Si Free fait figure de pionnier du « quinté play », avec une offre marquée par la gratuité de ses jeux et par la compatibilité avec des émulateurs à la limite de la légalité, SFR se démarque aujourd’hui par sa technologie : le « cloud gaming », « jeu vidéo en nuage », dont il devient de fait l’inaugurateur en Europe.
Concrètement, les calculs se font ailleurs, sur des serveurs distants, mais le jeu s’affiche chez vous, sur votre téléviseur, l’ensemble des données transitant par la connexion Internet de la box. Un débit de 2,5 Mbit/s suffit, soit celui d’un flux TV en résolution standard, promet l’opérateur. Et la neufbox est capable de lire n’importe quel jeu, ou presque, du plus simple au plus complexe.
Jouer en streaming, qu’est-ce que ça change ? Tout d’abord, il n’est plus nécessaire d’investir dans une console dédiée. La mise à jour des neufbox est automatique, dans la nuit, la voilà parée à vous faire jouer. Pour le contrôle des jeux simples, une télécommande suffit ; il faut une manette, fournie en option, pour les jeux plus complexes.
L’économie est impressionnante : le coût de l’équipement revient à 14,99 euros, soit le prix d’une manette USB estampillée SFR, contre 89 euros et 179 euros pour une PlayStation 2 ou une Wii, les deux consoles de salon les moins chères du marché.
Le tout pour des performances graphiques comparables. Enfin, même le jeu à plusieurs est possible : via un hub USB (en option), la neufbox peut accepter plusieurs manettes. L’opérateur promet jusqu’à dix joueurs simultanés en ligne – en fonction des jeux.
Bien sûr, le jeu en streaming ne va pas sans quelques inconvénients. Des microgels d’écran peuvent survenir en cas de connexion saturée, et gêner notamment dans les jeux de course ou d’action. Impossible également de mettre une partie en pause pour zapper sur la télé, sauf à sauvegarder à chaque fois. Enfin, pas de stockage local possible, le système reposant sur un accès continu.
Un passe Découverte à 4,99 euros par mois permet d’ailleurs d’accéder à quinze jeux en illimité – les plus simples, ceux qui se jouent à la télécommande, sur un modèle proche des sites de streaming musical.
L’offre Full Games à 9,99 euros par mois, ouvre les portes à l’ensemble du catalogue, soit une trentaine de jeux pour l’instant. Il est également possible d’essayer chaque titre gratuitement, de louer une version complète pour 0,99 euro, et même de louer la manette 1 euro par mois, au lieu de l’acheter.
La 3D sans console
En l’état, le service manque de jeux marquants et de fonctions avancées, mais il fonctionne. En fait, la neufbox peut révolutionner le jeu vidéo, et SFR fait mine de ne pas le savoir. Nouvel entrant dans un marché aussi dynamique que saturé, l’opérateur joue profil bas et cible, dans un premier temps, les joueurs du dimanche et les enfants peu équipés, en mettant en avant la simplicité du système, accessible depuis sa télécommande, et son prix très accessible, aucun investissement matériel n’étant requis.
Dans l’absolu, OnLive, aux Etats-Unis, a été le pionnier du jeu vidéo en streaming, mais le modèle américain est réservé aux PC, et suppose d’acheter une box dédiée, alors que celle de Neuf est, de fait, déjà dans le salon de ses abonnés.
Mais les perspectives du « jeu en nuage » vont bien au-delà de ce que cette première présentation laisse penser. Déjà techniquement. Car derrière les petits jeux de détente mis pour l’instant en avant, comme l’addictif Zuma et un Moorhun Kart propret mais trop mou, le cloud gaming connaît peu de limites, si ce n’est celles de la bande passante et d’une éventuelle saturation réseau.
D’ores et déjà, Devil May Cry 3, l’un des jeux d’action les plus spectaculaires de la PlayStation 2, est proposé aux possesseurs de neufbox, et donne un premier aperçu des possibilités 3D du système. A quelques artefacts et microgels près, variables d’une installation à l’autre, le jeu est parfaitement exploitable, dynamique, et visuellement correct pour un titre d’il y a cinq ans.
Ce n’est que le début. Plusieurs titres proviennent directement des plates-formes de téléchargement de la Xbox 360 et de la PlayStation 3. Ainsi de Plants Vs Zombie, l’une des sensations de l’année sur iPhone, iPad et 360. D’autres jeux phares de la période PS2 et GameCube devraient enrichir prochainement le service. Technologiquement, la neufbox peut même afficher des titres plus récents, comme Fifa 11 version PS3. Mais ça, elle ne le fera pas, pas tout de suite.
Bientôt une plate-forme globale ?
Terrible paradoxe que ce service embryonnaire au positionnement familial, mais aux perspectives immenses. De la même façon que les téléphones ont cannibalisé le marché de la photo et des baladeurs MP3, les box Internet, après s’être attaquées à la distribution vidéo, peuvent venir concurrencer les consoles de jeu.
La technologie derrière le service n’appartient d’ailleurs pas à SFR, mais à G-Cluster, une société française indépendante qui la développe également pour d’autres opérateurs européens. Rien n’interdit à terme de la voir arriver sur la Freebox et la Livebox d’Orange. La plate-forme a tout intérêt à se généraliser pour devenir, comme l’AppStore d’Apple, un lieu de rendez-vous pour les studios et les éditeurs.
Capcom et Pop Game sont les premiers grands noms à soutenir le service de la neufbox, mais G-Cluster et SFR discutent avec d’autres éditeurs prestigieux, comme Ubisoft et Electronic Arts, et son catalogue pourrait s’étoffer plus vite qu’il n’y paraît. Le véritable développement du jeu vidéo en nuage dépendra de la bonne volonté des éditeurs.
Pour l’instant, si les principaux jeux en 3D datent de la génération précédente de console, c’est moins pour des raisons techniques que politiques et financières. Pas question, en effet, de se fâcher avec Nintendo, Sony et Microsoft ! Pas question non plus de proposer dans un abonnement à 10 euros par mois des jeux qui seraient vendus 70 euros en boutique !
Mais forte de l’excellente architecture réseau française, neufbox propose une expérience viable, certes jeune et perfectible, mais à l’évidence, pleine d’avenir. Reste à convaincre les éditeurs de ne pas lui offrir que des jeux mineurs ou en seconde vie.
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