Le c?”ur de métier de la société Caliste Marquis : les séchoirs-étendards à linge. Issue d’un groupe réalisant un chiffre d’affaires annuel de 11,4 millions d’euros (75 millions de francs) pour 120 salariés, la PMI de l’Eure n’a pas d’informaticien. Ni les avantages ni les inconvénients qui vont avec, selon les points de vue. Il y a quelques mois, les quelques ordinateurs dont elle disposait n’étaient même pas en réseau. Pourtant, pour se développer, la société avait besoin de mettre en place une infrastructure matérielle et logicielle. Caliste Marquis possède un site de production en Tunisie et un bureau commercial au Canada. “Nous avions besoin de logiciels performants accessibles par nos commerciaux, même lorsqu’ils sont en déplacement et, surtout, il nous fallait mettre en place des outils de gestion communs (progiciels de gestion intégré, suivi de la relation client) dans l’entreprise”, commente Stéphane Guillemot, responsable financier de la société. L’entreprise a choisi de recourir à la location d’applications en ligne et a fait appel à la start-up parisienne Virtual Computer qui, en quelques semaines, a mis en place des outils de bureautique, de gestion de la relation client, et un intranet sécurisé dans l’entreprise. Cet ASP ?” Application Service Provider, ou fournisseur d’applications hébergées ?” aimerait bien que l’expérience fasse tache d’huile. “Les logiciels, un jour, seront consommés de la même façon que la musique”, imagine même son fondateur, Alain Richet.Le concept de location en ligne de services informatiques est apparu timidement il y a deux ans en France. Les aléas du marché n’ont pas aidé son envol. “Même si les ASP n’ont pas autant souffert que les start-up, les levées de fonds n’ont pas toujours eu lieu comme prévu”, explique Jacques Degroote, président du bureau français de l’ASP Consortium. D’autant plus que fonder un ASP demande beaucoup de trésorerie pour mettre en place les infrastruc- tures. Mais le marché démarre doucement et les différents acteurs s’accordent à dire qu’en France, 2001 sera l’année du décollage des applications hébergées.“La croissance des ASP devrait également bénéficier de l’amélioration des réseaux ; elle est dépendante du développement du haut débit garanti”, remarque Yannick Singer, consultant chez Aubay Service Integration. Il n’en reste pas moins que le concept doit affronter des réticences importantes, d’ordre psychologique parfois. Difficile en effet pour certaines entreprises d’accepter de laisser des applications considérées comme stratégiques à des sociétés extérieures. “Confier leur portefeuille client à une société extérieure angoisse de nombreux responsables”, confirme le directeur marketing du fournisseur d’hébergement intelligent à valeur ajoutée Matra Global Netservices, Sébastien Ozanne. Une étude sur les applications louées réalisée par Sun Microsystems montre en effet que la sécurité et la qualité de service font partie des craintes majeures des clients potentiels des ASP. “Mais les faits montrent que les services informatiques des entreprises ne sont ni très sécurisés ni protégés”, constate Yannick Singer. “Il est généralement plus sûr de conserver ce type d’information chez des spécialistes”, ajoute Marc Perroncel, du groupe de services informatiques Atos Origin.
Un moyen de s’affranchir des mises à jour logicielles
Pourtant, le modèle ASP a, au départ, pour vocation de résoudre plus de problèmes qu’il n’en crée. Son atout principal : permettre aux entreprises de se concentrer sur leur c?”ur de métier. “Les start-up, par exemple, ont peu de temps et de moyens pour convaincre, et elles ont pourtant besoin d’applications aussi évoluées que les sociétés implantées”, insiste Alain Richet. Des anciennes divisions de grands groupes, devenues filiales, fournissent d’ailleurs les clients types des ASP : elles tiennent à continuer d’utiliser des applications élaborées, même si elles n’ont désormais plus les moyens de les mettre en place seules. Une étude sur le marché français des ASP, réalisée par Cap Gemini Ernst & Young et le cabinet de conseil Cesmo pour l’ASP Forum, montre ainsi que le pas de la location d’applications est souvent franchi au moment de remous organisationnels : rachat, internationalisation… Les critères mis en avant pour ce choix : la rapidité de déploiement de ces applications, la possibilité d’y accéder en mode réparti ou nomade. La location d’applications délocalisées signifie aussi, pour beaucoup, la fin de l’arrachage de cheveux lors de la mise à jour des logiciels utilisés par la comptabilité ou les stocks. Ou, pire, lors de la disparition des sociétés éditrices de ces logiciels. Dans les contrats d’ASP intervient en effet la garantie d’une qualité de service à l’égard des mises à jour ou des ” plantages ” machines.Autre raison du choix de cette solution : la formule d’abonnement. Mensualisées, les dépenses informatiques donnent ainsi l’impression d’être maîtrisées. Pas de mauvaise surprise pour les responsables financiers ! Le cabinet IDC estime ainsi que la réduction des coûts dans l’implémentation et la maintenance des applications est de l’ordre de 25 à 40 %. Et c’est compter sans l’économie en ressources humaines, d’autant plus appréciable en ces temps de pénurie d’informaticiens ! Cependant, au final, l’équipe à l’origine de l’étude sur le marché français de l’ASP estime que l’économie n’est pas si flagrante, mettant en avant que l’avantage vient surtout du lis- sage et du contrôle du coût.
