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La première école du net s’est habillée pour la crise

Un cursus prometteur mais des partenariats à inventer : l’IAAI de Marseille est en rodage. Première étape d’un tour de France des pôles spécialisés.

Stéphanie Fort et France Marie ne connaissent guère des mathématiques que leur application à l’économie, et n’ont jamais suivi de cours d’architecture des réseaux de leur vie. Les deux jeunes femmes ?” la première venue d’une maîtrise de Langues étrangères appliquées (LEA), la seconde d’un DEA d’économie ?” ont pourtant intégré l’Institut des applications avancées de l’internet de Marseille (IAAI), un cursus d’ingénieur en deux ans, ouvert à la rentrée 2001, matrice de la première “école de l’internet” française (*).

Des vertus du terrain…

Prolongement d’une vieille idée de “grande école des réseaux et des télécoms”, voulue par un lobby de capitaines d’industrie d’origine marseillaise ?” Jean Peyrelevade et Serge Tchuruk en tête ?”, l’IAAI a été soutenue par les autorités locales, soucieuses d’accompagner le virage high-tech de Marseille, et par l’État, Lionel Jospin ayant donné son aval au projet en juillet 2000. Entretemps, une étude de faisabilité est réalisée par Claude Gueguen, directeur scientifique au Groupement des écoles de télécoms (GET), qui sonde le tissu industriel local, et jauge les compétences sollicitées, tant par les jeunes start-up de la pépinière marseillaise Belle de Mai, que par les opérateurs télécoms, largement présents dans la cité phocéenne. “Le contexte local plaidait pour une école fondée sur les applications et les usages à venir du réseau, raconte Claude Gueguen. D’où la création d’une formation d’ingénieurs hybridant compétences techniques et connaissances socio-économiques : marketing, ergonomie, droit…”De fait, le cursus définitif, outre 22 semaines de stages, mêle sciences “dures” et “molles”, des cours de modélisation ou de codage tutoyant des modules sur les interfaces homme-machine ou encore la communication professionnelle. Le tout complété, en deuxième année, par un choix entre trois options, calées sur les débouchés prévisibles en région : “Logistique et transports intelligents” (pour pourvoir aux besoins de l’industrie portuaire marseillaise), “Ingénierie et industrie des contenus” (qui veut accompagner le développement de l’industrie du multimédia) et “Commerce électronique et entreprise”.“Les cours de sciences humaines nous rendent plus aptes à dialoguer avec les commerciaux, à parler le même langage que les utilisateurs”, note Lionel Mounier, l’un des 22 étudiants de l’IAAI, qui apprécie “la diversité des profils retenus à l’école”. Las ! Le parcours de ses copines “littéraires”, Stéphanie et France, risque de faire figure d’exception. Longtemps très réservée sur l’école, la Commission des titres d’ingénieur (CTI) a finalement délivré son agrément le 9 avril, à condition que l’école n’intègre que des étudiants issus des sciences dures ! “C’est une déception, confesse Alain Clainchard, directeur de la formation, mais on ne peut aller outre : sans l’habilitation de la CTI, l’école serait en mauvaise posture.” Prévue pour fonctionner avec un budget de 9 millions d’euros (en plein régime, c’est-à-dire 150 étudiants par promotion), l’IAAI est financé pour moitié par les quatre universités d’Aix-Marseille et le GET, et pour l’autre par un cortège d’industriels et par des contrats de recherche… encore à finaliser !

… aux vices du contexte

Avec l’éclatement de la bulle internet, et le resserrement des besoins en recrutement dans le secteur high-tech, les bailleurs de fonds ne se bousculent pas au portillon (voir ci-contre) : sans l’agrément du CTI, il eut été illusoire d’espérer renverser la tendance. Pour l’heure, l’école joue donc la prudence : en attendant ses locaux définitifs (en 2005, face à la gare Saint-Charles, au milieu du futur quartier d’affaires Euroméditerrannée), elle a démarré modestement : 2 000 m2 de locaux en réhabilitation, deux profs à plein-temps (ils devraient être 50 à terme !), et des projets de plateformes technologiques, de formation continue, d’e-learning et surtout de recherche, prévus au plus tôt pour la rentrée 2002 avec l’inauguration officielle de l’école, et plus sûrement en 2003. “L’école est un pari, concède son directeur, Jacques Labetoulle, mais vue la pénurie d’ingénieurs en France et l’originalité de la pédagogie, très pratique, j’y crois vraiment !”. Le contraire eut été inquiétant…
(*) L’IAAI recrute sur dossier et entretiens, au niveau maîtrise ou après une ” propédeutique ” (cours spécialisés suivis en parallèle d’une licence scientifique). Renseignements et dossier d’inscription sur www.iaai.fr

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Sophie Janvier-Godat