vous dit un jour “Je suis très content de vous “, méfiez-vous, il est en train de vous vendre ! Méfiez-vous aussi des créneaux trop petits car, comme dit le proverbe : “Quand on travaille dans une niche, il ne faut pas s’étonner d’être traité comme des chiens.” Enfler, voilà donc la règle de nos stratèges modernes. Empiler les chiffres d’affaires, les clients, les pays. Rafler les catalogues, les technologies, les savoir-faire. Peu importe qu’il n’y ait aucune vision derrière tout ça, l’important c’est la masse.C’est l’effet sumo. Comme je suis plus gros que toi, je te pousse en-dehors du jeu. Je suis forcément le meilleur puisque je suis numéro 1. Je ne sais pas qui je suis mais quelle importance puisque je suis numéro 1. Je n’ai rien à dire mais j’ai tous les droits de le dire puisque je suis numéro 1. Je ne sais rien de la vie, de l’histoire, des hommes et de leurs cultures mais je men fous, je suis… Feraient mieux de relire Lao-Tseu, tous ces bouddhas de pacotille : “Celui qui a inventé le bateau a aussi inventé le naufrage.“
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