En pratique, difficile de faire un choix
Autre atout mis en avant par les utilisateurs potentiels : l’éventail des applications disponibles. IDC distingue ainsi plusieurs marchés majeurs pour l’ASP : la gestion de l’entreprise (finance, comptabilité, ressources humaines), la bureautique en ligne, les applications dédiées à des communautés ou à la gestion de la relation client. Selon IDC, cette dernière constituerait même le segment principal du marché à l’horizon 2004.Si l’offre est large en théorie, en pratique, ce n’est pas toujours le cas. Les clients potentiellement intéressés et au courant du marché ont parfois du mal à trouver leur bonheur. Ainsi, Thierry Kauffmann, responsable des systèmes d’information du groupe RTL, cherchait pour ses équipes une messagerie ouverte et normalisée sur internet. “On ne trouvait pas précisément ce que l’on cherchait”, regrette-t-il. Finalement, il a opté pour la solution proposée par Outrade.com pour équiper 800 boîtes aux lettres. “Nous avons réellement besoin de connexion à distance pour les journalistes en reportage et elle doit absolument fonctionner en permanence.”Pléthore d’acteurs de tous horizons ont surgi sur le marché. “Un ASP est un ensemblier : il doit regrouper éditeurs, hébergeurs, fournisseur d’applications”, prévient Michaël Schouchana, responsable du dévelop- pement européen chez l’hébergeur Interliant. Certains, comme Virtual Computer, se posent en pure players, intégrant tous les éléments de la chaîne, mais, le plus souvent, il s’agit d’associations de différents acteurs. “Le modèle repose avant tout sur l’intégration de compétences très diverses. Les différents acteurs doivent collaborer pour développer une offre “packagée””, remarquent les chercheurs d’IDC. Ces associations sont d’autant plus importantes qu’elles ont le mérite de permettre à certaines start-up de mettre en avant des noms connus. Un moyen de rassurer les clients. Ainsi, Virtual Computer travaille de concert avec, entre autres, Microsoft ou l’éditeur Sage.En amont, les éditeurs d’applications s’intéressent au monde des ASP. “Mais certains croient qu’il suffit de mettre en ligne les logiciels existants, alors qu’il faut créer des logiciels spécifiques”, insiste Olivier Dellenbach, fondateur d’Efront. La jeune société a ainsi développé Frontsales.com et Frontexpenses.com dédiées à la gestion des forces de vente et des notes de frais. À l’autre bout de la chaîne, les fournisseurs d’accès réseaux et, notamment, les opérateurs télécoms regardent également de près ce qui se passe sur ce marché. “Ils ont en effet tout intérêt à remplir leurs tuyaux d’applications à valeur ajoutée”, confirme André Richet, créateur de Virtual Computer. En effet, les ASP leur apportent des clients et du trafic. Ces différents acteurs se regroupent donc suivant leurs compétences pour former la chaîne complète nécessaire à l’offre ASP.
Avec quel prestataire s’engager ?
Vendre ce type d’applications est particulièrement complexe. La cible des ASP est plutôt bien définie : les PME-PMI “de 6 à 500 salariés”, comme l’indique François Stephan, directeur marketing d’Ornis. Soit, en France, quelque 330 000 entreprises, dont 50 000 renouvellent chaque année leurs logiciels de gestion. Un marché juteux car elles dépensent annuellement, selon IDC, 1,14 milliard d’euros pour l’amortissement et la maintenance de leurs systèmes informatiques de gestion. Mais, s’il est intéressant, ce marché est particulièrement disparate. La question qui se pose alors est : qui va vendre les solutions ” packagées ” ? Avec des fichiers clients fournis, les opérateurs télécoms et les fournisseurs d’accès réseau semblent particulièrement bien armés pour cette opération. “Mais un commercial qui sait vendre du réseau ne sait pas forcement vendre des applications à un directeur informatique”, insiste Sébastien Ozanne. “Vendre des applications en ASP demande de convaincre des publics spécifiques, très différents les uns des autres”, poursuit le directeur marketing de Matra Global Netservices. Les équipes commerciales sont ainsi souvent le défaut de la cuirasse des fournisseurs d’applications hébergées. Ces entreprises doivent trouver de nouvelles stratégies de vente.Quoi qu’il en soit, l’utilisateur, lui, a affaire à une seule société. C’est à l’ASP de nouer les partenariats nécessaires pour que l’offre soit complète. Une restriction qui laisse à penser que le milieu risque fort de continuer à se concentrer. Progressivement, les sociétés vont prendre l’habitude d’externaliser leurs logi- ciels et, comme l’imagine François Stephan, “l’ASP deviendra un service au même titre que l’électricité : ça marchera sans que l’utilisateur se pose de questions.”
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