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La nouvelle économie vitrifiée

Rentrée des plus moroses à Monaco pour le European IT Forum organisé par le cabinet IDC. L’investissement des entreprises dans les technologies de l’information est au point mort et, si quelques signes sont encourageants, nul n’ose annoncer nettement une date de redémarrage.

”  O temps, suspend ton vol !  “, suppliait vainement le poète. Cette plainte trouve aujourd’hui une résurgence ?” à un tout autre propos, il est vrai ?” dans la pétrification soudaine du marché européen des technologies de l’information. Dernière illustration en date : les témoignages recueillis, ce 16 septembre à Monaco, lors de l’European IT Forum organisé par IDC. “Les gens retiennent leur souffle. On assiste à un moment suspendu, on observe en silence la balle sans savoir de quel côté elle va retomber”, souligne Martin Canning, responsable de la recherche d’IDC en Europe.

Croissance négative en vue

S’il est difficile, dans ces conditions, de se livrer au jeu des pronostics, il demeure une certitude. Une seule, qui sert de fil rouge aux observateurs. ” Ces dernières années, reprend Martin Canning, les acteurs économiques avaient fini par comprendre l’importance stratégique des technologies de l’information dans la conduite des affaires. Maintenant, on repart en arrière, à toute vitesse. Le secteur IT est à nouveau considéré comme un centre de coûts. “Sur le terrain, ces ondes négatives sont éminemment perceptibles. “En cette rentrée, tout est désespérément “flat” “, explique Olivier Psaume, analyste du CIC EIFB (European Securities Network). Aucun rebond en vue !”On ne saurait être plus clair. Ni plus alarmant. De fait, IDC prévoit déjà que le marché européen des systèmes informatiques (le hardware) connaîtra cette année ce qu’il est convenu d’appeler une “croissance négative”, avec un plongeon d’au moins 4 %. De son côté, le Giga Group voit les budgets informatiques augmenter, toujours dans la zone Europe, dans une proportion de 1 %… au mieux ! Même son de cloche chez Global Equities, qui constate que, dans le domaine du logiciel, “les entreprises continuent de se focaliser sur leur niveau de rentabilité. Ainsi sont-elles amenées à procéder à de nombreux plans sociaux, et/ou à réduire leurs investissements. Les budgets informatiques sont les premiers touchés”.Cependant, comment être sûr de la réalisation d’un scénario catastrophe, dans des sphères économiques aussi mouvantes que les sables du même nom ? “C’est simple, reprend posément Olivier Psaume. Quand vous regardez ce qui se passe dans l’intégration de systèmes, qui est traditionnellement une activité très importante, vous constatez que les carnets de commandes sont vides. Or, il faut six à neuf mois pour que les contrats effectivement signés entrent en production. Résultat : c’est une période sacrifiée.” Reste l’espoir du moyen terme. Que se passera-t-il l’année prochaine ? “Je ne sais pas”, lâche Olivier Psaume.

Pas de catastrophisme

La tentation est donc grande de rechercher à d’autres époques et dans d’autres disciplines des réponses aux interrogations de l’heure. Dans Le Mal français, par exemple, Alain Peyrefitte raconte que, pressé de questions sur la pertinence respective de deux prévisions électorales, Georges Pompidou avait accoutumé de répondre : “Vous hésitez entre deux hypothèses ? C’est la troisième qui se réalisera.”C’est sans doute ce que suggère, à sa manière, Elisabeth de Maulde, analyste chez PAC (Pierre Audoin Conseil), lorsqu’elle souligne que “les choses ne sont pas aussi catastrophiques qu’il y paraît. On ne sait pas trop ce qui provoquera le déclic de la reprise, mais on observe déjà que tout ce qui relève de l’externalisation des ressources informatiques connaît une explosion durable”. Une évolution également attestée par IDC, qui observe un regain pour l’outsourcing depuis le quatrième trimestre 2001, et par le cabinet Business Intelligence Group, qui table sur une progression annuelle de 18 % jusqu’en 2004 sur le marché français.Néanmoins, il est loisible de faire observer que l’externalisation des ressources constitue, dans les technologies de l’information comme dans tout autre secteur d’activité, un signe irréfutable de défiance économique.Autre piste, évoquée celle-là par le Gartner Group : s’ouvrir aux marchés émergents (Russie, Chine, Europe centrale et orientale) et parier résolument sur l’horizon 2004, qui verra simultanément la tenue des Jeux Olympiques en Grèce, des élections américaines, sans oublier l’élargissement de l’Union européenne à une dizaine de pays. À quoi, précise sans rire le Gartner, il faut ajouter la présence d’une année bissextile… réputée favorable à l’économie !

Des pistes positives

“À mon avis, il ne faudrait pas grand-chose pour que ça reparte, insiste Eric Ochs, directeur général d’IDC France, martelant son propos comme pour mieux s’en convaincre. Il y a d’abord l’obsolescence des équipements antérieurs au passage à l’an 2000 et à l’euro. Les entreprises françaises et européennes finiront bien par les renouveler. “ Il y a aussi, reprend-il, ” le fait qu’on se trouve en fin de cycle, ce qui contribue largement à masquer la reprise “.Enfin, toujours d’après lui, la timidité des fournisseurs n’est, heureusement, pas éternelle. “Actuellement, peu de sociétés font de réels efforts pour optimiser leur offre technologique et commerciale. Microsoft et Cisco, eux, ont compris l’enjeu, et ils se battent pour faire prévaloir leur point de vue. Mais ils sont relativement isolés. Il est vraisemblable que d’autres ne tarderont pas à les imiter.” Sa conclusion, toute provisoire, est encourageante. “Même si elle ne sera pas simultanée, la conjonction de ces différents facteurs permet d’anticiper, vraisemblablement pour la fin 2003, un rebond européen, peut-être plus fort que prévu.”

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Pierre-Antoine Merlin, à Monaco