Les sénateurs l’ont voté à l’automne dernier, les députés en discutent aujourd’hui. Les débats autour du projet de loi Création et Internet doivent arriver aujourd’hui au mécanisme proprement dit de la riposte graduée, qui est le cœur et la vocation de ce projet de loi contre le piratage. L’opposition, mais aussi certains députés de la majorité hostiles au texte, sont engagés dans une bataille d’amendement. Celle-ci s’est notamment traduite par le rejet de la licence globale (en commission des lois) ou d’un mécanisme d’amende à la place de la riposte graduée (amendement défendu par l’UMP Patrice Martin-Lalande).
A l’inverse, plusieurs dispositions à l’initiative de la majorité ont été adoptées. Par exemple, une amnistie pour des délits de contrefaçon commis six mois avant l’entrée en vigueur de la loi. Elle figure dans un amendement des députés UMP Alain Suguenot, Marc Le Fur et Michel Lezeau voté lundi. « En attendant que le présent projet de loi ne s’applique, il convient de suspendre les poursuites et d’amnistier les internautes qui auraient été condamnés pour de simples téléchargements. L’insécurité juridique est trop forte, et de tels revirements peuvent être préjudiciables pour l’autorité de la loi et de la justice », justifient les députés dans l’exposé des motifs de leur texte.
Cette amnistie ne s’applique cependant pas aux développeurs de logiciels permettant de pirater, seulement aux internautes qui téléchargent. De plus, «il ne saurait être question de couvrir ainsi les agissements de pirates informatiques qui se livrent à un véritable commerce parallèle, qui cassent les protections informatiques, et qui agissent en pleine connaissance de l’illégalité de leurs actes». Cet amendement a été voté contre l’avis du rapporteur Frank Riester et du gouvernement.
Un label pour les offres légales
En revanche, le même Frank Riester a fait voter un autre amendement détaillant la création d’un genre de « label Hadopi ». Cette idée a été introduite par les sénateurs dans le projet de loi. Elle consiste à donner le pouvoir à la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (la Hadopi), créée par la loi, d’attribuer à tel ou tel service de téléchargement une garantie de leur légalité.
Ce label ne serait pas obligatoire pour pouvoir proposer du téléchargement légal, mais le gouvernement espère que les sites concernés en fassent un argument commercial et compte donc ainsi encourager l’offre légale.
L’amendement de Frank Riester va plus loin. Il prévoit que les sites labellisés bénéficient d’un référencement privilégié dans les moteurs de recherche pour arriver en tête des réponses aux requêtes des internautes. C’est en quelque sorte un filtrage à l’envers. D’ailleurs, selon le même amendement, la Hadopi se voit attribuer un rôle d’évaluation des «expérimentations conduites, dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage, par les concepteurs de ces technologies, les titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés et les personnes dont l’activité est d’offrir un service de communication au public en ligne». Ce qui était aussi prévu dès l’origine du projet de loi.
Autre nouveauté, plus emblématique, la nomination du président de la Hadopi. Dans le texte voté par les sénateurs, ce président est élu par les neuf membres (dont lui) de l’autorité, choisis parmi les trois qui sont issus de la Cour des comptes, de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat. Un amendement a été voté qui instaure une nomination du président de la Hadopi par décret, c’est-à-dire par le pouvoir exécutif, toujours parmi les trois mêmes membres.
Estimant que la Haute Autorité perd là toute son indépendance, le socialiste Jean-Louis Gagnaire a suggéré un sous-amendement qui « vise donc à pousser jusqu’à l’absurde le raisonnement » : que le président de la Hadopi soit nommé directement par le président de de la République. Mais il ne l’a pas soumis au voix, considérant que c’était peut-être risqué !
En tout cas, pour contrebalancer ce poids de l’exécutif sur la Hadopi, le même amendement prévoit que quatre autres membres seront des personnalités qualifiées nommées par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Jusque-là, elles devaient être désignées sur proposition des ministres des Communications électroniques, de la Consommation et de la Culture.
Pour en savoir plus : le journal de la loi antipiratage
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