Depuis quelques jours, une annonce du site Web du ministère de l’intérieur russe promet 3,9 millions de roubles (environ 82.000 euros) à tout informaticien capable de livrer les secrets de Tor. Elaboré au début des années 2000, Tor permet de parcourir anonymement Internet, grâce à une organisation décentralisée. Le réseau est notamment utilisé par des journalistes, bloggeurs, et dissidents politiques dans de nombreuses dictatures. La Russie voudrait-elle parvenir à rompre cet anonymat et museler davantage les internautes ?
Une explosion du nombre d’utilisateurs
L’utilisation de Tor est prise très au sérieux par les autorités russes. Alors que l’on comptait 25.000 utilisateurs là-bas l’an dernier, ils sont plus de 150.000 à l’employer régulièrement désormais. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette forte hausse. Tout d’abord, la mise en place du système d’écoutes Sorm, qui a par exemple permis au pouvoir d’intercepter l’ensemble des communications lors des J.O de Sotchi. Tor est donc perçu à juste titre comme un rempart face à la surveillance en ligne.
Mais depuis quelques mois, le conflit en Ukraine est devenu la plus grande source de tensions. Grégoire Pouget est membre de l’ONG Reporters sans frontières (RSF). Joint par 01net, il confirme : « depuis deux ans, la politique d’encadrement d’internet est de plus en plus répressive en Russie. En 2012, une loi fédérale a établi une liste noire de sites Web et le conflit ukrainien a eu pour conséquence un durcissement de la censure ». RSF organise d’ailleurs des formations pour les dissidents de pays dont le pouvoir est autoritaire. Grégoire Pouget explique : « l’an dernier, RSF a fait entrer le FSB [successeur du KGB, ndlr] dans la liste des ennemis d’internet. Nous préconisons et recommandons l’utilisation de Tor aux journalistes et bloggeurs russes ».
Un réseau déjà ciblé par la NSA
Si la Russie est régulièrement attaquée sur le thème du respect des droits de l’homme et de la liberté d’expression, la capacité de nuire au réseau est toutefois à tempérer. Tout d’abord, il faut rappeler que le pays n’est pas le premier – ni le dernier – à vouloir la peau de Tor. En octobre 2013, un document indiquait que la NSA (qui considère les utilisateurs de Tor comme « extrémistes ») cherchait également à en venir à bout, sans réussite. Il paraît donc peu probable qu’un hacker isolé réussisse là où la NSA a échoué.
La source de l’annonce est également à prendre en compte. C’est bien le Ministère de l’Intérieur russe et non le FSB qui publie la requête. En réalité, Tor n’est pas uniquement utilisé par des citoyens révoltés, mais est également très apprécié des délinquants en tous genres, plutôt amateurs de discrétion. Il pourrait donc également s’agir de lutte contre certains délits comme le proxénétisme, l’échange de contenus pédopornographiques ou même le trafic de drogue. Les 82.000 euros proposés sembleraient bien faibles pour un projet ayant comme enjeu la sécurité nationale.
Bien que l’annonce interpelle au premier abord, sa portée semble être plutôt mesurée. Si la Russie pouvait venir à bout de Tor, il est fort probable qu’elle ne s’en priverait pas. Mais ni plus ni moins que de nombreux pays, démocraties comprises.
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