La France de 2001 peut s’enorgueillir de compter dans son élite montante l’un des meilleurs joueurs de… jeu vidéo au monde. Il s’appelle François Vignon, étudie à la fac de physique et disputait, en novembre, la finale mondiale d’Age of Empires, l’un des jeux de stratégie sur ordinateur les plus célèbres.François vient de Cergy, mais son instrument de travail est fabriqué par Microsoft et son matériel, en Asie. Un peu comme Zidane, dont le génie est marseillais, mais qui joue avec un maillot fabriqué en Angleterre et qui est payé par un club espagnol.Le paradoxe de la France moderne est là. Nous voyons éclore chez nous des talents de niveau mondial, mais où sont les richesses qu’ils produisent ? Nous possédons un système d’enseignement, une tradition et une dynamique culturelle capables de former des gens créatifs, aptes à manipuler des concepts et des idées, à créer des symboles et des marques, mais qu’en faisons-nous ?Nous sommes l’un des pays les mieux disposés à entrer dans de bonnes conditions dans l’économie numérique, immatérielle, celle du savoir, de l’intelligence de la créativité, mais pourquoi en tirons-nous si peu de fruits ?Observons le bilan des années folles de l’internet. Qu’en reste-t-il ? Au premier regard, beaucoup d’illusions ?” et de stock-options ?” perdues. Mais, en profondeur, une économie bouleversée. Une économie où, jamais, la transparence de l’information n’a été aussi forte, l’innovation aussi foisonnante, la pression à la baisse des prix aussi puissante.On le constate tous les jours en France en lisant les chapelets des suppressions d’emploi dans les entreprises. Notre pays, dans la douleur, finit son passage de l’économie de production à l’économie du savoir.Une économie où dix usines en Normandie créent moins de richesses qu’une chanson qui s’exporte, un film qui cartonne, un logiciel qui s’impose. Une économie qui engendre Manu Chao, Daft Punk et Amélie Poulain, mais qui détruit 1140 emplois d’un coup dans une usine de téléphones mobiles au Mans.Dans cette grande mutation, la France saisit-elle sa chance ? Les Américains auront, ces dernières années, créé, à partir de rien, quelques marques mondiales (Yahoo!, Amazon), un géant des médias (AOL) et une start-up (eBay), inventée par un Français d’ailleurs.Et quand on regarde le top 10 des sites web en Europe, que voit-on ? Microsoft en accapare les deux tiers devant Yahoo!, AOL et Lycos. Derrière eux arrive… un italien, Tiscali. Et nous ? On a beau chercher, on ne trouve que Wanadoo, à savoir le vieil empire France Télécom, et Vivendi Universal, un nouvel empire, certes, mais issu, surtout, de rachats et de fusions.Le problème dépasse les limites de la Toile. Combien d’entreprises françaises créées ces vingt dernières années, à partir de rien, figurent-elles aujourd’hui dans le gotha mondial ? Gemplus, roi de la carte à puce. Et une ou deux entreprises de pointe dans le logiciel (Business Objects, Dassault Systèmes).C’est maigre pour un pays qui, au XXe siècle, avait engendré des géants de l’automobile (Renault, Peugeot), du béton (Bouygues) et du commerce (Carrefour, Auchan) ou du pétrole. Nous avions même fabriqué un grand des médias, Canal +. Mais depuis ?À qui la faute ? L’administration, la classe politique, la fiscalité… On connaît par c?”ur ces suppliques, mille fois consignées dans les rapports. Oublions-les un instant pour porter l’éclairage sur un frein, trop souvent éludé, mais vital : l’élan de jeunesse.Ces vingt dernières années, les États-Unis ont, grosso modo, augmenté leur population de 51 millions d’habitants. Dont 30 000 Français qui se sont installés dans la Silicon Valley.Notre pays, lui, a perdu 1,7 million de jeunes de moins de 20 ans par rapport à 1975. Et, dans vingt ans, près de la moitié de sa population aura plus de 60 ans. À ce rythme-là, même les petits Zidane du mulot se feront rares…
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