La côte ouest de l’île d’Hawaii devrait être un désert : les volcans les plus hauts du monde bloquent en effet les nuages sur la côte est. Il ne pleut donc presque jamais à Kona, situé à l’ouest. Pourtant, les parcours de golf de cette région sont les plus luxuriants du monde. La raison ? Un système d’arrosage qui utilise les nappes phréatiques et draine les eaux de ruissellement des volcans via de vastes réseaux souterrains.Comme les réseaux de Kona, la nouvelle économie est entrée dans sa phase souterraine : absorbée par l’économie traditionnelle, elle continue de s’étendre aux entreprises et aux administrations. Elle révolutionne sans bruit, mais irrémédiablement, les aspects les plus traditionnels du monde des affaires et la vie des citoyens.Un exemple ? La Poste est celui qui me fascine le plus. Aux yeux des Français, c’est l’archétype de l’administration à jamais protégée des contraintes de l’économie de marché par son statut de monopole public… et donc à l’abri de tout risque d’amélioration du service par le biais des nouvelles technologies.Pourtant, depuis deux ans, elle a entamé, en catimini, une révolution en profondeur en embrassant les technologies internet avec l’ambition affichée de devenir un acteur majeur de la nouvelle économie.
L’e-mail est instantané et gratuit, la lettre est lente et payante…
Apparemment, cette révolution a été souhaitée et acceptée par l’ensemble des salariés ?” des hauts fonctionnaires stratèges aux syndicats. Car tous ont compris l’impact majeur qu’aurait, à terme, la numérisation des documents sur le courrier classique.L’e-mail est un catalyseur majeur de changement. Il arrive instantanément et il est presque gratuit, contre ?” dans le meilleur des cas ?” un jour de délai et trois francs à débourser pour une bonne vieille lettre.Les particuliers l’utiliseront donc peu à peu à la place du snail mail, mais ils ne sont pas les seuls : plus le taux de pénétration du courrier électronique grimpera, plus le marketing direct en fera un véhicule privilégié, au détriment des mailings postaux traditionnels.Initialement, La Poste a surtout bénéficié de l’arrivée des acteurs de la nouvelle économie : son chiffre d’affaires a augmenté de 3 % depuis 1995 à tarifs constants. Normal : les envois publicitaires se sont multipliés, et tous ces nouveaux clients ?” y compris les prestataires de services d’accès à l’internet ! ?” utilisent La Poste pour envoyer leurs factures tous les mois.Mais l’entreprise publique sait bien que le basculement vers le tout-électronique, même progressif, est inexorable et fera des dégâts.Ainsi, la Caisse primaire d’assurance maladie, le plus gros client de La Poste, génère 3 milliards de francs de chiffre d’affaires annuel par le seul jeu des correspondances avec ses assurés ! Or, le projet Sésame Santé, qui vise à digitaliser ces opérations, fera baisser les recettes de La Poste de plus de 1,2 milliard de francs en 2002 !
Pour traiter l’e-courrier, La Poste a plus de légitimité qu’une start-up
La Poste a donc décidé de devenir un acteur du courrier sous toutes ses formes : échanges de données électroniques (EDI), téléprocédures, e-signature et courrier recommandé… À l’avenir, la lettre recommandée acheminée par La Poste sera au choix une lettre classique, un e-mail ou un simple échange automatisé entre deux ordinateurs.Là où nombre de start-up indépendantes comme eLetters ou eStamp ont échoué par manque de logistique off-line et de confiance de la part de leurs clients, La Poste peut réussir. Il faut parfois reconnaître qu’un acteur public peut être mieux placé que de jeunes sociétés… D’autant que tout le monde en bénéficiera.En investissant plus de 500 millions de francs dans les nouvelles technologies, La Poste facilitera en effet l’adoption massive, par les petites comme par les grandes entreprises, du tout- électronique, encourageant au passage l’adoption définitive de standards tels que XML pour l’échange de données informatisées.C’est un scénario idéal pour les jeunes sociétés de progiciels et de services innovants, qui pourront ainsi tabler sur une infrastructure stable et quasi universelle d’échange officiel de documents…
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