Comme le révèle le site américain Gothamist, la police de New York (NYPD) a reconnu avoir utilisé un logiciel de reconnaissance faciale pour rechercher et interpeller un militant du mouvement Black Lives Matter. Ce dernier est accusé d’agression contre un agent après lui avoir crié dans l’oreille avec un mégaphone, lors d’une manifestation.
Retrouvé grâce à une photo Instagram
Le 7 août dernier, la police new-yorkaise a envoyé une dizaine d’agents, dont certains en tenue anti-émeute, chez Derrick Ingram, 28 ans, activiste très impliqué dans le mouvement anti-raciste aux États-Unis, né après la mort de George Floyd. La confrontation avec la police a été retransmise en direct par le militant sur Instagram. Pendant l’interpellation, il demande alors plusieurs fois aux agents de fournir un mandat de perquisition. Les policiers refusent, raconte le site américain. De nombreux manifestants affluent alors devant le domicile de Derrick Ingram, en signe de soutien. La police finit par se retirer. Le lendemain, le militant se présente finalement de lui-même aux forces de l’ordre.
Pourquoi cela pose problème ? D’abord du fait de la disproportion de l’opération de la NYPD : le nombre, l’équipement, le déroulement contre le fait reproché à Derrick Ingram. Ensuite, le mode de l’enquête. Le jour de la confrontation, FreedomNewsTV, présent sur les lieux, a réussi à filmer un des documents sur lesquels la police s’est s’appuyée pour retrouver le militant : il s’agirait d’une de ses photos publiées sur Instagram. Pour ne laisser aucun doute, le titre du document est le suivant : « Facial Identification Section Informational Lead Report » (en français, rapport d’information provenant du responsable de la section d’identification faciale).
« Nous devons être très prudents »
Une semaine après, la police a confirmé au site Gothamist qu’elle avait utilisé la reconnaissance faciale pendant l’enquête. « La NYPD utilise la reconnaissance faciale comme un outil d’enquête limité, comparant une image fixe d’une vidéo de surveillance à une base de photos d’arrestation détenues légalement », a déclaré un porte-parole.
Or, la photo de Derrick Ingram semble avoir été prise sur les réseaux sociaux. La correspondance est criante (voir les photos ci-dessus). Donc, si cette photo « privée » faisait effectivement partie de cette base de recherche, cela constituerait une violation de la politique de la NYPD, puisqu’il ne s’agit ni d’une image fixe d’une vidéo de surveillance ni d’une photo d’arrestation. Face à l’indignation générale, le maire de New York Bill de Blasio a déclaré, lui-aussi au Gothamist, que son bureau réexaminerait les normes d’utilisation de la reconnaissance faciale par la police.
« Nous devons être très prudents et très limités dans notre utilisation de tout ce qui concerne la reconnaissance faciale. Les normes doivent être réévaluées. Je m’en chargerai avec mon équipe et avec la NYPD », a-t-il annoncé.
Un recours massif à la reconnaissance faciale
Depuis 2011, la NYPD utilise un logiciel de reconnaissance faciale pour identifier les suspects. En 2019, selon les chiffres du ministère américain de la Justice, 9 850 requêtes ont été faites sur ledit logiciel. Résultat : 2 510 « correspondances possibles » ont été trouvées.
Mais, les chiffres officiels sont contestés. Un rapport publié par le site BuzzFeed News datant de février a révélé que la NYPD avait effectué plus de 11 000 recherches de reconnaissance faciale à l’aide de la technologie de la firme controversée Clearview AI – ce que la police a nié.
Une loi pour interdire la reconnaissance faciale ?
Le maire de New York a déclaré cette semaine que la NYPD allait « se dispenser » d’utiliser la reconnaissance faciale, rappelant que cette technologie n’était jamais utilisée pour « miner ou affecter l’expression publique ou la protestation publique ». Dans l’affaire de Derrick Ingram, l’activiste est accusé d’avoir crié dans l’oreille d’un officier avec un mégaphone au cours d’une manifestation en juin, ce qui, selon la NYPD, a causé « une déficience auditive prolongée », en plus de la « douleur ».
Le sénateur de l’État de Manhattan, Brad Hoylman, qui a proposé un projet de loi visant à interdire l’utilisation de la reconnaissance faciale par la police de New York, a déclaré que l’affaire était « une preuve supplémentaire que le fait de permettre à [la police] d’établir sa propre politique n’aboutit à aucune protection significative pour les New-Yorkais », comme le rapporte The Gothamist.
Quant à Derrick Ingram, il a déclaré que les activistes étaient « spécifiquement ciblés par cette technologie à cause du motif des protestations et parce [qu’ils essayent] de déconstruire un système dont la police font partie ». Il a ajouté : « C’est un gaspillage de l’argent des contribuables et de l’argent qui pourrait être réaffecté à des gens en difficulté dans toute la ville. »
Sources : Gothamist, FreedomNewsTV via The Verge
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