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La sous-traitance logicielle, un processus critique pour l’entreprise et la DSI

Dans tout projet logiciel, l’entreprise doit considérer comme critique le suivi et le contrôle de ses prestataires de services. Et mettre en place des procédures adéquates.

” Le sous-traitant ! “ C’est souvent la réponse à la question : “Qui est responsable du plantage de ce projet informatique ?” Mais des exemples comme ceux de la Bibliothèque nationale de France avec Cap Gemini, ou d’EDF-GDF avec IBM Global Services montrent à quel point il est délicat de gérer un prestataire. Les culpabilités respectives s’avèrent la plupart du temps difficiles à établir. Souvent, le suivi de la relation client-fournisseur a généralement été sous-estimé par le client. Par ailleurs, la phase de préparation se fait en dépit de la maîtrise d’?”uvre interne, pourtant seule capable de s’exprimer sur la faisabilité technique d’un projet informatique.

Ne pas céder à l’optimisme de début de projet

Traditionnellement, les meilleures pratiques concernant la gestion de la sous-traitance se trouvent dans les secteurs industriels. Grands consommateurs de prestations externes, ils évaluent finement leurs futurs fournisseurs. Pour autant, la plupart des entreprises sont loin d’avoir identifié la gestion de la sous-traitance comme un processus critique. La confiance règne. Mais uniquement pour sacrifier à un optimisme de rigueur, souvent de mise en début de projet, alors que la maîtrise d’ouvrage va jusqu’à imposer les choix techniques. Cet optimisme introduit le ver dans le fruit : exigences mal définies, contrats mal ficelés, délais impossibles, budgets volontairement minorés, réalisation effrénée, etc.De précieux enseignements peuvent être tirés des ratages de projets géants, tels que l’informatisation de la Bibliothèque nationale de France ou, plus récemment, celle d’EDF-GDF avec Optimia Cible. Deux cas d’école étonnamment similaires. Dans le premier, les syndicats, montés au créneau, fustigent un projet “mal ficelé, mal piloté et réalisé au pas de charge pour être prêt le jour de l’inauguration, en octobre 1998”. Résultat : la version 1 du système accuse trois ans de retard, et le budget global passe, dans le même temps, de 280 à 420 millions de francs, selon une estimation de la Cour des comptes. Chez Cap Gemini, on accuse notamment le maître d’?”uvre d’avoir ” oublié ” de spécifier quelque 50 % des applications créées en cours de route. . . Dans le second projet : huit ans d’efforts ruinés et 2 milliards dépensés pour rien, ou presque. IBM Global Services s’est risqué dans un projet trop complexe et trop typé. Même Cap Gemini a dû jeter l’éponge au milieu du gué. A cela se sont ajoutés une ” valse des acteurs ” et un cahier des charges de plus en plus flou, qui ont finalement mené à l’abandon du projet.

Comment s’assurer de la qualité d’une prestation ?

Ce sont les objectifs pharaoniques de tels chantiers qui éclipsent les règles simples de la gestion de la sous-traitance. Règles qui, le cas échéant, doivent tenir compte de la durée du projet, des changements technologiques, de ceux du marché et, surtout, de l’évolution des besoins des utilisateurs. Au fil de l’avancement, il est en effet fréquent pour ceux-ci de s’apercevoir que les premiers prototypes ne répondent pas à leurs besoins. Ils en profitent alors pour préciser leur cahier des charges.Comment s’assurer de la qualité d’une prestation ? Deux voies – éventuellement complémentaires – cohabitent. L’une consiste à rationaliser en interne ses processus de gestion de la sous-traitance. Des mécanismes de contrôle sont mis en place tout au long du projet pour réagir aux imprévus. L’autre voie se situe plus en amont et vise à anticiper la capacité du sous-traitant à bien répondre à une commande. Le donneur d’ordres s’attache ici à évaluer, voire noter ses futurs prestataires avant de les choisir. Bien menée, cette évaluation peut alléger considérablement le suivi d’un fournisseur en cours de projet, dans la mesure où elle certifie sa compétence.

Se charger des parties les plus floues du projet

Chez France Télécom R&D (ex-Cnet), tout contrat au forfait se déroule selon un processus interne standardisé. Son “diagramme de flux”montre d’abord une phase amont relativement simple et découpée en quatre : préparation, lancement de la consultation, choix du prestataire, puis établissement du contrat. Plus complexes, les deux phases de suivi/contrôle et de transfert du produit fini vers France Télécom R&D se chargent des parties les plus floues du projet. Jalons du contrat, rapports de suivi, demandes d’avenants, problèmes imprévus et acceptations diverses sont gérés à ces niveaux-là. Le suivi/ contrôle du prestataire prévoit d’impliquer en boucle l’ensemble des services liés au projet. Y compris ceux souvent cantonnés aux étapes préliminaires, comme les achats ou la comptabilité.De son côté, Snecma Control Systems, fabricant de régulateurs de moteurs d’avions et d’hélicoptères, s’attache plus particulièrement à évaluer les candidats à la sous-traitance logicielle. Après une présélection, il détermine un profil cible et mène son enquête en fonction de Spice (Software Process Improvement and Capability dEtermination). Un modèle qui permet à l’entreprise d’évaluer des processus de développement logiciels. “Nous nous en servons uniquement pour les partenariats allant de trois à cinq ans, expliquait Jean-Pierre Legras, responsable de la qualité logicielle, au cours d’un colloque de l’Afnor en décembre 2000. Le choix des processus à évaluer est primordial. Il faut détecter ceux qui seront utilisés lors du partenariat, puis évaluer leur qualité en fonction de projets réels.”Le modèle Spice fournit avant tout au fabricant une cartographie des processus importants. L’un des partenariats établis selon cette méthode est parti d’une liste restreinte de trois prestataires. Quatre processus ont été évalués pendant des entretiens sur site avec le management du prestataire, à raison de une heure trente par processus : gestion de configuration, gestion de projet, assurance qualité, et management des ressources humaines. Ce dernier point peut sembler surprenant. Il règle pourtant la plupart des questions concernant le taux de rotation du personnel sur un projet. Il s’attarde en effet sur la politique de recrutement, les formations ou les critères d’affectation des personnels sur tel ou tel projet. Bien sûr, selon les cas, il est possible d’évaluer d’autres processus, comme la conception, l’intégration, ou l’essai des logiciels.Bien qu’efficaces, l’évaluation et le contrôle continu d’un prestataire peuvent se révéler délicats. Sous leur aspect formalisé, ils restent en effet méconnus des sociétés de services hexagonales, et pas forcément acceptés. Leur principal champ d’application concerne donc les projets longs et complexes. Malgré tout, l’objectif – en dehors du bon déroulement du projet – consiste, d’une part, à maîtriser les volumes de sous-traitance et, d’autre part, à s’assurer que la direction des services d’information conserve l’ascendant sur ses propres systèmes d’information.

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Philippe Billard