Le 30 mars dernier, le laboratoire pharmaceutique américain Pfizer annonçait la création d’une entreprise spécialisée dans les logiciels et les services aux professions de santé, en association avec IBM et Microsoft. Les trois géants vont créer une société commune, dont l’objectif est d’amener la communauté médicale à utiliser davantage internet. Un pari ambitieux, puisque cette dernière n’a pas manifesté un grand empressement à intégrer l’informatique dans ses différents métiers. Et les acteurs déjà présents sur le marché, comme Web MD (dans lequel Microsoft a aussi investi), IDX ou encore Medscape, sont loin d’avoir réussi leur percée.
Un autre retard français
Même constat dans l’Hexagone :” La communauté médicale devrait être une grande consommatrice de technologie informatique, mais elle est paradoxalement en retard “, observe Denis Punsola, responsable du pôle santé de France Telecom. Pourtant, la bataille fait rage pour conquérir les quelque 270 000 professionnels concernés.Il y a deux ans, le gouvernement lançait un appel d’offres pour la concession d’un réseau santé social (RSS), destiné notamment à la transmission informatisée des feuilles de soin. Un marché remporté par Cegetel. Depuis, l’opérateur a investi 30,5 millions d’euros (200 millions de francs) dans la création d’un intranet sécurisé permettant l’envoi des feuilles de soin à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).” Nous avons dû défricher le terrain, ce qui n’a pas été facile “, insiste Vincent Bouvier, responsable marketing de la société. Les démarrages sont d’autant plus difficiles que “ le réseau était fortement marqué Sécurité sociale, au moment même où celle-ci rendait les médecins responsables de son grave déficit “, remarque le docteur André Chassort, du Conseil national de l’ordre des médecins.Actuellement, Cegetel RSS envoie chaque mois une vingtaine de millions documents. Et ” le nombre de feuilles augmente de 10 % par mois “, se félicite Vincent Bouvier. De fait, la CPAM reverse à Cegetel RSS 20 centimes par feuille expédiée.Mais si la société a le monopole de la transmission finale de la feuille de soins, l’Etat a voulu laisser le choix du réseau de transfert des données aux praticiens, gardant ainsi la porte grande ouverte à la création de réseaux concurrents. France Télécom s’y est engouffrée avec Wanadoo Santé, qui fournit aux internautes de la profession, à l’instar de Cegetel RSS, un accès internet et une messagerie sécurisée. Un service de base sur lequel les deux fournisseurs d’accès revendiquent chacun la pole position, annonçant respectivement 33 500 et 36 000 abonnés.Un troisième acteur, le groupe Cegedim, joue les outsider, avec son réseau Santésurf. En parallèle, France Télécom a décroché pour sept ans la concession Liberalis, un autre intranet sécurisé conçu par quinze unions régionales des médecins libéraux. Pourtant, de l’aveu même de Denis Punsola, Liberalis n’a guère convaincu qu’un millier d’utilisateurs.” C’est un échec cuisant “, constate le docteur André Caron, président d’honneur du Fulmedico, la Fédération des utilisateurs de logiciels médicaux communicants.
Carences sécuritaires
” Si chacun de ces systèmes de messagerie est sécurisé, ce n’est plus le cas quand on envoie des messages de l’un à l’autre “, s’indigne-t-il. Et, sous la pression des utilisateurs, Wanadoo Santé et Cegetel RSS ont ainsi annoncé, il y a quelques semaines, le développement d’une messagerie commune à haut niveau de sécurité. Un outil qui utilisera les cartes professionnelles de santé pour la signature et l’authentification. ” Mais les praticiens sont encore loin de pouvoir réellement échanger des données de différents formats “, regrette Jérôme Champetier de Ribes, PDG d’Etiam. La start-up rennaise se concentre sur la” connectivité médicale multimédia, grâce à son produit Mediem, qui facilite l’échange de données cliniques entre professionnels.Mediem est d’ores et déjà utilisé par Cegetel RSS et espère bien séduire les acteurs du milieu. Greffer de tels services sur son offre est essentiel pour Cegetel RSS, à qui beaucoup reprochent d’avoir longtemps été un tuyau vide. Et les fournisseurs d’accès de racheter à tour de bras des éditeurs, comme France Télécom, qui a mis la main sur Axilog afin d’enrichir son offre. “C’est plutôt bien que le milieu des éditeurs se concentre, remarque le docteur Jean-Jacques Fraslin, de Fulmedico, mais encore faut-il qu’il crée des logiciels qui fonctionnent et dialoguent entre eux !”
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