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La propulsion nucléaire spatiale au secours des voyages vers Mars… et au delà !

En signant avec le Darpa pour le développement d’une fusée à propulsion nucléaire, la Nasa cherche un moyen de faciliter les voyages vers Mars… Et le reste de la galaxie ? Réponse de la viabilité du projet lors du premier lancement de test d’ici (au minimum !) quatre ans.

Le nucléaire n’est pas qu’en grâce dans la production d’énergie : alors que les tensions énergétiques liées à l’invasion de l’Ukraine ont relancé de nombreux programmes civils, voici que la puissance de l’atome pourrait enfin aller dans l’espace. La Nasa a en effet annoncé collaborer avec l’agence technologique militaire américaine (Darpa) pour le développement d’une fusée nucléaire spatiale via le projet DRACO (Demonstration Rocket for Agile Cislunar Operations, ou « fusée de démonstration pour des opérations agiles au sein de la zone terre-lune » en français). Une propulsion dont la puissance théorique a un premier but affiché dans le tweet de la Nasa : envoyer la première mission habitée vers la planète Mars.

https://twitter.com/NASA/status/1617906246199218177?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1617906246199218177%7Ctwgr%5Ec084dbc8019ef7e016e60ce4481acb4e9b7c3a47%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fbo-pic-franceinfo.francetelevisions.tv%2F

Car si la Lune a beaucoup occupé les esprits avec le succès récent de la mission Artemis – qui devrait mener à un retour de l’homme sur la Lune – la planète rouge reste au cœur des fantasmes. Ceux d’Elon Musk d’une part, mais aussi ceux de la Nasa qui travaille depuis des décennies à sa conquête. Une planète qui soulève de nombreux défis que le moteur nucléaire thermique pourrait aider à relever.

Le temps, ennemi des voyages vers Mars

Vue d’artiste d’un vaisseau habitable à propulsion nucléaire capable de transporter une équipe entre la terre et mars. © Nasa
Vue d’artiste d’un vaisseau habitable à propulsion nucléaire capable de transporter une équipe entre la terre et mars. © Nasa

Avant de parler du moteur, considérons pourquoi il est important de le concevoir : le temps. Alors que la Lune est située à une distance fixe de 384.400 km, Mars est en moyenne à 225 millions de kilomètres de nous – 56 millions au périgée, 405 millions à l’apogée (et les lancements spatiaux ne se font pas en ligne droite !). Déjà que les voyages lunaires sont des défis techniques, ceux vers Mars sont une autre paire de manche. Et deviennent encore plus difficiles quand on ambitionne de mettre des hommes à bord.

Outre l’atterrissage, dont nombre de missions ont déjà fait les frais, la difficulté des voyages habités vers mars est liée au temps de trajet. Un temps qui oscille aux alentours de 180-200 jours, au mieux. Combiné au temps d’exploration et de retour (un voyage d’environ trois ans !), cette durée pose deux problèmes fondamentaux : la protection de la santé physique liée aux radiations spatiales et la protection de la santé mentale d’humains coupés de leur monde pendant des périodes prolongées. Réduire cette durée est donc capitale pour la réduction des risques. Et c’est là que l’atome intervient.

Un moteur plus efficace que les moteurs chimiques

Modélisation d'un système de propulsion nucléaire thermique (NTP) © Nasa
Modélisation d’un système de propulsion nucléaire thermique (NTP) © Nasa

L’énergie atomique est envisagée par la Nasa sous deux formes : un moteur nucléaire électrique et un moteur nucléaire thermique. C’est sur ce second type de motorisation que l’agence spatiale collabore avec le Darpa. Un tel moteur fonctionne en transférant la chaleur du réacteur nucléaire à un propulseur liquide. La chaleur transforme le liquide en gaz, lequel va ainsi se dilater pour être expulsé au travers d’une buse produisant la poussée. Une poussée qui s’avère, dans le cas du réacteur nucléaire, à la fois plus importante et plus efficace (au moins trois fois !) que celle des moteurs chimiques.

