En France, l’idée émise par l’Adami (société civile de gestion des droits des artistes et musiciens) d’une ponction sur le chiffre d’affaires des FAI pour rémunérer les artistes lésés par le peer-to-peer avait fait
la quasi-unanimité contre elle. Depuis, le débat sur cette ‘ licence légale ‘ semble au point mort. Pourtant, l’idée fait son chemin et donne lieu à quelques variantes.Aux Etats-Unis, l’Electronic Frontier Foundation (EFF) a planché sur un
fonds de rémunération des auteurs alimenté par un droit d’accès aux réseaux peer-to-peer. L’association, qui intervient généralement sur les sujets de liberté
d’expression et de défense de la vie privée sur Internet, a publié le fruit de ses réflexions mardi. L’idée ? Pour 5 dollars par mois, l’internaute télécharge, échange, copie ses fichiers via n’importe quel logiciel.Les sommes ainsi collectées sont ensuite reversées aux ayants-droits, ‘ en fonction de la popularité de leur musique ‘ sur les réseaux. Les maisons de disques s’engagent alors à ne pas
poursuivre en justice les internautes. L’an dernier, l’EFF s’en tenait essentiellement à une
défense du peer-to-peer contre les maisons de disques. Cette année, elle en fait quasiment un moyen de revigorer le secteur de la musique.
3 milliards de dollars seraient récoltés par an
En se basant sur les 60 millions d’Américains adeptes de l’échange de fichiers musicaux, l’association fait un calcul simple : 5 dollars par mois par personne aboutiraient à plus de 3 milliards de dollars par an,
sans aucun frais à déduire, pas même de commission à reverser au distributeur.Voilà pour le principe. Les modalités, elles, restent ouvertes. La EFF propose par exemple que les internautes qui veulent télécharger (et seulement ceux-là) paient leurs 5 dollars par l’intermédiaire d’un site Web, ou au travers
de l’abonnement au FAI, qui reverserait ensuite la somme. Ou encore, les universités pourraient l’intégrer dans leurs frais d’accès au réseau pour les étudiants ou les éditeurs de plate-forme de peer-to-peer dans le prix de
leurs logiciels.Autre argument avancée par l’EFF : cette solution n’altère en rien le droit d’auteur tel qu’il existe, ne nécessite pas de modification de la loi et donc, pas de débats longs et stériles. Dans la foulée, les artistes indépendants
en mal de contrats pourraient même se servir d’Internet comme d’un canal de diffusion, tout en ayant l’assurance d’une rémunération. L’industrie de la musique quant à elle, pourrait revenir à un prix raisonnable du disque sachant qu’elle peut
compter sur le paiement de ce qui circulent sur le réseau.C’est donc un cercle vertueux qui se dessine là, peut-être un brin idéaliste puisqu’il ne prend évidemment pas en compte les préoccupations propres à l’industrie du disque. A savoir que ce genre de dispositif est une porte ouverte pour
les artistes au contournement d’une maison de disques et des distributeurs. Pas évident que l’EFF réussisse à convaincre ces derniers.
La Sacem canadienne y pense aussi
Mais le projet a une autre faille : il est basé sur le volontariat des internautes et des maisons de disques. Sauf que l’EFF ne dit rien de ceux qui refusent d’adhérer au système. La proposition ‘ ne
légalisera vraiment le téléchargement et la diffusion des ?”uvres que si 100 % des maisons de disques adhère au principe, ce qui me paraît impossible ‘, estime Guillaume Champeau, juriste et spécialiste des NTIC
expatrié au Canada, qui s’est penché sur le même sujet.Son argumentaire pour une
‘ licence de diffusion culturelle ‘ est beaucoup plus détaillé et technique, mais le principe de base est le même. Reste qu’il se veut beaucoup plus
pragmatique. Là où l’EFF propose une redevance mensuelle de 5 dollars, Guillaume Champeau préfère ne pas s’avancer. ‘ Par incompétence, puisque l’économie est un domaine très complexe à aborder et nous préférons ne pas
nous aventurer dans des approximations boiteuses, explique-t-il dans son exposé. Ensuite par prudence, puisqu’il s’agit là sans aucun doute du point qui sera le plus discuté voire déchiré entre les différents
acteurs. ‘Différence majeure avec le projet de l’EFF, la licence de diffusion culturelle ne pourrait se mettre en place que dans un nouveau cadre légal, et nécessiterait des modifications réglementaires à des niveaux européens et
internationaux.Si tout cela ne forme pour l’instant que de beaux projets sur papier, l’idée de l’Adami en ressort ‘ moins farfelue qu’elle n’en avait l’air ‘. D’autant qu’en décembre dernier, la Sacem
canadienne elle-même, la Socan, est allée devant la Cour suprême soutenir son propre projet de redevance sur le peer-to-peer. Sous le nom de ‘ Tarif 22 ‘, celui-ci s’apparente en fait au mécanisme de
copie privée, sans volonté de légaliser les échanges pirates. La proposition de la Socan repose sur le prélévement dun droit auprès des FAI, note Guillaume Champeau. ‘ Les chances sont donc assez faibles pour que le Tarif 22
soit admis par la Cour suprême, mais nous ne le saurons vraiment que dans plusieurs mois. ‘
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