On ne dirait pas, mais cette rentrée se présente incroyablement bien. Une vraie rentrée des crasses, si vous me passez l’expression. En effet, pour la première fois, un texte officiel allège le travail des élèves dans une matière qui en fait souffrir des générations depuis Jules Ferry : l’orthographe. Non, il ne s’agit pas du énième projet pour simplifier l’accord du participe passé avec le verbe avoir, mais d’un texte qui autorise l’utilisation du correcteur orthographique. Vous savez, le logiciel Word qui souligne les fautes en rouge et les erreurs de grammaire en vert sur votre écran.La touche F7 pour les connaisseurs. Vous me direz, F7 n’est pas encore assez performante pour les ânes qui pensent que Louis XIV a révoqué Lady de Nantes, croient avoir découvert le poteau rose et écrivent que Citroën a inventé la traction à vent. Pour eux, Word ne peut rien. Quoique, remarquez, tous les ans, le logiciel fait des progrès. Désormais, dans sa version française, quand vous tapez Mickey l’Ange, il vous dit qu’il y a un problème… sur Mickey. Pour un truc fabriqué aux États-Unis par des programmeurs indiens, c’est quand même bien. Merci Bill.En dictée, donc, grâce à Bill, finie la bulle. En effet, le maniement de la touche F7 est l’une des épreuves que tous les élèves de collège devront maîtriser l’an prochain pour réussir le tout nouveau brevet informatique et internet, le B2i. Mine de rien, ce B2i est un tournant dans l’histoire de l’enseignement en France. Une vraie gifle à ces nigauds d’Américains qui pensent encore que notre pays est peuplé de profs barbus et frisés qui confondent le PC de Bill (Gates) et le PC de Bob (Hue) et le comité central avec l’unité centrale.Dès l’année prochaine, donc, pour décrocher le B2i, les petits Français devront savoir déplacer une souris, ouvrir et fermer un fichier, faire un ” copier-coller ” et expédier un e-mail avec une pièce jointe. En avant pour le prix d’Excel(lence) ! Vu de loin, on applaudit, mais voilà qui ne va pas arranger nos problèmes de fracture digitale. Déjà, au bureau, j’ai regardé, il y a la moitié du comité de direction qui n’a pas le niveau du B2i. Entre Jean-Alexandre, le PDG qui prend des cours particuliers d’internet depuis trois mois et qui n’a toujours pas réussi à lire la vidéo de Loana, et Loïc, le financier qui ne trouve pas la touche ” euro ” sur son clavier, on a un sacré problème de classes défavorisées. Surtout qu’à l’autre extrême surgissent des gars vraiment doués. Dans toutes les matières.Je ne parle pas du fils de John, le patron de la filiale US, qui, en plus de l’anglais et de l’italien qu’il a appris avec sa copine, parle le HTML et le Plsql à 12 ans. Non, je pense là surtout à Youssef, le jeune Essec de la holding. Il connaît par c?”ur l’organisation de la résistance au sein du monde Wintel à la fin du XXe siècle. Et au déj, hier, avec le DG de Kompek, il nous a sciés, juste avant le café : “Pensez-vous que le concept d’interfaçage va prendre le pas sur celui d’intégration ?” Grand silence. Jean-Pierre, notre DG, a bien essayé de relancer sur le thème : “Le socialisme libéral est-il un libéralisme social ?” Mais bon, ce n’est pas pareil…Évidemment, avec les bêtes à concours de ce genre, le risque est de voir débarquer le matin à la cafet’ des collègues qui vous lancent un : “Java bien, ce matin ? Tu y crois, toi, au modèle ASP ?” Ça peut énerver vite. Comme autrefois, au temps des films vidéo, où l’on rencontrait des ignares qui pensaient que Bruce Lee était un grand général sudiste et que les accords de Yalta avaient été signés par Churchill et Stallone. Ça vous fait rire ? L’autre jour, Jean-Do, le boss du marketing, a reçu un e-mail de sa femme en vacances en Corse : “Chéri, pense bien à fermer le portail demain.” L’autre a répondu : “Non, ne t’inquiète pas, on va d’abord faire un deuxième tour de table.” F7, au secours !
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