Passer au contenu

La rigidité est mère d’inefficacité

Il est possible d’augmenter temporairement le déficit, sans dépasser les 3 % du PIB, quand la faiblesse économique le nécessite, mais il faut que les États s’engagent à baisser leur déficit structurel…

Une inflation à 2 %, un déficit public/PIB à 3 %. Tels sont les deux seuls piliers de la politique économique de la zone euro. Est-ce bien raisonnable lorsqu’on connaît la complexité des enchaînements économiques, et la difficulté de les contrôler ? Comment peut-on demander à un pays de garantir une inflation de 2 % en plein choc pétrolier ou en pleine crise alimentaire ? De même, est-il possible de s’engager dans une politique budgétaire restrictive alors que la récession s’approche et, a fortiori, si elle a déjà commencé ? Évidemment, il est hors de question de laisser les États eurolandais s’engager dans une dérive inflationniste ou dans un dérapage incontrôlé du déficit public. Ce qui inévitablement réduirait la crédibilité de l’Union monétaire européenne, déjà bien entachée.Pourtant, il est évident que la politique économique de l’Euroland n’a cessé d’être inefficace depuis 1999. Ainsi, malgré un objectif unique d’inflation à 2 %, la Banque centrale européenne (BCE) a non seulement été incapable de garantir ce niveau, mais elle a également contribué à ralentir la croissance du PIB eurolandais. Parallèlement, malgré le rebond de l’activité française de 1998 à 2000, la France n’a pas réussi à réduire son déficit budgétaire structurel, ce qui lui a imposé un creusement de son déficit public dès que sa croissance économique a ralenti. Si bien qu’aujourd’hui la moindre mesure de pseudo-relance fait peser tous les risques sur notre déficit.

Imposer la transparence

La réponse à ces contradictions et à ces inefficacités tient en deux mots : pragmatisme et transparence. Aujourd’hui, la BCE semble fortement tentée par une remontée rapide des taux monétaires, même si elle sait pertinemment que l’inflation actuelle n’est pas due à un excès de demande, et que le resserrement de son étreinte étouffera dans l’?”uf la reprise de l’économie. À l’évidence, on ne peut plus laisser passer une telle incohérence. Il faut donc absolument amender les statuts de la BCE, de manière à intégrer un objectif intermédiaire de croissance économique, et à obliger notre chère Banque centrale à afficher les raisons explicites de ses décisions ainsi que l’état des votes au sein du conseil de politique monétaire.En ce qui concerne les comptes publics, une démarche similaire doit être adoptée. D’une part, les gouvernements doivent s’engager à jouer la transparence en matière de déficit prévisionnel. À cet égard, il ne faudrait pas que le prochain audit sur les finances publiques françaises fasse apparaître un déficit supérieur pour cette année à 2,2 % du PIB, alors que celui-ci était annoncé, il y a peu, par Bercy à 1,9 %. Ce qui, bien loin des querelles politiques, entacherait avant tout la crédibilité française.D’autre part, il faut afficher une règle du jeu claire, qui pourrait être la suivante : il est possible d’augmenter temporairement le déficit, sans dépasser les 3 % du PIB, lorsque la faiblesse économique le nécessite, mais, parallèlement, les États s’engagent à diminuer leur déficit structurel et à réduire leurs dépenses publiques lorsque la croissance économique dépasse 2,5 %. C’est seulement en adoptant une telle démarche que les pays eurolandais pourront relancer leur activité sans nuire à la crédibilité de la zone euro.Pour le cas particulier de la France, il lui appartient désormais d’indiquer qu’avec une croissance annuelle moyenne de 2,5 % pendant cinq ans, l’équilibre des comptes publics ne pourra être atteint avant 2007. Car mieux vaut jouer la transparence plutôt que de faire des promesses qu’on ne pourra pas tenir. Ne l’oublions pas : que cela soit en termes d’objectif d’inflation ou de ratio de déficit public/PIB, la rigidité est mère dinefficacité.*Chef économiste de Natexis Banques Populaires

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Marc Touati*