Le déploiement d’outils de surveillance de la qualité de service (QoS) n’est pas une fin en soi. Pour l’entreprise comme pour l’opérateur, ce qui est essentiel, c’est d’améliorer les services visibles par l’utilisateur. Il est alors recommandé d’adjoindre aux programmes de QoS une démarche d’anticipation – technique et juridique – si l’on veut obtenir des résultats mesurables en ce qui concerne la satisfaction des clients utilisateurs.
Une vérification du réseau est indispensable
L’exemple de la Caisse d’allocations familiales est, à cet égard, édifiant. A chaque rentrée universitaire, les demandes d’allocations logement des étudiants saturaient ses services . La mise en place de serveurs Internet (www.caf.fr) a progressivement amélioré la qualité du service fourni. Ce premier pas a conduit l’organisme à réfléchir à l’unification de ses modes de contact avec ses différents interlocuteurs. L’installation et l’exploitation d’outils de gestion de la qualité de service doivent, dans ce cadre, permettre d’absorber des variations importantes de trafics hétérogènes (Web, Minitel ou Audiotel). Elles visent aussi à corriger des engorgements inexpliqués survenant sur le réseau étendu. ‘ La mise en place d’une stratégie de qualité de service passe d’abord par le réglage fin des routeurs, par l’étude des files d’attente individuelles et par des combinaisons de paramétrages ‘, explique André Seignon, responsable réseau au Certiam, le centre serveur des Alpes-Maritimes des CAF. Associé à ses collègues du site lyonnais, André Seignon a ainsi vérifié les éléments susceptibles de garantir les temps de réponse des flux croisés entre les CAF et les centres serveurs. Sur ces liens distants, les flots interactifs SNA (IBM) et DSA (Bull) restent prioritaires par rapport aux traitements par lots (FTP). Compte tenu de l’augmentation du volume des flux IP, une nouvelle réflexion architecturale s’impose donc, afin de généraliser l’usage du protocole IP sur le réseau étendu. Le déploiement d’outils de QoS permettra de redimensionner la bande passante en agissant sur les équipements d’interconnexion.
S’adapter aux priorités de l’entreprise
Cependant, les équipements du réseau local et ceux du réseau étendu travaillent encore peu de concert pour offrir une bande passante prévisible aux applications stratégiques de l’entreprise. Une hiérarchisation des flux de données se met alors en place sur chaque lien étendu.
La qualité de service progresse vers les couches hautes, au niveau des applications. ‘ Il faut vérifier chaque couche une par une, insiste André Seignon. Au niveau du transport des données, des injecteurs de trames nous aident à mesurer les temps de réponse. A l’avenir, l’approche DLSw fera remonter le protocole propriétaire au plus près du site central. Mais, il y a des adaptations à faire, et la configuration des routeurs, notamment, semble délicate à généraliser ‘, reconnaît-il.
Lorsque des flux IP encapsulent le trafic SNA, cela économise le nombre de sessions ouvertes, mais oblige à renoncer aux mécanismes de QoS propres à l’architecture SNA, d’IBM. En fonction des réponses à l’appel d’offres actuel, le Certiam vérifiera particulièrement l’interopérabilité des routeurs et les mécanismes QoS implémentés : ‘ Même si peu de RFC définissent la QoS, les fabricants de routeurs sont parfois tentés par des implémentations personnelles ‘, ajoute André Seignon.
Cet exemple démontre que l’analyse des tendances du réseau est une composante insuffisante pour progresser. Pour que la qualité du service offert soit correcte, l’opérateur doit assumer sa part de responsabilité. ‘ Les outils de contrôle de la qualité de service deviennent obligatoires pour instaurer la confiance avec le client, confirme Rémi Bruneau, directeur des études de 9 Telecom. Selon l’abonné, et service par service, nous fournirons à notre clientèle – dès le deuxième trimestre de l’an 2000 – un outil de contrôle, sur l’Extranet, pour lui permettre de vérifier notre facturation et nos niveaux de performances. ‘
Classifier et établir des priorités pour optimiser
La transparence des opérateurs est essentielle. ‘ Nous proposons trois classes de services sur notre réseau de transport Frame Relay, explique Vincent Logerot, responsable du support des réseaux à relais de trames de France Télécom. Il s’agit d’une classe LAN, d’une classe SNA et d’une classe Multimédia pour la voix. A chaque classe, nous attribuons des paramètres distincts : la priorité (CIR) et le mode rafale (EIR). Pour la voix, le mode rafale n’est pas primordial puisque la bande passante reste stable. On limite donc le trafic voix à 1,5 fois le minimum garanti (1,5 fois le CIR). La voix est compressée à 6 kbit/s, mais son besoin en bande passante (overhead incluse) atteint 8 kbit/s. ‘ Des canaux Frame Relay de 16 kbit/s permettent donc de véhiculer deux conversations simultanées. ‘ En fonction du besoin, on prend des CIR de 8, 16 ou 32 kbit/s par destination ‘, confirme Vincent Logerot.
