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La mort des dinosaures

Profitant d’un contexte favorable, certains opérateurs télécoms grossissent démesurément, comme les dinosaures en d’autres temps. Mais, à en croire l’exemple d’AT&T, leur gigantisme annonce leur extinction.

Depuis Jurassic Park, tout le monde connaît l’histoire des dinosaures qui ont dominé sans partage le règne animal pendant près de deux cents millions d’années. Au fil des millénaires, ils ont grossi, grossi, au point de donner des monstres de plusieurs dizaines de tonnes et pouvant mesurer jusqu’à vingt mètres de haut.Il semble que la course au gigantisme soit une loi immuable. Mais jusqu’à une certaine limite, car la nature semble prendre ensuite un malin plaisir à détruire ce qu’elle a fait prospérer.Il en va des sociétés industrielles, et notamment des opérateurs télécoms, comme des dinosaures. Leur première tendance est de grossir, grossir… Mais là encore, Dame Nature veille et ces géants d’aujourd’hui pourraient bien être demain terrassés, si l’on en croit l’exemple d’AT&T, le mastodonte foudroyé qui n’en finit pas de s’étioler.Au début des années 80, au faîte de sa puissance, AT&T dominait sans partage le marché des télécoms américain et comptait près d’un million d’employés. Rien ne semblait pouvoir en venir à bout.En 1984, le gouvernement américain décide de briser ce géant qui empêchait la concurrence de se développer. Toute la partie opérateur local (au total 23 sociétés) est détachée et se scinde pour former sept opérateurs régionaux indépendants, les fameuses Baby Bells (encore appelés RBOC). Ce qui reste d’AT&T constitue tout de même un beau morceau : opérateur longue distance, constructeur télécom et un centre de recherche prestigieux (les fameux Bell Labs).Dix ans passent. La grosse bête s’essouffle à rester dans la course. Alors, les dirigeants eux-mêmes décident de fractionner la société. NCR, le constructeur informatique, gobé dans un moment d’égarement par AT&T, en 1991, retrouve sa liberté. Mais, surtout, la partie constructeur est détachée et devient Lucent. AT&T se recentre donc sur son métier d’opérateur. Cinq ans plus tard, après avoir investi des sommes colossales, notamment dans des câblo-opérateurs, AT&T donne de nouveaux signes de faiblesse. Un nouveau dépeçage est pratiqué : quatre nouvelles sociétés sont créées. AT&T, deuxième opérateur mondial, s’évanouit ; le monstre a cette fois disparu…Finalement, le géant AT&T n’a pas su s’adapter aux nouvelles règles du jeu. Ces dernières ont profité à de nouveaux acteurs, qui, à leur tour, prospèrent, prospèrent… Jusqu’à ce que les conditions changent et que, eux aussi, trébuchent. Le géant japonais NTT s’est également scindé en deux parties (NTT Est et NTT Ouest) et ne dit-on pas que Worldcom MCI, le nouveau géant, songe déjà à maigrir ? Hier comme aujourdhui, le gigantisme finit pas passer de mode.Prochaine chronique le vendredi 17 novembre

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Jean-Pierre Soulès