Le Commissaire européen s’apprête à défendre une série de mesures qui renforcent la protection des internautes. Il explique au Nouvel Hebdo combien sa stratégie va à l’encontre de la réglementation en vigueur aux États-Unis, premier marché mondial de l’e-commerce.Une modification de la réglementation sur le spamming [l’envoi d’e-mails en nombre, ndlr], doit être proposée au Parlement européen en juin prochain. Quelles sont ses chances d’être adoptée ? Il n’y a pas de consensus parmi les Quinze. À l’instar des États-Unis, le gouvernement britannique est favorable à l’opt-out. Ce qui signifie que si vous ne souhaitez pas recevoir de courrier non sollicité, vous devez envoyer un e-mail. À Noël dernier, j’ai essayé cette méthode à partir de mon adresse e-mail personnelle. Après m’être connecté à différents sites, j’ai été assailli d’e-mail en spam. J’ai donc écrit à chacune des entreprises pour qu’elles cessent leurs envois. Une seule m’a contacté, cinq n’ont rien fait. Cela ne fonctionne pas. Et les citoyens en ont assez que leur ordinateur personnel soit agressé. En plus, cela représente un temps supplémentaire de connexion, qu’il leur faut payer. Les lois allemande, finlandaise, italienne et néerlandaise sont en faveur de l’opt-in. Une formule que je préfère et qui exige que l’on pose la question à l’internaute de savoir s’il désire par la suite recevoir des courriers. S’il refuse, l’opérateur ne peut plus alors utiliser votre adresse. De quelle manière le suffixe ” .eu ” contribuera-t-il à protéger le consommateur ? Chaque société qui utilisera ce suffixe devra respecter la loi européenne sur les données privées, qui est particulièrement protectrice pour les consommateurs. C’est un atout compétitif pour les entreprises européennes, car je suis sûr que les citoyens consommateurs seront plus attentifs au respect de leur vie privée. Pour ce faire, il est indispensable de doter le ” .eu ” d’une base légale, qui sera acceptée par le Conseil et le Parlement. Mais la Commission ne peut pas gérer directement ce suffixe. Il faudra en confier l’exploitation à une organisation externe.Quel est l’avenir de la taxation des produits vendus sur internet? Aux États-Unis, le commerce électronique est exonéré d’impôts sur le chiffre d’affaires (sales tax) qui se situent, selon les États, entre 5 à 8 % dans le commerce traditionnel. Si vous achetez un disque sur un site américain, vous ne payez pas de taxe. Si vous l’achetez chez un opérateur européen, vous payez l’impôt. Cette distorsion n’est pas tenable. Nous proposons un système neutre obligeant les sociétés non-européennes à s’enregistrer dans un des États membres dans lequel elles pourront facturer des impôts. Quelle leçon doit-on tirer du jugement interdisant à Yahoo de présenter des objets nazis sur son site ? Je suis favorable à l’établissement d’une convention européenne qui définirait ce que nous considérons comme un contenu illégal. Aux États-Unis, cela serait impossible puisque la Constitution impose la liberté d’expression. On travaille actuellement au sein du Conseil de l’Europe à la rédaction d’une liste de thèmes interdits. Seul sujet de consensus à ce jour : l’interdiction des images et des propos pédophiles. En ce qui concerne la compétence du juge sur ce qui est diffusé sur la toile, il est évident qu’il ne peut y avoir une loi valable pour les contenus en ligne et une autre pour ceux qui ne le sont pas. Le manque de main d’?”uvre se fait cruellement sentir dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Comment l’Europe peut-elle résoudre cette pénurie ? Je suis toujours prudent en matière d’estimation en ce qui concerne le marché du travail. Car tout dépend du cycle économique. Ainsi, on parlait de 800 000 postes non pourvus en Europe dans les métiers des nouvelles technologies. Or, il y a deux semaines j’étais dans la Silicon Valley où l’on voit le changement de situation après la surchauffe observée dans ce secteur. Même si on a toujours besoin de personnel qualifié. Dans de nombreux pays européens la politique des réfugiés est la base de la politique d’immigration selon laquelle chacun doit avoir les mêmes chances. Aux États-Unis, on est un peu plus cynique puisque l’immigration est réservée en priorité aux personnes qualifiées qui, de surcroît, parlent anglais. Et l’accès vous est refusé si vous n’avez pas les qualifications nécessaires. L’Europe a besoin d’attirer des talents. Mais nous devons le faire en commençant par ouvrir nos universités aux étudiants étrangers.
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