Les Frad (Frame relay access devices) – équipements d’accès Frame Relay d’origine CS ou Motorola – acceptent une supervision en temps réel. ‘ Cela apporte une vision globale de l’infrastructure dont le client peut bénéficier avec les services clients, à partir d’un navigateur Web ‘, ajoute Vincent Logerot. Pour Colt, la qualité de service s’exprime à travers deux services Frame Relay aux SLA (Service level agreements) différents en matière de délai de transfert et de taux de perte de cellules. Les meilleures QoS ont été affectées aux flux SNA et voix. Mais le client n’a pas encore la vision globale de ces flux. Siris suit la même logique en reliant les flux applicatifs aux classes de services Frame Relay de leur Frad d’origine Motorola. Ces équipements autorisent la fragmentation des trames, ce qui est primordial dans le cas des applications voix-données. Les mécanismes de classification et de prioritisation des paquets sont employés de telle sorte que la qualité de service affectée aux flux voix soit optimale. Enfin, une fonction de type Trafic shaping permet de lisser le trafic.
Avant de déployer des outils QoS, quelques étapes intermédiaires semblent nécessaires. La mise en place passe par un plan d’assurance qualité. Il convient ensuite de mener une étude des flux et de leur évolution, puis de déterminer les bons indicateurs de suivi de la qualité des services.
Cette préoccupation concerne nombre d’organismes, puisque la normalisation de ces indicateurs progresse grâce aux travaux européens de l’Etsi et d’Eurescom (groupe de travail Quasimodo), ainsi qu’au sein du Frame Relay Forum. Lors de l’analyse, la segmentation par protocole peut se révéler insuffisante. En effet, des applications HTTP d’importance variable peuvent désormais cohabiter. L’entreprise vérifiera ensuite que les logiciels de QoS envisagés prennent bien en compte ses indicateurs de qualité et que, le cas échéant, ils sauront aussi s’insérer correctement dans la plate-forme d’administration déjà en place.
Une planification au choix des outils
A la frontière avec l’opérateur, les priorités deviennent multiples et complexes. ‘ Les petits sites acceptent des coupures dans certaines limites, tandis que le site central n’en tolère aucune, explique Vincent Logerot. La continuité de service, devenue très importante, requiert des engagements forts tels qu’une garantie de temps de rétablissement, qui s’applique souvent au site central. ‘ Dès lors, un contrat SLA, ou contrat de niveau de service, devient indispensable dans l’évolution des relations avec les opérateurs. Ces derniers s’engagent à fournir au client un certain niveau de service. La construction de cet accord reste empirique et difficile, car il faut concilier le langage des juristes et celui des ingénieurs. Le SLA précise ce que souhaite le client et ce que le prestataire est prêt à mettre en ?”uvre pour y satisfaire. Il stipule les qualités standards du service considéré et organise un système de comptes rendus.
Idéalement, le SLA devrait être à géométrie variable entretenue au gré d’une relation perpétuelle entre les parties. Lors de l’ébauche du contrat d’externalisation, il faut vérifier les matières pouvant être couvertes par le SLA comme la description des standards de qualité et des conséquences en cas d’échec de l’opérateur à respecter ces standards. Autre point important : la mise en ?”uvre d’une réparation en cas de défaillance technique ou de catastrophe naturelle. La rigueur impose de donner une forme écrite au SLA en spécifiant les procédures et les caractéristiques techniques propres à chaque type de service. En annexe, on établira une description de la qualité de service (objectif, niveau minimal, niveau inacceptable…) et on détaillera le but du SLA, les services applicatifs, les méthodes d’évaluation de la QoS, la procédure et le calendrier du reporting. La part de responsabilité revenant au client, les descriptions et évaluations des conséquences liées à l’absence de performances et la procédure de résolution des litiges seront fixées. Les clauses relatives à la responsabilité du prestataire seront envisagées globalement. Enfin, comme tout accord à caractère commercial, le SLA devra envisager son terme, ordinaire ou pour rupture de contrat, et les conséquences de celui-ci. Outre la mise en place d’un système d’indemnisation de la partie lésée, il s’agit de prévoir les mesures d’accompagnement de la migration du système du client vers un autre système. Ce point est important car la réalisation d’un tel scénario prend généralement plusieurs mois.
Un outil pour contenir les dépenses
Lorsqu’une entreprise telle que le groupe JPG (équipements de bureau) constate le succès de son site NetCommerce, elle mesure très vite le coût de son indisponibilité. ‘ La réflexion financière décide vite le client à s’équiper en dispositifs redondants et en outils de mesure de la QoS ‘, confirme Olivier Manier, responsable groupware de l’intégrateur Hommes & Systèmes.
La mesure en temps réel des équipements du réseau présente des avantages mais aussi des contraintes, comme une légère perte de bande passante. Elle aide surtout à élaborer des rapports SLA pertinents avec l’opérateur. De plus en plus souvent, ces outils de mesure aident à redimensionner les liens WAN, ce qui accélère leur retour sur investissement.
Des choix, en partie technologiques
‘ Avec une visibilité sur tous les trafics WAN, les problèmes au-delà du routeur apparaissent clairement. L’analyse peut être conduite jusqu’à la couche 7. Si on identifie les trames ICA d’un serveur Citrix retenu pour partager un progiciel de gestion, on peut même distinguer entre les modules paie et finance d’une application Oracle ‘, explique Daniel Cousy, responsable pour l’Europe du Sud de l’éditeur NetReality.
Pour l’entreprise, les choix sont en partie technologiques : l’analyse des infrastructures de l’opérateur retenu en termes de performances, de disponibilité et de garantie de QoS est indispensable. D’autre part, il faut gérer la relation avec ses prestataires réseaux en employant les meilleurs garde-fous commerciaux et juridiques.
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