Elle est partout… Dans nos téléphones portables, nos tablettes, nos appareils photo, sur nos porte-clés… La mémoire flash, de plus en plus performante et de moins en moins chère, est devenue incontournable. Hélas, ce produit de consommation courante est aussi l’une des cibles favorites des fabricants de contrefaçons, souvent basés en Asie. Les raisons de cet engouement sont évidentes : emballage et format standardisés et faciles à imiter, absence de mécanismes complexes, etc. Il suffit aux faussaires de prendre des cartes et clés génériques de très basse qualité et de faible capacité – souvent des rebuts issus des chaînes de production – puis de les reprogrammer afin qu’elles affichent une capacité largement supérieure à la réalité. L’essentiel est de produire une illusion crédible, fût-elle de courte durée. Une fois placée dans l’appareil de l’acheteur, la carte ou clé USB déclare la capacité annoncée et tout semble fonctionner normalement. Mais la réalité est toute autre : tous les fichiers enregistrés au-delà de la capacité réelle (c’est-à-dire des secteurs existants) de la mémoire disparaissent dans les limbes, sans aucun message d’erreur. Ils sont définitivement perdus. En outre, la vitesse de lecture et d’écriture est très nettement inférieure à celle annoncée. Dans les faits, ces produits ne peuvent donc pas être utilisés de manière fiable. Quant aux malheureux qui voudraient tenter de restaurer leur capacité originale, la procédure s’avère au mieux très complexe et au pire totalement impossible.
Un combat perdu d’avance ?
L’expansion du phénomène, de plus en plus notable à partir de 2008-2009, a suscité la mobilisation d’un groupe d’activistes. Rassemblés sous l’égide du « projet Frankenflash », ils sont à l’origine d’une nébuleuse de sites (Sosfakeflash, Fightflashfraud, etc.) visant à sensibiliser les consommateurs au fléau de la mémoire contrefaite, à encourager à la vigilance et à tenter d’établir un registre centralisé des vendeurs de contrefaçons. Leur bête noire ? Le site d’enchères eBay, accusé de négligence, de complaisance voire de complicité avec les arnaqueurs. Probablement découragé par l’absence de résultats visibles, le groupe Frankenflash a fini par cesser ses activités à la fin de l’année 2012, non sans avoir largement documenté le phénomène et fourni des exemples de comptes de malfaiteurs « vaporisés » par eBay, effaçant ainsi un historique constitué de milliers de ventes frauduleuses et réduisant à néant toute possibilité d’indemnisation pour les victimes. Autre type d’activisme promu par le Frankenflash Project, celui des « Flash Angels », des anges gardiens qui contactaient individuellement les acheteurs de contrefaçons pour les avertir, une mission devenue impossible depuis qu’eBay anonymise systématiquement les noms des acheteurs dans les évaluations des vendeurs.
Un marché de dupes
Interrogé sur la question, eBay nous a fait parvenir une déclaration très générale, rappelant sa position de leader sur le marché et évoquant quelques principes de vigilance de base, tout en soulignant le système d’évaluation et de protection des achats Paypal et l’existence d’une procédure de signalement des annonces suspectes. Les contrefaçons sont un sujet sensible pour le groupe, qui a récemment conclu un accord avec le géant du luxe LVMH après 8 ans de conflit. Mais contrairement aux contrefaçons de luxe, qui lèsent les marques, mais remplissent tout de même une fonction basique, la mémoire flash contrefaite est un produit « empoisonné » susceptible d’occasionner de graves pertes de données. Force est de constater, faute de sensibilisation des consommateurs, que le système d’évaluations d’eBay est totalement inefficace pour endiguer le problème. La plupart des acheteurs se contentent de vérifier la capacité déclarée et mettent une appréciation positive dès réception. Il est ensuite trop tard pour faire marche arrière. Quand ils tombent sur un acheteur averti (en général moins de 5% des acheteurs), la plupart des vendeurs de contrefaçons remboursent immédiatement et sans broncher, jouant la carte de l’apaisement pour éviter un litige.
Sentiment d’impunité
Ces pratiques ne sont pas l’apanage des vendeurs asiatiques proposant des prix ridiculement bas. De nombreux Européens et même des Français se livrent sans vergogne à ce commerce. C’est notamment le cas de Philippe, qui tient avec sa compagne (dont il utilise le compte Paypal pour ses forfaits) un salon de coiffure dans la région de La Rochelle, et qui arrondit ses fins de mois en vendant de fausses cartes Micro SD Samsung à un prix à peine inférieur au tarif normal. Philippe, qui fait partie des vendeurs de contrefaçons que nous avons contactés dans le cadre de notre enquête, est un cas typique. Il propose une gamme très réduite exclusivement constituée de contrefaçons, ignore toute communication privée relative à la nature de ses produits et répond aux rares évaluations explicites en prétextant un exemplaire défectueux. Son cas illustre aussi parfaitement l’inefficacité du système de signalement des produits suspects sur eBay. Plus d’un mois après, toutes les annonces que nous avons signalées dans le cadre de cette enquête sont encore actives et les vendeurs n’ont pas été inquiétés. En l’espace d’un an, Philippe a escroqué plus de 400 personnes pour un chiffre d’affaires de plus de 10 000 euros, dont plus de 30 personnes (pour environ 750 euros) depuis notre signalement. Sur eBay, son taux d’évaluations positives reste supérieur à 98%.
Petits et gros poissons
D’une manière générale, tous les sites ouverts aux vendeurs particuliers ou indépendants, comme eBay, Amazon, Cdiscount et d’autres, sont infestés de contrefaçons. Cependant, même si les « marketplaces » restent le terrain privilégié des détaillants frauduleux, les fournisseurs de contrefaçons sont parvenus à abuser de grands distributeurs. Comme le révèlent de nombreux commentaires d’utilisateurs, il semblerait que plusieurs cartes contrefaites aient été vendues directement par Amazon, le service client évoquant des « séries défectueuses ». Cependant, Amazon semble avoir récemment réagi et suspendu la vente directe de plusieurs contrefaçons qui font actuellement « l’objet d’une investigation » suite à des signalements d’utilisateurs. Du côté des fabricants, c’est le silence radio. De grands noms comme Samsung, Sandisk, Transcend et Kingston, dont l’image est pourtant sévèrement écornée par la prolifération des contrefaçons, restent muets sur la question et ne semblent pas pressés de fournir aux consommateurs des contre-mesures efficaces. ADATA, l’une des marques les plus contrefaites, consacre une page de son site aux « initiatives anti-contrefaçon » et renvoie à la liste de ses produits. Face à la passivité des marques comme des sites de vente, il semblerait bien que les consommateurs et les internautes ne puissent compter que sur eux-mêmes. À bon entendeur…
A lire aussi :
– PriceMinister : la high-tech est le secteur le plus copié
– PriceMinister dresse le portrait-robot du contrefacteur
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.
