10 000 dollars pour un vieux magazine. 10 000 dollars pour une revue dont la couverture n’affichait rien d’affriolant et qui coûtait à l’époque 75 cents. Des écrans couleurs avec des mires. En dessous, une vieille console de régie d’une chaîne de télévision. Et puis, juste devant, un homme en costume sombre, David Sarnoff, pionnier de la télévision commerciale, assis la pipe à la bouche, le front haut. Au dessus, en travers de la page, un mot écrit en grosses lettres noires : Electronics.
Voici à quoi ressemblait la revue Electronics, parue le 19 avril 1965, dans laquelle un certain Gordon Moore, cofondateur de Fairchild Semiconductor et d’Intel, publiait un long article qui deviendrait plus tard connu sous le nom de Loi de Moore. Voilà sans doute pourquoi Intel était prêt à donner 10 000 dollars à qui pourrait lui fournir une copie en bon état de ce magazine, même si on peut s’étonner maintenant que Gordon Moore n’en orne pas la Une… La loi de Moore a cinquante ans. Joyeux anniversaire !
Une loi à l’impact considérable
Avant d’être une révolution en marche, la loi de Moore n’était même pas une loi. Plutôt une prédiction, une sorte d’extrapolation qui voulait, à l’origine, que tous les ans, puis tous les deux ans, les ingénieurs seraient capables de concevoir des puces contenant deux fois plus de transistors dans le même petit carré de silicium. Son auteur s’avoue d’ailleurs toujours surpris que son analyse se soit vérifier si longtemps.
Sans le savoir, Gordon Moore venait d’édicter une loi et pas n’importe laquelle, celle de la Silicon Valley et avec elle de l’innovation technologique. Cinquante ans, donc que le monde obéit à cette loi, aboutissant à la révolution de l’informatique personnelle, à celle du Net, grâce aux serveurs de plus en plus puissants et rapides, à celle des smartphones et bientôt à celle des objets connectés et wearables.
Car la loi de Moore, en plus de ce qu’elle signifie en termes de gain de puissance, assure également une stabilité économique, elle est devenue un prérequis commercial. Elle trace une voie, où les coûts de fabrication chutent régulièrement, rapidement, permettant la diffusion de la technologie à un rythme sans précédent. Gordon Moore s’amuse parfois à dire que si le prix de l’immobilier avait suivi la même courbe que les puces en silicium, on pourrait désormais s’acheter une maison pour le prix d’un bonbon… Sans cela, l’innovation pourrait freiner, l’économie ralentir et la société moderne connaître une sorte de stagnation technologique.
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Menacée d’extinction
Depuis de nombreuses années maintenant, le doute s’insinue. La réalité commence à bander ses muscles comme pour prouver que la loi de Moore n’est pas immuable. Depuis 2012, le coût par transistor a commencé à croître. Concevoir et tester une puce coûte de plus en plus cher, est de plus en plus complexe. Pire le silicium montre ses limites. Les fondeurs se heurtent à une réalité inévitable – comment réussir à faire tenir des composants toujours plus petits dans un même espace avec les contraintes de la physique… Intel et d’autres gravent désormais les puces à 14 nanomètres, soit 14 milliardièmes de mètre. Face à la difficulté rencontrée, le géant de Santa Clara travaille désormais également sur l’optimisation logiciel.
La loi de Moore pourrait donc être mise à mort par les limites du silicium, ce fameux « silicon » qui a donné son nom à une vallée californienne et écrit l’histoire technologique ces cinquante dernières années.
Pour perdurer la loi de Moore devrait s’en débarrasser, se tourner vers de nouveaux matériaux, de nouveaux supports pour les puces qui animeront les révolutions technologiques de demain : des voitures sans chauffeur aux robots en passant par des drones intelligents. Certains sont déjà désignés comme de potentiels successeurs, le GaAs (l’arséniure de Gallium) notamment. De nouveaux matériaux qui dessinent une nouvelle vie pour la loi de Moore, une nouvelle voie pour l’innovation, un nouveau chemin pour que la prophétie continue de se vérifier…
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Sources :
Intel Free Press
The Wall Street Journal
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