Licenciements chez Cap Gemini, faillite de KPNQwest, scandale financier chez Xerox… Quand s’arrêtera donc la litanie des mauvaises nouvelles dans le secteur des hautes technologies ? Depuis près de deux ans maintenant, tout semble, en effet, aller de mal en pis chez les fournisseurs. Et il était temps de savoir si ce climat orageux ne commençait pas à peser sur le moral des responsables informatiques. En association avec Comm’back, 01 Informatique a donc décidé de les consulter. Les résultats sont assez éloquents : trois responsables informatiques interrogés sur quatre (74 %) reconnaissent être préoccupés par la situation économique de leurs fournisseurs. Une telle proportion déborde certainement largement la base installée des quelques grands noms qui ont fait l’actualité récemment : le doute s’est propagé à l’ensemble du secteur, et personne ne se sent désormais complètement à l’abri d’un coup dur (seuls 4 % affirment ne pas être inquiets du tout).
Préserver avant tout l’intégrité du système
Sans surprise, ce sont les télécoms qui suscitent le plus d’inquiétude (48 %), mais ils devancent de peu les constructeurs de matériel (41 %). Si l’importance de ce dernier chiffre est sans doute lié aux incertitudes quant aux retombées de la fusion entre HP et Compaq, il est intéressant de voir que ces deux secteurs sont ceux où la continuité de service est à la fois la plus cruciale pour l’entreprise et la plus susceptible d’être rapidement remise en question en cas de graves difficultés d’un fournisseur. Continuité de service, pérennité de l’offre, remise en cause de choix connexes : les responsables informatiques craignent avant tout pour l’intégrité de leur système. Cependant, rares sont ceux qui ont mis tous leurs ?”ufs dans le même panier. Leur inquiétude apparaît donc moins comme le reflet de préoccupations précises que comme l’expression d’un sentiment général. “Le plus inquiétant est le flou dans lequel nous évoluons”, remarque l’un des responsables interrogés. Ils sont, en effet, deux sondés sur trois (66 %) à s’estimer insuffisamment informés par leurs fournisseurs. La presse demeurant la principale source d’information. L’un des sondés regrette la prééminence donnée aux actionnaires plutôt qu’aux clients, tandis qu’un autre souligne l’importance des ” réseaux relationnels ” en matière de veille. Bref, comme le résume Thierry Reynaud, DSI de Sapa France, une PMI du secteur de l’aluminium, “sur le terrain, on est un peu déconnecté de toutes ces grandes affaires”. En quête d’information et de proximité, les responsables informatiques semblent quelque peu livrés à eux-mêmes. Montrés du doigt, les fournisseurs ne peuvent pourtant pas ignorer cette exigence d’information. Bien entendu, ceux qui ont été rattrapés par l’actualité sont déjà en alerte. “Tout le monde est sur le pont pour appeler les clients ou réceptionner leurs appels. Nous sommes également proactifs. Il faut rassurer les clients qui ont lu ici ou là que le réseau était sur le point de fermer, alors que ce n’est pas le cas. En outre, une lettre de notre nouveau PDG, John Sidgmore, va être envoyée à tous les clients d’ici à quelques jours”, raconte une responsable de Worldcom France. De même, très peu de temps après l’annonce de leur fusion, HP et Compaq ont diffusé un maximum d’informations concrètes quant aux conséquences de l’opération. Cependant, ces exemples de bonne volonté ne masquent pas la distance qui existe encore trop souvent entre l’annonce d’une nouvelle inquiétante et les réponses susceptibles d’être apportées aux responsables informatiques par leurs interlocuteurs habituels. Rares, en effet, sont les fournisseurs qui, redoutant les dégâts collatéraux que peuvent causer ces périodes de flou, choisissent d’adopter une démarche préventive. Colt, par exemple, qui n’a pourtant fait l’objet d’aucune actualité négative, assure “préparer une action de communication pour rassurer ses clients”.
Tous embarqués sur le même navire
Très dépendants les uns des autres, entretenant souvent des relations au long cours et que, selon Thierry Reynaud, seul “un cas de force majeur” pourrait rompre, les utilisateurs et leurs fournisseurs apparaissent finalement embarqués sur le même navire. Il n’est donc pas étonnant que certaines entreprises (9 % selon notre sondage) aient choisi de s’engager pour soutenir leurs fournisseurs. Cela peut se traduire par une politique d’achat volontariste, voire un apport financier direct. Plus souvent, les relations de bonne intelligence commerciale, déjà en vigueur par temps calme, sont renforcées. “Nous avons reçu un soutien très fort de nos clients, qui ont accepté de témoigner lors de nos conférences ou dans la presse, de révéler des chiffres, de participer à un programme de benchmarking”, raconte Gérard Dahan, directeur marketing Europe du Sud d’Ariba. Bien qu’il arrive à certains commerciaux, angoissés à l’idée de ne pas atteindre leurs objectifs, de se montrer encore plus agressifs, ou à certains acheteurs de profiter de la position de faiblesse de leurs fournisseurs pour négocier âprement, l’étroite interdépendance entre les fournisseurs et leurs clients les conduirait donc plutôt à se montrer solidaires en cette période de tourmente. Transparence et confiance mutuelle : peut-être la conjoncture poussera-t-elle les fournisseurs à appliquer enfin à eux-mêmes leurs préceptes sur la relation client.
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