Lire aussi : Pourquoi la NASA et l’ESA parient sur RISC V pour leurs futures puces de l’espace (sept. 2022)

Un coup double puisque cela permet d’alléger la masse du carburant de la mission, que la Nasa estime entre 850 et 1250 tonnes. Et cela pourrait aussi (et surtout) réduire le temps de trajet des humains vers mars à seulement 100 jours. Voire 45-50 jours dans le cas d’un moteur bimodal qui conjuguerait le moteur nucléaire thermique et le moteur nucléaire électrique – moins puissant, mais pouvant apporter une poussée constante longue durée.

Une propulsion qui renaît de ses cendres

Cette photo prise en 1964 montre des techniciens de la Nasa travaillant sur le réacteur Kiwi-B1, première itération de moteur à propulsion nucléaire thermique. © Nasa
Cette photo prise en 1964 montre des techniciens de la Nasa travaillant sur le réacteur Kiwi-B1, première itération de moteur à propulsion nucléaire thermique. © Nasa

Que la solution retenue soit mono ou bimodale, le moteur nucléaire a sur le papier des avantages très importants sur la propulsion chimique. Mais il présente aussi des risques, que l’Humanité n’a pour l’heure jamais réussi à dépasser. Que ce soit pour des raisons techniques ou politiques. Côté technique, c’est évidemment le matériau fissible qui pose les premiers problèmes. Point de « gentilles » concentrations civiles : espace oblige, le poids est capital dans la conception des engins. Ce sont donc des matériaux militaires hautement enrichis qui sont sélectionnés. C’est d’ailleurs la raison qui a poussé la Nasa à se greffer au projet du Darpa. Qui reste le maître d’œuvre et le seul à être capable de se fournir en matériau radioactif de cette qualité.

Le moteur de propulsion nucléaire thermique "Nerva" (un lien avec le Nerv d'Evangelion ?) pose les bases du fonctionnement de ce type de propulsion. © Nasa
Le moteur de propulsion nucléaire thermique “Nerva” (un lien avec le “Nerv” d’Evangelion ?) pose les bases du fonctionnement de ce type de propulsion. © Nasa

Par le passé, Américains et Soviétiques ont tous travaillé sur la propulsion nucléaire. Le projet américain Orion des années 50 et 60 cherchait à utiliser la puissance des explosions (!) pour propulser un vaisseau dans l’espace. Un projet qui a fini par être enterré à la suite des premiers traités d’interdiction partielle des essais nucléaires au début des années 60. Le moteur le plus proche de celui en développement est aussi américain. Appelé Nerva (Nuclear Engine for Rocket Vehicle Applications), ce projet a pris le relai d’Orion entre 1960 et 1972. Ce moteur nucléaire thermique était déjà pressenti pour assurer la propulsion vers Mars, mais la fin du programme Appolo a signé sa mort… et il aura fallu attendre début 2023 pour voir la résurrection effective de cette technologie.

Lire aussi : Fusion nucléaire : bientôt une annonce capitale pour le futur de la production d’énergie ? (déc. 2022)

Dans le cas où ce moteur nucléaire de propulsion devient une réalité, cette « première » du nucléaire dans l’espace ne le sera que pour la propulsion haute puissance. Car cela fait un moment que l’on envoie des générateurs thermoélectriques à radioisotope (RTG) dans l’espace. Ce sont ces dispositifs – fonctionnant à base de plutonium (USA, Russie) ou d’américium (Europe) – qui équipent depuis des décennies les sondes comme Cassini ou les rovers comme Persévérance. Et permettent d’assurer propulsion de faible intensité et/ou alimentation électrique (qui peut, par l’alimentation de batterie, assurer indirectement la propulsion aussi).

Il ne reste plus qu’à attendre quatre années pour le premier vol de test de DRACO, prévu pour 2027. Si tout va bien !

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Source : Nasa


Adrian BRANCO