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La RTT, nouvelle boîte de Pandore

La mise en application de la loi sur les 35 heures risque de laisser un goût amer. Après avoir suscité des attentes inespérées chez les salariés, elle exacerbe les différences entre les catégories de personnel et les services…

” Plus d’un millier de candidats se sont présentés à notre stand lors du dernier salon Pro/Search “, se vantait le patron d’une petite SSII peu connue. Son exploit : avoir réussi à signer un accord sur les 35 heures procurant à l’ensemble de ses informaticiens vingt-trois jours et demi de RTT, avec un salaire annuel annoncé de 300 000 francs pour les chefs de projet ayant de quatre à cinq ans d’expérience. De quoi attirer même les plus travailleurs.
Effet de pub, certes, mais significatif de ce que permet la loi sur les 35 heures, applicable depuis le 1er février 2000. A l’opposé, un constructeur japonais propose une diminution salariale de 6,5 % avec quatre jours de RTT, d’après l’une de ses salariées.Question de culture, ironisera-t-on. Mais qui montre bien les différentes approches face à la mise en place des 35 heures. Ailleurs, les négociations se poursuivent. Dans les services informatiques, à peine quatre-vingts sociétés d’après la CFDT ?” des PME, pour la plupart ?” ont déjà signé un accord. Non sans paradoxe : ainsi, chez Cap Gemini, le seul signataire de l’accord maison est la CFTC, qui avait refusé celui de la branche Syntec. Le représentant du syndicat se félicitant, entre autres, de l’horaire de référence proposé : 36 h 40 pour 80 % des effectifs. En revanche, ceux travaillant chez un client encore aux 39 heures, par exemple, récupéreront vingt-trois jours au titre de la RTT. Et ce, en conservant en partie les avantages acquis des jours dancienneté octroyés par la SSII.
Chez Transiciel, on annonce onze jours de RTT pour un temps réduit à 36 h 50. Chez Unilog, ce seront dix jours pour 37 heures hebdomadaires. Chaque entreprise apporte ses variantes, selon son secteur d’activité, les catégories de personnel, le niveau de salaire, les heures supplémentaires effectuées, les possibilités de formation, les horaires de référence des clients, les habitudes maisons, les entités, voire les services.La mise en application de la loi sur les 35 heures, qui s’étalera en fait sur deux ans, risque de laisser un goût amer. Nouvelle boîte de Pandore, après avoir suscité des attentes inespérées chez les salariés, elle exacerbe les différences entre les catégories de personnel et les services, et renoue avec les vieux démons de la lutte des classes. Le film Ressources humaines s’en veut une illustration.
Pour seul exemple, le directeur de projet, sans référence horaire, verra normalement son salaire augmenter, et il prendra ses jours de RTT. Son assistante, en revanche, pourra rester aux 35 heures hebdomadaires, avec modération salariale. Autre effet pervers possible : l’accélération du turn-over pour les informaticiens. Ceux-ci, outre la qualité des projets, rechercheront la société qui leur offrira l’aménagement du temps de travail le plus intelligent et le plus respectueux des salariésChronique parue le 4 février 2000

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Anne-Françoise Marès, chef de la rubrique Emploi