Un Patriot Act à la française. Pour l’ONG internationale Human Rights Watch, le projet de loi français sur le renseignement va clairement dans la direction déjà empruntée par les Etats-Unis. Et donne un mauvais signal au reste du monde. C’est la raison pour laquelle l’organisation s’est fendue d’un communiqué de presse cinglant au sujet de ce texte.
« Les gouvernements les plus répressifs pourront remercier la France, qui créée un précédent juridique en forçant les plus grandes entreprises de l’Internet à contrôler non seulement les indices de “terrorisme”, mais aussi les indices d’une dissidence tout juste naissante, ou même d’une pensée indépendante », déclare Dinah PoKempner, directrice juridique chez Human Rights Watch.
Une surveillance abusive et secrète
L’ONG a passé au crible le projet de loi français et a relevé cinq éléments principaux d’inquiétude :
• le trop grand pouvoir accordé au Premier ministre. « Il est censé consulter au préalable un nouvel organe consultatif, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, mais n’est pas obligé de suivre son avis », souligne Human Rights Watch.
• les motifs qui justifient le déclenchement de la surveillance : des intérêts économiques et scientifiques essentiels, la politique étrangère, ou l’exécution d’engagements internationaux. Des arguments qui ne sont pas reconnus comme « motifs valables pour porter atteinte aux droits fondamentaux et peuvent de plus être interprétés de façon très large pour justifier toutes sortes de contrôle de données ».
• l’obligation pour les opérateurs d’installer des dispositifs secrets fournis par l’Etat pour analyser les comportements suspects pose également question. « La France pourrait forcer des entreprises privées à opérer comme analystes de sécurité de substitution pour l’État, avec des conséquences qui pourraient être désastreuses sur les fonctionnalités en ligne et la sécurité des informations, ainsi que sur la confiance des consommateurs et les droits fondamentaux tels que l’accès à l’information et la liberté d’expression et d’association ».
• la période de conservation des données et le manque de contrôle judificiaire apparaîssent également abusifs. « Une fois approuvées, les mesures de surveillance – y compris grâce au piratage ou des logiciels malveillants – pourront être prolongées indéfiniment, sans contrôle judiciaire ni signalement à la personne qui en fait l’objet. Les données obtenues grâce à cette surveillance pourront, dans certains cas, être conservées cinq ans, voir même indéfiniment. »
• enfin, Human Rights Watch dénonce le manque de transparence vis-à-vis du public. « Il est difficile de voir comment les personnes visées – que ce soit directement ou en raison d’associations dont elles ne sont pas conscientes, de l’endroit où elles sont, ou d’autres raisons – pourront savoir qu’elles ont fait l’objet d’un contrôle, et contester ces actes devant le Conseil d’État », déclare encore Dinah PoKempner.
En conclusion, l’ONG regrette que la France utilise une procédure accélérée d’examen du texte et l’exhorte à prendre davantage de temps pour réfléchir aux conséquences d’un projet de loi mis en route bien avant les attentats de Charlie Hebdo…
Source :
Le communiqué de presse de Human Rights Watch
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