Le premier avril, l’une des toutes premières places de marché mondiale, tous secteurs confondus, étendra sa toile, qui couvre déjà les cinq continents. L’enjeu est clair pour chacun des 53 groupes de distribution membres de WWRE (World Wide Retail Exchange) : réduire encore leurs coûts d’approvisionnement.” Pour faire partie des fondateurs, la barre avait été placée à 15 milliards de dollars (soit 16,8 milliards d’euros) de chiffre d’affaires. Elle a ensuite été abaissée à 5 milliards de dollars. Et bientôt, elle se situera à 1 milliard de dollars. “ Taha Husseini, le directeur de la gestion transversale du groupe Casino, déroule en termes financiers la courte histoire de World Wide Retail Exchange. En charge, pour le groupe français, de définir la stratégie d’e-procurement (approvisionnement en ligne), il a participé, dès l’origine, au projet.Lancée en mars 2000, il y a tout juste un an, la place de marché du secteur de la grande distribution a d’abord réuni 17 fondateurs parmi le gratin de la distribution mondiale. Outre les français Auchan et Casino, on retrouvait notamment, côté américain, Albertson’s, J. C. Penney, Kmart, Safeway et Target, pesant chacun plus de 35 milliards d’euros de chiffre d’affaires et, côté européen, le hollandais Royal Ahold, plus de 52 milliards d’euros et le Britannique Tesco, plus de 33 milliards d’euros.À ces géants généralistes, se sont joints, par la suite, des spécialistes : Gap pour l’habillement, Toys R Us pour le jouet, ou encore Dixons pour l’informatique. Des groupes de dimension plus réduite ont aussi été intégrés, et concourent à la présence de membres de WWRE sur tous les continents.Au total, lorsque le processus d’adhésion a été suspendu, au mois de novembre 2000, WWRE comptait 53 membres, totalisant un chiffre d’affaire cumulé de plus de 810 milliards d’euros, et une puissance d’achat de plus de 670 milliards d’euros. Claude Palmieri, directeur d’Auchan Interactive, annonce l’étape suivante : “WWRE est déjà opérationnelle dans le monde entier. Désormais, elle sera ouverte à tous types de distributeurs.”
Priorité à l’égalité
Les grossistes pourraient, par exemple, faire leur entrée aux côtés de groupes qui, jusque-là, vendaient directement au consommateur. La course au gigantisme ne participe pas, pour autant, d’une démarche hégémonique. Au contraire, chez Casino, Taha Husseini n’hésite pas à parler, non sans une pointe d’humour, d’approche “libertaire et égalitaire”.Priorité a en effet été donnée à l’égalité de traitement des membres, quelle que soit leur taille, ou leur date d’adhésion. Certes, les fondateurs se sont ménagé 5 % du capital chacun. Mais tous les nouveaux entrants se voient dotés d’une participation, même minime, au capital de la place de marché. En outre, tous ont accès aux mêmes services, aux mêmes prix.“Le pari qui sous-tend WWRE est celui de la mutualisation de l’outil technologique, ce qui a, d’emblée, permis de réduire les coûts de développement “, explique Taha Husseini. Ainsi, pour Casino, l’investissement initial s’est élevé à 4,47 millions d’euros. Quelques mois avant la création de WWRE, le groupe français avait lancé un appel d’offres pour développer une solution d’achat en ligne en propre, et l’addition s’élevait alors à 15,24 millions d’euros. Mais si l’économie immédiate est probante, Taha Husseini mise également sur une minoration des coûts d’utilisation au jour le jour : les commissions prélevées sur les transactions sont réduites à la portion congrue, de 0,1 % à 0,2 %.
Ne pas rester à l’écart
La mutualisation des coûts n’explique pourtant que partiellement la ” course à la taille “ qui a été engagée. Jean-Daniel Pick, associé gérant du cabinet OC & C Strategy Consultants, souligne également ” l’effet de basculement “ sur lequel misent les groupes de distribution : ” À partir du moment où les plus gros acteurs du secteur développent une telle solution d’achat, aucun fournisseur ne peut se permettre de rester à l’écart. “Déjà, sur le marché français, Casino, Auchan et les Galeries Lafayette participent à WWRE. De son côté, Michel-Edouard Leclerc, coprésident des Centres E. Leclerc, avait rendue publique, au mois d’octobre 2000, son intention de faire adhérer Lucie, la centrale d’achat commune de Leclerc et de Système U. Il pourrait être l’un des premiers à répondre à l’appel dès le début du mois d’avril.En revanche, Carrefour et Pinault-Printemps-Redoute ont rejoint la place de marché concurrente, Global Net Xchange. Pour les fournisseurs français, la migration sur le réseau des réseaux est un passage obligé pour travailler avec la grande distribution.Les distributeurs hexagonaux n’ont donc pas raté le train des places de marché. Claude Palmieri, du groupe Auchan, se targue même d’être l’un des plus gros utilisateurs en volume de WWRE : “Nous avons commencé en novembre, et nous comptons réaliser plusieurs centaines de millions de francs d’achats via WWRE cette année. L’année suivante, les volumes concernés pourraient se chiffrer en dizaines de milliards !”Même enthousiasme chez Casino, pour lequel Taha Husseini fait état de 9,15 millions d’euros d’achats. S’il se refuse à divulguer le montant des économies réalisées sur la place de marché, il estime la mise de départ déjà largement remboursée.
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